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Jérémy Manzorro : « J’ai mangé du cheval dans une yourte »

Propos recueillis par Alexis Billebault
8 minutes
Jérémy Manzorro : «<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>J’ai mangé du cheval dans une yourte<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>»

Depuis son départ de Reims en 2012, Jérémy Manzorro a beaucoup voyagé : Bulgarie, Chypre, Iran, Lituanie... Et désormais Kazakhstan, à Irtysh Pavlodar. Entre passage dans une yourte, plats traditionnels, karaokés et longs déplacements, le milieu de terrain raconte son séjour dans un pays où il ne détesterait pas rester.

Vous avez l’air d’aimer les anciennes républiques soviétiques : après la Lituanie avec Sūduva Marijampolė et Žalgiris Vilnius, vous voici au Kazakhstan depuis le mois de janvier dernier. Racontez-nous, un peu…

Je connais quelques mots en russe, mais la plupart des joueurs kazakhs parlent peu ou pas l’anglais. Avec les joueurs étrangers, c’est plutôt en anglais. Mais on arrive à se débrouiller, et à se comprendre.

Je venais de passer deux très belles années, en Lituanie. J’avais même été champion avec Suduva, en 2017. À Vilnius, je m’entendais très bien avec la présidente (Vilma Venslovaitiéné, N.D.L.R.). Dans ce pays, j’ai également rencontré ma copine. Bref, j’étais très bien à Vilnius. Mais on m’a proposé d’aller au Kazakhstan, à Irtysh. Là-bas, je connaissais du monde : l’entraîneur Dimitar Dimitrov (parti depuis, N.D.L.R.) que j’avais eu en Bulgarie à Chernomorets Bourgas, et le Portugais Carlos Fonseca que j’ai eu comme coéquipier à Bourgas puis au Slavia Sofia. Avant de donner mon accord, j’ai passé quelques jours de vacances en France. J’ai réfléchi, je me suis renseigné sur la ville. Puis on a négocié pendant deux semaines, je suis allé en Turquie où l’équipe était en stage et j’ai signé un an. Mais comme je m’étais blessé au mollet, je me suis rendu en Serbie pour me faire soigner avant d’aller à Pavlodar.

Quelles furent vos premières impressions ?Je suis arrivé en février, il devait faire moins quinze ou moins vingt ! J’ai découvert la ville, qui n’est pas immense. (355 000 habitants, N.D.L.R.) Ce n’est pas ouf, certains bâtiments sont très soviétiques, mais ça va. Il y a un centre commercial, de bons restos. À mon arrivée, on m’a proposé soit d’être logé et nourri au centre d’entraînement du club, soit de prendre un appartement en ville. Comme j’aime bien être dans ma bulle et avoir mon indépendance, j’ai choisi la deuxième solution. Et au niveau de l’accueil, tout s’est super bien passé avec mes coéquipiers kazakhs. Ils sont sympas, un peu intrigués d’avoir un Français dans l’effectif. On sent que la France est un pays qui les intéresse, ils sont curieux.

Comment communiquez-vous ?C’est un peu le problème : je connais quelques mots en russe, mais la plupart des joueurs kazakhs parlent peu ou pas l’anglais. Avec les joueurs étrangers, c’est plutôt en anglais. Mais on arrive à se débrouiller, et à se comprendre. D’ailleurs, on passe quelques soirées ensemble et on parvient à communiquer. On a fait des trucs assez originaux. Par exemple, j’ai été invité au mariage d’un de mes coéquipiers kazakhs. Un mariage traditionnel, très sympa. Avec l’équipe, nous avons été conviés à passer une soirée dans une yourte, l’habitat traditionnel des nomades. J’ai été surpris, car c’est relativement grand. On nous a servi des plats typiques. Ici, ils mangent beaucoup de cheval, de mouton, de riz. C’est une cuisine assez riche. Donc moi, j’ai l’habitude de bouffer presque toujours les mêmes choses. Ce qu’on appelle les menus sportifs : de la viande blanche, des pâtes, des légumes… J’ai toujours fait attention à avoir une alimentation équilibrée.

Pavlodar, ça bouge un peu ?

Le football kazakh progresse. La sélection nationale obtient quelques résultats et en coupes d’Europe, c’est aussi le cas du FC Astana notamment. Quelques clubs sont au-dessus du lot : le FC Astana, Kaïrat Almaty, Tobol…

Oui. Déjà, c’est une ville sûre. Bon, comme partout, il y a des endroits à éviter à certaines heures. Les Kazakhs aiment bien sortir, faire la fête. Il y a des endroits pour s’amuser, des boîtes, des bars… J’ai remarqué qu’ils adoraient le karaoké. C’est peut-être l’influence de la Chine voisine, où ils adorent ça aussi. En ce qui me concerne, je suis plutôt du genre casanier même si on fait des sorties entre joueurs ou que je vais manger de temps en temps au restaurant. Je m’entraîne, je joue et je passe pas mal de temps chez moi à me reposer, à regarder des films ou des séries, à communiquer avec mes proches. Le Kazakhstan est un pays immense, les déplacements sont parfois très longs et fatigants. La récupération est donc importante. Ma copine est en Lituanie, pour finir ses études. Quand le calendrier le permet, je vais la voir ou elle vient à Pavlodar.

Comment le club est-il géré ?C’est très carré, bien organisé. On dispose d’un centre d’entraînement de qualité, le président du club est aussi un des personnages les plus importants de la ville et on le voit très peu. D’ailleurs, je crois ne l’avoir vu qu’une fois. Comme notre saison est un peu compliquée, il est venu un jour dire ce qu’il avait à dire. Et personne ne mouftait. Comme il parlait en russe, je n’ai quasiment rien compris, mais j’ai senti que c’est quelqu’un qu’on écoute. Sinon, quand on veut organiser une sortie entre joueurs, il faut prévenir le club pour des questions de sécurité. Non pas que Pavlodar soit une ville dangereuse, loin de là. Mais ici, comme dans beaucoup de villes du monde, on peut croiser des gens qui cherchent les problèmes. Et comme ils sont soucieux de l’image du club, ils font en sorte de mettre en place un dispositif pour qu’on ne soit pas ennuyés.

Quel est le niveau du championnat local ?Le football kazakh progresse. La sélection nationale obtient quelques résultats et en coupes d’Europe, c’est aussi le cas du FC Astana notamment. Quelques clubs sont au-dessus du lot : le FC Astana, Kaïrat Almaty, Tobol…

À Pavlodar, on tourne à 3000 ou 4000 spectateurs par match. L’ambiance est plutôt cool, les supporters gueulent quand les résultats ne sont pas là, mais je n’ai jamais ressenti d’insécurité.

Puis d’autres, comme Karagandy et Irtysh, qui luttent d’habitude pour les places en Ligue Europa. Pour les autres clubs, c’est un peu plus compliqué, ils ont moins de moyens. Il y a un assez bon niveau technique dans le championnat. Physiquement aussi, c’est plutôt costaud. Je pense qu’Astana a un niveau qui lui permettrait de jouer en Ligue 1. C’est une équipe avec pas mal d’internationaux, qui joue la Ligue des champions ou la Ligue Europa tous les ans. Le Kazakhstan est un pays où il y a de l’argent…

C’est pour cela que les internationaux kazakhs s’exilent peu ?Oui. Pour ceux qui évoluent dans les meilleurs clubs, ils peuvent, d’après ce que j’ai compris, gagner 60 000 ou 70 000 euros par mois. Sans parler des primes, qui peuvent être assez élevées. Ils jouent dans leur pays, ce sont des stars et ils n’ont pas vraiment envie de partir. Et les meilleurs clubs sont capables d’offrir de très bons salaires aux étrangers. Le niveau de vie est inférieur à celui de la France, le salaire net d’impôts donc très intéressant.

Pavlodar, ça paye bien ?

Pourquoi ne pas continuer ? Je me sens bien dans ce pays, j’ai choisi un mode de vie que j’assume. Évidemment, quand je rentre en France, c’est un vrai périple : Pavlodar-Astana, Astana-Paris via Francfort ou Amsterdam, et Paris-Lyon où vit ma famille… Il y en a pour treize heures de voyage.

C’est très correct, il y a aussi de bonnes primes. Dans mon club, on est payé tous les mois et il n’y a jamais de retard. Il est clair en revanche que les clubs sont plus exigeants par rapport aux étrangers, qu’ils payent en général un peu mieux que les locaux.

Quelle est l’ambiance, dans les stades kazakhs ?Cela dépend des clubs. Tobol, par exemple, joue presque toujours devant des tribunes pleines. À Pavlodar, on tourne à 3000 ou 4000 spectateurs par match. L’ambiance est plutôt cool, les supporters gueulent quand les résultats ne sont pas là, mais je n’ai jamais ressenti d’insécurité. Quand je me balade en ville alors que les résultats d’Irtysh ne sont pas très bons cette année, je ne suis jamais insulté. Au contraire, on me demande des autographes, des selfies…

Vous envisagez de rester à Pavlodar ?Je suis en fin de contrat, mais honnêtement, oui. Pourquoi ne pas continuer ? Je me sens bien dans ce pays, j’ai choisi un mode de vie que j’assume. Évidemment, quand je rentre en France, c’est un vrai périple : Pavlodar-Astana, Astana-Paris via Francfort ou Amsterdam, et Paris-Lyon où vit ma famille… Il y en a pour treize heures de voyage. Être loin de la famille, des potes, ce n’est pas simple, mais c’est comme ça. Je vais voir avec mes dirigeants. J’ai pratiquement joué tous les matchs, je pense avoir fait une bonne saison. Rester ici, franchement, cela ne me déplairait pas.

Sur votre CV, on remarque un bref passage par l’Iran à Paykan en 2017…La pire expérience de ma vie… Je venais de faire une bonne saison au Slavia Sofia, plusieurs clubs en Turquie, en Grèce et en Russie s’intéressaient à moi. On parlait d’un transfert d’environ un million, mais ça ne s’est pas fait, car il y a eu des complications. Je me suis retrouvé sans rien, hormis une offre d’un club indien. Je suis rentré à Lyon, et on m’a proposé le FC Paykan, un club de Téhéran. J’ai accepté.

Rester ici, franchement, cela ne me déplairait pas.

C’était l’enfer : l’entraîneur ne supportait pas les joueurs étrangers. Téhéran est une ville gigantesque, il me fallait des heures pour faire les quinze kilomètres qui séparaient mon domicile du centre d’entraînement. Après un peu plus d’un mois, j’ai voulu repartir, car ce n’était plus possible. Bon, j’admets que je n’avais pas fait tous les efforts en arrivant en Iran. Je n’avais pas une grosse envie d’être là, je n’étais pas très bien mentalement… Au moins, cette expérience m’a endurci !

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