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Jérémy Toulalan, l’éducation nantaise
Avant de squatter l'équipe de France ou d'étoffer son palmarès avec Lyon, Jérémy Toulalan a découvert les joies du foot pro avec le FC Nantes. Une période durant laquelle il s'est repositionné récupérateur et construit comme l'une des dernières grosses productions de la formation nantaise.
« Lorsque l’on a joué Monaco avec Angers, il m’a impressionné. Son volume de jeu, sa puissance dans les jambes… Il n’a cessé de progresser et il a désormais une énorme maturité dans le jeu. Pour moi, il a encore le niveau pour jouer en équipe de France. » Serge Le Dizet a connu Jérémy Toulalan alors qu’il s’occupait des U17 de Nantes, et que le milieu de terrain, alors âgé de 15 ans, « était régulièrement surclassé car il avait de grosses qualités » . Michel Marchais, qui a été l’éducateur de la Toul en U13, n’est pas moins élogieux et affirme sans ciller que « Toulalan n’est ni plus ni moins le meilleur joueur que l’on ait sorti avec Mickaël Landreau avant de sombrer en Ligue 2 » . Une évaluation qui se traduit dans les archives : avec Nantes, le récupérateur a vécu cinq saisons en pro, dont deux en tant que titulaire inamovible. Son départ à Lyon en 2006, en même temps que celui de Landreau au PSG, a d’ailleurs coïncidé avec la première relégation des Canaris, tandis que lui « devenait un pilier de Claude Puel à Lyon et découvrait l’équipe de France » dixit Le Dizet. Une montée en puissance tout sauf évidente selon Pierre Aristouy, qui a découvert l’équipe première nantaise en 2001-2002 également car « on savait que Landreau était un phénomène, alors que Jérémy était plutôt introverti, discret. » Sans s’attirer la lumière, le taiseux a gratté 36 sélections, participé à une Coupe du monde, un Euro, et une multitude de campagnes européennes. Samedi à Louis-II, le FCNA sera donc opposé à l’une de ses meilleures productions maison. Un joueur qui, pourtant, aurait pu louper le virage pro à cause d’un physique fragile.
« Quand on lâchait un ballon, il avait un troisième poumon »
« De 13 à 16 ans, il a multiplié les blessures, si bien qu’il ne pouvait enchaîner les matchs et qu’on s’interrogeait sur sa capacité à passer le palier pro » , se souvient Marchais. Des blessures qui font mal autant physiquement que moralement, notamment lorsque Toulalan manque le tournoi de la St-Pierre, son premier club. « Quand il jouait, on voyait qu’il avait un truc, notamment un gros coffre » , se rappelle l’éducateur de la Saint-Pierre de Nantes. Il se rappelle aussi de lésions musculaires à répétition ou de maux de dos à cause d’une croissance trop rapide. Mais une fois celle-ci terminée, la Toul peut enfin donner la pleine mesure de ses moyens, hors normes. « Quand il s’agissait de tests physiques, de travail foncier, il n’était pas plus impressionnant que ça » , assure Aristouy, « mais quand on lâchait un ballon sur la pelouse, soudain il avait un troisième poumon, c’était saisissant » . Que ce soit dans l’endurance, mais aussi dans les impacts : « Tu regardes Jérémy comme ça, il n’a pas l’air super musclé, mais dans les duels, il est âpre, costaud… » Une analyse que Serge Le Dizet partageait souvent avec Raynald Denoueix, en soulignant « la qualité de Jérémy dans les un-contre-un, où il était quasiment impassable » . Mais plus qu’un marathonien, Toulalan est devenu un guerrier, « peut-être à cause de ses blessures plus jeunes qui l’ont endurci mentalement » avance Marchais : « Cela a toujours été un gamin qui parlait peu, mais qui faisait. Il ne lâchait jamais, et à chaque fois qu’il revenait de blessure, on sentait une envie énorme. » Notamment parce que l’intéressé a toujours aimé le jeu, « notamment ce qui était proposé à Nantes à l’époque de sa formation » assure Le Dizet, et qu’il a su accepter de redescendre sur le terrain pour se frayer un passage vers le monde pro.
Toulalan, un Ronaldinho refoulé
« C’est vrai que c’est amusant, à la base Jérémy aimait se porter vers l’avant, dribbler, marquer des buts, mais il a construit sa carrière sur un registre beaucoup plus défensif » explique l’actuel adjoint de Stéphane Moulin à Angers, à qui il est arrivé de positionner la Toul en défense centrale. Si, en général, cette mise en retrait traduit certaines limites techniques pour évoluer dans les positions offensives, Pierre Aristouy n’y voit pas un aveu de faiblesse : « Johan Cruyff avait dit que les meilleurs joueurs devraient évoluer plus bas pour dicter le jeu, je pense qu’à Nantes, on a fait reculer Jérémy pour profiter au maximum de son immense volume de jeu, alors qu’il manquait peut-être un peu d’explosivité pour briller devant. » Mais pas forcément de technique ni d’aisance face au but selon l’actuel entraîneur du Stade Montois, car « Jérémy a une vraie belle frappe de balle et s’il ne marque pas plus, c’est surtout par manque de réussite, je l’ai souvent vu toucher des poteaux. » Le Dizet se souvient d’ailleurs d’un joueur capable, dans le besoin, de « dribbler pour s’extirper d’un gros pressing » , mais surtout « d’un monstre dans le rôle de sentinelle » . Joueur avec l’esprit de sacrifice, il pourrait finir sa carrière sportive à Monaco, avant très probablement de tourner le dos au monde pro. « Il aime le jeu, mais il aime beaucoup moins tout ce qu’il y a autour dans l’univers professionnel » , estime l’ancien éducateur à Nantes, pour qui Toulalan aurait pu faire une carrière bien plus grande « s’il avait été au bon endroit au bon moment » .
Par Nicolas Jucha