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Jerry Bengtson, le footballeur masqué
Pour se protéger contre la Covid-19, le monde entier porte un masque dès qu'il sort de chez lui. À quelques exceptions près comme la pratique du sport. Une exception dont Jerry Bengtson - attaquant du CD Olimpia (Honduras) - n'a que faire puisqu'il dispute l'intégralité de ses entraînements et de ses matchs avec un masque sur le nez. Avec un sens du but intact. Et tant pis si les recommandations médicales ne lui donnent pas forcément raison.
Durant toute sa carrière, Thierry Henry a entendu la même phrase à son sujet : « Pourquoi portes-tu le masque après chaque but ? » Sous-entendu, « Pourquoi tu fais la tête après chaque but au lieu de le célébrer avec le sourire ? » Sauf que le principal intéressé a récemment eu l’occasion de rencontrer un attaquant qui porte véritablement le masque. Au sens littéral du terme. Ce buteur s’appelle Jerry Bengtson et joue au CD Olimpia au Honduras. Et comme depuis septembre et la reprise du football en Amérique centrale, celui qui a disputé un match de Coupe du monde face aux Bleus en 2014 est entré sur le terrain – pour éliminer l’Impact de Montréal de Titi Henry en quarts de finale de Ligue des champions de la CONCACAF – avec un masque chirurgical sur le visage. Un bout de tissu noir sur lequel sont floqués son numéro 27 et le logo du CD Olimpia que le seul joueur de foot professionnel à disputer ses rencontres masqué ne quitte jamais. Un choix que les médias locaux expliquent par le fait de vouloir protéger sa famille du coronavirus.
Un manque d’oxygénation évident
Le monde entier a beau être masqué depuis bientôt un an, cette image de Jerry Bengtson a fait le tour du monde tant elle a surpris. Il faut dire que la pratique du sport est l’une des rares exceptions au port du masque, d’où la nouvelle passion débordante des Français(es) pour la course à pied. Pourtant, du point de vue de la réglementation, rien n’interdit l’attaquant hondurien de 33 ans d’arborer son masque. C’est en tout cas ce que dit le point 4 de la Loi 4 des lois du jeu de la FIFA qui indique noir sur blanc que « les protections non dangereuses, comme les casques, les masques faciaux, les genouillères et les coudières en matériaux souples, légers et rembourrés sont autorisées ». Alors si les masques en plastique thermo-moulable sont autorisés après une opération du nez – coucou Lucas Digne – il n’y a aucune raison que celui en tissu de Jerry Bengtson soit interdit.
En revanche, si l’ancien buteur de New England Revolution est le seul footballeur professionnel à le porter, c’est qu’il y a une raison. Et c’est l’ancien médecin des Girondins de Bordeaux, le docteur Serge Dubeau, qui la donne : « Il va forcément manquer d’oxygène à un moment donné. Et vu qu’il a une moins bonne oxygénation, son corps va fonctionner moins bien, son cœur va s’accélérer plus vite. Il va courir moins vite et aura du mal à reproduire les efforts. Après, il a peut-être une capacité respiratoire incroyable, ce garçon, et peut faire des efforts avec le masque sur le nez, mais déjà moi, ça me gêne au cabinet, alors pour courir, bonjour ! » Son homologue Jean-Pierre Paclet – médecin de l’équipe de France de football de 1993 à 2008 – est, lui, plus mesuré : « Le bon sens me ferait dire que ce n’est pas le meilleur moyen pour respirer et s’oxygéner en jouant au football, mais cela n’a aucune valeur scientifique. C’est juste du bon sens. »
Des statistiques toujours aussi folles
Pour Jean-Pierre Paclet, finalement, ce serait au joueur de décider et à l’entraîneur d’accepter en fonction des performances sportives du joueur masqué : « Si je suis entraîneur d’un club de D2 en France et que Lionel Messi vient jouer chez moi, et qu’il me dit qu’il voudrait jouer avec un masque, eh bien je le laisse faire. (Rires.) Je crois qu’il faut être libéral, on ne peut pas obliger le joueur à disputer ses matchs sans masque s’il plante tous les week-ends. » Et visiblement, le port du masque ne gêne pas Jerry Bengtson, déjà auteur de 8 buts en 8 matchs de championnat. Solide. Son entraîneur a d’ailleurs reconnu qu’il ne voyait pas pourquoi il empêcherait son capitaine de porter son masque alors qu’il est toujours aussi précis face au but.
Pour autant, tout le monde n’est pas Jerry Bengtson. « Si on oblige les joueurs à mettre un masque sur le nez tout en leur demandant de faire les mêmes efforts et de reproduire les mêmes performances que sans, c’est là que c’est aberrant et dangereux, pose Serge Dubeau. Si on prend l’exemple des tests d’effort pendant lesquels le patient porte un masque pour certains exercices, on se rend vite compte que l’effort est plus difficile. On ne peut pas faire ça pendant deux heures. Imaginez dans quel état sera celui qui court un marathon avec un masque. » Pour l’instant, il n’est pas prévu que les marathons se courent avec un masque sur le nez. Mais ce n’est pas le cas de toutes les compétitions. Il y a quelques semaines, l’Espagne avait fait parler d’elle en obligeant les joueurs de León et de Sinfín de disputer leur rencontre de D1 de handball avec un masque chirurgical. Au grand dam des handballeurs qui s’en sont plaints auprès de la ligue. Alors qu’il suffisait juste de demander la recette à Jerry Bengtson pour pouvoir être performant en apnée. Une recette que le Tigres d’André-Pierre Gignac pourrait goûter ce samedi, en demi-finales de la Ligue des champions de la CONCACAF. Et en cas de défaite, ce sont bien DD et ses potes qui repartiront avec le masque.
Par Steven Oliveira
Tous propos recueillis par SO.