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Jérémy Sorbon : « Il faut défendre avec ses forces »

Propos recueillis par Flavien Bories
7 minutes
Jérémy Sorbon : «<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>Il faut défendre avec ses forces<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>»

Défenseur central. Un rôle parfois difficile à appréhender, à accepter, surtout si tu te rêves en numéro 10 ou buteur de renom. Après douze ans de carrière professionnelle, le défenseur guingampais Jérémy Sorbon (trente-trois ans) tente de donner les clés de la réussite à un poste exigeant mais passionnant, qui n’a cessé d’évoluer ces dernières années.

Lorsqu’on débute au poste de défenseur central, comment prendre ses marques ?La première des choses est d’écouter les conseils de son entraîneur. Il est là pour ça. C’est du travail au quotidien. Et puis, regarder, s’inspirer de ce que les autres peuvent faire. Depuis mes débuts, j’ai joué avec beaucoup de défenseurs centraux. J’ai appris d’eux et des conseils de mes coachs. C’est toujours important de connaître les domaines dans lesquels on doit progresser pour pouvoir bien travailler.

Que faut-il exactement regarder chez les autres défenseurs ?Tout le rôle que doit tenir le défenseur central : être bon dans les duels, c’est forcément une des premières choses. Mais maintenant, il y a les défenseurs nouvelle génération comme Thiago Silva. Très bon dans l’anticipation, dans la relance et dans la vision du jeu. C’est important. Le ballon repart de derrière, il doit être bien relancé. Aujourd’hui, un défenseur central doit être un joueur complet. C’est le dernier rempart, mais le premier à la relance.

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On prend souvent le fait d’être mis en défense comme une punition.Non, ce n’est pas forcément une punition. L’entraîneur est là pour faire ressortir les qualités de chacun. S’il estime qu’un joueur a plus de qualités à être défenseur ou milieu, c’est qu’il estime que le joueur pourra s’exprimer pleinement à ce poste. C’est vrai que lorsqu’on est gosse, on voit Messi, Cristiano, on se dit qu’on veut faire comme eux, être devant et marquer des buts, mais le football, ce n’est pas que ça. Oui, certains joueurs ont ce talent offensif, mais d’autres ont un talent défensif. Il ne faut vraiment pas le prendre comme une punition.

On demande beaucoup de sobriété au défenseur. Parfois frustré, il a l’impression de faire un autre sport que l’attaquant.Encore une fois, on s’inspire souvent des grands. C’est important. Il faut voir ce qu’est capable de faire aujourd’hui Barcelone. C’est un exemple type de sobriété et de simplicité. Le football, ce n’est pas que porter le ballon, dribbler deux, trois, quatre joueurs, ce qu’on fait lorsqu’on est jeune. Lorsqu’on est professionnel, on prend de la maturité et de l’expérience. Aujourd’hui, lorsqu’on dit être sobre, c’est faire une, deux, trois touches de balle maximum. Pour fluidifier le jeu, pour que ça aille beaucoup plus vite et que ce soit plus intéressant. C’est forcément aux attaquants de faire le boulot devant. Ils peuvent faire des touches supplémentaires pour éliminer un joueur. Mais on peut très bien le faire avec un contrôle, une passe ou en trois touches de balle.

Qu’est-ce qu’aimer défendre ?Je ne peux pas dire que c’est ingrat de défendre, mais généralement, les attaquants n’aiment pas le faire. Ils aiment avoir le ballon, attaquer, marquer des buts. Lorsqu’il faut défendre, c’est plus difficile. Donc toute perte de balle qu’il peut y avoir devant nous, on doit travailler pour pouvoir la récupérer. Ce n’est pas simple et il faut ensuite la garder. Lorsque le ballon est perdu, la première chose à faire est de défendre. C’est complexe, mais de toute façon, que ce soit devant ou derrière, c’est complexe. Mais on préfère forcément avoir le ballon et attaquer plutôt que défendre.

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On dit souvent qu’un défenseur ne doit pas se livrer et défendre un maximum debout.Oui et il y a beaucoup de raisons à cela. Aujourd’hui, les attaquants sont plus habiles, donc se jeter créé forcément des décalages derrière. Faire des tacles, ce n’est pas forcément nécessaire. Il faut défendre au maximum debout parce qu’on peut toujours rattraper la situation. Lorsqu’on est par terre, le temps de se relever, c’est beaucoup plus compliqué, forcément.

Comment travailler son sens de l’anticipation ?C’est de la vision du jeu. Il faut savoir regarder ce que fait l’adversaire direct, l’attaquant, mais aussi son coéquipier. On voit souvent les attaquants décrocher, certains sont arrêtés, d’autres en mouvement. Parfois on peut passer devant, d’autres fois non. Si l’attaquant est en mouvement et vient vers le ballon, c’est très compliqué de pouvoir passer devant, d’anticiper. Beaucoup d’attaquants ne sont pas dans le bon tempo, font l’appel pour avoir le ballon et puis s’arrêtent. C’est dans ces moments-là qu’on peut passer devant et récupérer la balle. Sur les ballons en profondeur, avoir une bonne lecture du jeu permet de couper la trajectoire. Ça fait partie du sens de l’anticipation. Comment ça se travaille ? Il faut surtout regarder les autres, réfléchir à la situation et rester vraiment très concentré. Au début, on essaie une fois, deux fois pour voir comment ça se passe et puis à force, on progresse, on arrive à le faire, et puis ça devient une qualité naturelle. Certains le font naturellement parce qu’ils n’ont pas la vitesse, mais le sens de l’anticipation. Il faut s’adapter aux qualités qu’on peut avoir. C’est intéressant de travailler lorsqu’on est plus jeune plutôt que de devoir le rattraper plus tard.

Tu as déjà en partie répondu, mais doit-on miser sur ses forces ou essayer de combler ses lacunes ? Concernant la vitesse par exemple.Quelqu’un de très, très lent ne sera jamais rapide, même s’il travaille sa vitesse. Le tout, c’est de travailler sur autre chose pour pouvoir combler, compenser ce manque. Après, lorsqu’on a des qualités, certains diront que c’est très intéressant de pouvoir les travailler au maximum pour progresser davantage dans ces domaines-là. Mais la vitesse n’est pas forcément le bon exemple. En revanche, la technique, c’est hyper important dans le football. Je ne parle pas de passements de jambe et compagnie. Ce n’est que du bluff, ça. Je parle des contrôles et des passes. La base. Un ballon, même de merde, il faut être capable de faire le bon contrôle pour pouvoir enchaîner très rapidement. Si certains professionnels sont bons dans ce domaine, c’est parce qu’ils ont travaillé. C’est important et ça commence aux entraînements avec l’exercice « contrôle-passe » tout le temps, dans toutes les situations, face à une pression adverse. Il faut se mettre en difficulté dans des jeux pour pouvoir progresser au fur et à mesure. On doit insister sur les qualités, mais aussi travailler ses lacunes pour combler les défauts.


Si on joue dans une défense à quatre et qu’on ne s’entend pas du tout avec son compère de la défense centrale, comment créer, malgré tout, une complicité et être efficace ? Il faut avoir le sens de l’adaptation. On ne peut pas s’entendre et avoir des affinités avec tout le monde. Quand on en a, c’est forcément plus simple de jouer ensemble, mais lorsqu’on ne s’entend pas en dehors du vestiaire, on ne propose pas à l’autre d’aller manger ensemble. Mais sur le terrain, on doit pouvoir s’adapter à son coéquipier, même si on ne l’aime pas. On fait du football, on s’adapte et on travaille main dans la main.

Tu le crois vraiment ? Franchement oui. Sauf si cette personne nous a vraiment fait quelque chose de mal, mais là on entre dans un autre débat. On est une équipe avant tout. C’est important de pouvoir reconnaître les qualités et les défauts de l’autre et pouvoir adapter son jeu par rapport à ça. Je pense qu’on peut créer une bonne complicité sur le terrain, même si on ne s’entend pas en dehors et c’est important de le faire.

Comment un défenseur de petite taille peut-il appréhender un duel face à un grand attaquant ? Il faut défendre avec ses forces. Lorsque vous tombez sur des attaquants très, très grands, ça ne sert pas à grand-chose d’aller au duel aérien avec lui. Il faut surtout prendre du recul au départ ou le gêner dès le début de l’action. Fabio Cannavaro (1m76) n’était pas le plus grand, mais il gagnait un maximum de ballons de la tête. Ce n’est pas non plus parce qu’on a un déficit de taille qu’on ne peut pas prendre un ballon de la tête. Il faut jouer avec ses forces et toujours s’adapter à la situation. Le footballeur est en continuelle adaptation. Il se remet en question, mais tient aussi compte du coéquipier à ses côtés.

L’interview de Jérémy Sorbon est à retrouver dans So Foot Club #27, actuellement en kiosque.

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