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Jérémy Pied : « En D5, j’ai retrouvé ce qui fait la magie du football »
Après l’avoir supprimée dans un premier temps, l’OGC Nice a été contraint de relancer son équipe réserve cet été, au risque de perdre son numéro d’association et par conséquent son équipe féminine et certaines équipes de jeunes. Repartie en D5, celle-ci est composée de différents employés du club et d’anciens joueurs, dont un certain Jérémy Pied, 35 ans et 174 matchs de Ligue 1 au compteur.
Ça fait quoi de passer de la Ligue 1 à la D5 ?
C’est ressourçant. J’ai retrouvé ce qui fait la magie du football, loin du monde pro de plus en plus instrumentalisé avec beaucoup d’argent. En D5, on revient à des valeurs simples. Fini les problèmes. Quand tu entres sur le terrain, il n’y a pas des millions d’euros en jeu ou une qualification pour la Ligue des champions à aller chercher. Ce n’est que du plaisir et ça se sent. Puis, en D5, on peut vraiment parler de football amateur parce que même au niveau régional, il y a de l’agressivité, de l’enjeu. Là, quand tu fais faute, tu peux même dire à l’arbitre que tu as fait faute.
C’est ça le plus gros kif ?
Oui. Et puis pour nous, l’histoire est belle parce qu’elle est partie de rien. En fin d’été, j’ai croisé un peu par hasard David Soubieux, le team manager du centre de formation du Gym. Le club lui avait laissé les clés pour faire une nouvelle équipe « réserve » pour permettre de conserver le numéro d’association et de garder l’équipe féminine et des équipes de jeunes. David a pris ça à cœur. Il a commencé à chercher des joueurs et m’a donc proposé de rejoindre l’équipe. Mes conditions étaient simples : qu’il n’y ait pas de restrictions. Nous avons un entraînement et un match par semaine. Si je ne peux pas venir, je ne viens pas. David m’a dit OK, et finalement, je viens toujours. (Rires.)
Comment ça s’est passé au début ?
On a fait un premier entraînement pendant lequel on s’est découvert. Il y avait des intendants, des membres du staff, des salariés du club. On a essayé de mettre de l’intensité, faire ce qu’on pouvait sans savoir trop où on allait. Ça a commencé par un 7 contre 7 avec un seul gardien. Et pour le premier match, on devait être 14, mais on a dû faire sans un joueur qui n’avait pas sa licence, un joueur qui s’est blessé pendant le match et un autre qui devait partir à la mi-temps. Pour la deuxième, on n’était que 11 avec une semaine d’entraînement. On gagnait 2-1, mais on a explosé physiquement. Au club, ça a pas mal chambré…
Vous avez vite goûté au folklore du foot amateur…
C’est vrai. Contre Fontonne, le match a commencé avec une demi-heure de retard parce que la tablette pour rentrer la feuille de match ne marchait pas. Ça a dû être fait à la main. L’arbitre a voulu faire une entrée comme en Ligue des champions alors qu’on s’en foutait. (Rires.) Les lumières ont fini par s’éteindre en plein match à cause du timer et on a dû attendre la fin d’un autre match sur le terrain d’à côté pour pouvoir finir le nôtre.
Y a-t-il eu d’autres pépites du genre ?
Pour le match contre Castel, Mickaël Bucher (autre ancien pro, NDLR) nous dit dans le groupe WhatsApp qu’il a un souci avec sa moto, qu’il sera en retard. Finalement, il est arrivé au dernier moment et a commencé sur le banc. À son entrée en deuxième, il nous a fait gagner avec une reprise de volée pied gauche pleine lucarne. C’est ça, le foot.
Ça et les casse-croûte après les matchs ?
Ouais. Contre Tourrette-Levens, on a organisé ça. On devait prendre les boissons, eux les pizzas. Des fois, c’est l’inverse. À Castel, pareil, on a partagé le repas. On a même partagé les douches avec une autre équipe. Je suis tombé face à un mec dans la douche, il m’a dit : « Mais vous êtes Jérémy Pied ? » Bah ouais. C’était marrant. Et quand tu t’intéresses à eux, ils sont comme des fous.
Y a-t-il encore des petites traces du monde pro ?
Oui. Par exemple, on a travaillé les coups de pied arrêtés à l’entraînement pour en faire une arme. Sur le premier match, j’en avais tiré beaucoup et bien, mais personne ne touchait la balle. De là où j’étais, je trouvais que les autres n’attaquaient pas assez le ballon. On a bossé le timing et le placement à l’entraînement. Le week-end d’après, centre, tête, but. Deux fois. Victoire. Puis rebelote le match suivant. Comme des pros.
Comment vous voient les adversaires ?
Honnêtement, la plupart des jeunes ne sont pas impressionnés. Certains se disent qu’on est vieux, qu’on n’en aura pas grand-chose à faire et qu’on a avec nous des mecs qui pour certains n’ont jamais trop joué. Mais c’est l’inverse. Justement, notre règle d’or est de prendre du plaisir, bien sûr, mais de se donner à fond et ne rien lâcher. D’ailleurs, plusieurs joueurs ont vraiment des qualités et pourraient jouer largement au-dessus.
Mais les supporters du Gym que vous affrontez doivent halluciner, non ?
Certains sont très jeunes. Je pense que leur coach leur dit qui nous sommes avant le match. Sinon, quand c’est des plus anciens, oui, on nous reconnaît. Mardi, en amical, à un moment, un mec est tombé, je l’ai relevé en m’excusant. Il m’a dit en rigolant : « Non mais c’est un honneur » !
Vous êtes combien d’anciens pros dans l’équipe ?
Il y a Romain Genevois qui tient la baraque derrière, Franck Dja Djédjé devant et Johan Audel, Mickaël Bucher et moi pour contrôler le milieu.
En dehors des anciens pros, le niveau est comment ?
Franchement, il y a de bons joueurs. Valentin, un des kinés, est très fort. Il vient d’un petit village et a vite lâché le foot, mais pour moi, c’est quelqu’un qui ne serait pas ridicule à l’entraînement avec des équipes pros. Il y en a trois ou quatre vraiment intéressants.
Tout le monde est assidu à l’entraînement ?
Oui, vraiment. Bon, dernièrement, personne ne voulait venir un mardi soir parce qu’il y avait Ligue des champions (rires), mais le coach a été malin, il a profité de ce mardi soir pour mettre plein de nouveaux joueurs à l’essai. Ça a permis de renforcer l’équipe avec un défenseur, un milieu et un attaquant. Maintenant, au lieu d’être entre 11 et 14 comme au début, on est entre 15 et 18. Ça change tout.
Il y a des gens qui viennent vous voir jouer ?
Quelques copains, des mecs du staff viennent donner de la voix. Là, on se dit qu’avec la série de bons matchs, ça pourrait venir. Mais bon, le jeudi soir à 20h15 aux Francs Archers, c’est compliqué…
Vous jouez la semaine parce que les gars du staff ne peuvent pas le week-end ?
Oui, c’est ça. On fait tout pour s’adapter aux kinés, aux intendants qui ont les matchs avec les pros. Pour l’instant, ça ne pose pas problème pour les adversaires. De toute façon, à ce niveau, les équipes sont dans un rayon très proche autour de Nice.
Et les joueurs du Gym, ils sont venus vous voir quand ils ne jouent pas la semaine ?
Oui. Contre Fontonne, j’ai tourné la tête et j’ai vu Pablo Rosario, Melvin Bard, Gaëtan Laborde et compagnie au bord du terrain. Je me suis dit : « Qu’est-ce qu’ils foutent là ? » (Rires.) C’est ça que j’adore dans ce club, il y a une cohésion de fou.
C’est quoi, l’objectif de la saison ?
Évidemment, en compétiteur, je dirais la montée. Mais déjà, prochainement, on va jouer une équipe de D1 en Coupe d’Azur. Pour les intendants, c’est un peu comme si tu jouais le PSG.
Propos recueillis par Adrien Cornu
Photos : OGC Nice.