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Jérémy Malherbe : « Ici, tout le monde me parle de la victoire au Stade de France en 2010 »
Formé à l'AS Nancy-Lorraine, puis passé par Grenoble, Reims ou encore le KSV Roeselare en Belgique, Jérémy Malherbe garde désormais les cages du Dinamo Brest en Biélorussie. L'occasion de faire un zoom sur un championnat et un pays méconnus du grand public. Entre froid polaire, séances photo et week-end à Varsovie.
Salut Jérémy, raconte-nous comment on se retrouve à garder les buts en Biélorussie ? J’étais libre depuis la fin de mon contrat avec le club belge du KSV Roeselare et, en janvier 2017, je me suis donc engagé avec le Dinamo Brest. Autant dire que quand je suis arrivé, ça a été un petit choc. Surtout du point de vue des conditions, car il faisait moins vingt degrés le premier jour. L’hiver là-bas, c’est autre chose qu’en France hein. (Rires.) C’est pour ça d’ailleurs que le championnat est en décalage. Il commence en avril et termine fin novembre. Entre les deux, on fait des stages de préparation en Turquie ou en Espagne pour avoir des conditions climatiques plus favorables.
Comment fait-on pour réussir à jouer sous des températures aussi basses, surtout quand on est gardien de but ? Avant de partir en stage en Turquie, en janvier, on a fait deux matchs amicaux en Biélorussie sur pelouse synthétique et sous moins dix degrés. C’était compliqué… (Rires.) Tu es obligé de jouer avec des bonnets, des cache-cous, des sous-pulls thermiques, des collants et un pantalon par-dessus. Et pour les gardiens, tu dois faire attention à ne pas avoir tes gants humides, car sinon ça te gèle la main. Tu es obligé de protéger tes doigts avec du strap, c’est la mission. Heureusement que notre club a quelques moyens et nous permet de partir en stage en Turquie et en Espagne, car d’autres clubs, plus petits, passent l’hiver à s’entraîner en Biélorussie.
Quel est le véritable niveau du championnat biélorusse ? Cela dépend des équipes en fait. Le BATE Borisov, qui est la meilleure équipe de ces dernières années, a un bon niveau et peut largement rivaliser avec quelques équipes de première division française. Derrière, il y a deux-trois équipes qui ont un bon niveau Ligue 2. Mais, pour le reste, je pense que c’est l’équivalent du National.
Et concernant le jeu ? Là encore, cela dépend des équipes. Le top 4 essaye de produire un football de qualité et ça joue bien au ballon, alors que les autres ont un jeu un peu plus forcé, plus direct. Un peu moins beau à voir jouer, mais ça reste des matchs difficiles à gagner car, physiquement, c’est costaud.
D’autant que les pelouses en synthétique ne doivent pas faciliter le beau jeu.En fait, il n’y a qu’un seul club qui a une pelouse synthétique, c’est le FC Minsk. Mais le club prête son terrain à deux autres équipes. On se retrouve donc à jouer deux-trois matchs dans la saison sur un synthétique, sinon ce sont des pelouses naturelles.
Et concernant les stades, l’ambiance est chaleureuse ? Honnêtement, le plus beau stade est celui du BATE Borisov. C’est le plus moderne et le plus grand du pays, même si le stade national à Minsk est en train d’être retapé. Mais les meilleurs supporters sont chez nous, au Dinamo Brest. Le stade est quasiment plein à chaque match, on a donc 10 000 spectateurs pour les gros matchs et autour de 4000-6000 spectateurs lorsqu’on joue contre des équipes du bas de tableau. Et ils nous supportent à tous les déplacements.
Ça n’a pas été trop dur de te faire accepter par ces supporters, toi qui débarquais de la deuxième division belge ? Les fans m’ont très vite accepté. Et ce, d’autant plus après la victoire en Coupe de Biélorussie (face au Shakhtjor Soligorsk le 28 mai 2017, ndlr) où j’ai sorti le dernier penalty qui nous permet de remporter le trophée. Ça m’a donné une cote de popularité plus importante dans la ville. Donc, souvent, quand je vais en ville prendre un café ou me promener, les gens m’arrêtent pour me demander des photos. Et même en dehors de la ville… Un jour, je passais la frontière entre la Biélorussie et la Pologne pour aller prendre un train, et les douaniers m’ont reconnu. C’est la preuve que les footballeurs sont pas mal suivis ici. Cette popularité est surtout due à Alexander Hleb qui a laissé une belle image du football biélorusse, à Arsenal comme à Barcelone.
Lorsqu’on parle de la Biélorussie, on pense plus au hockey sur glace, au ski ou même au tennis avec Victoria Azarenka, qu’au football. Le football est quand même pas mal suivi en Biélorussie. Après le hockey sur glace, c’est le sport le plus populaire ici. Mais, ce qui m’a étonné quand je suis arrivé, c’est le fait que dès leur plus jeune âge, les enfants commencent à faire du sport, et ils en font plusieurs. Du coup, beaucoup de sports différents sont pratiqués en Biélorussie, tu as de l’aviron, de l’athlétisme, du handball, c’est un pays très ouvert à la culture sportive.
Pour parler un peu de la sélection biélorusse, elle a souvent embêté l’équipe de France ces dernières années. Tes coéquipiers te charrient un peu avec ça ? Ouais, on m’en a beaucoup parlé dès notre premier stage. Avec les dirigeants, les joueurs et le staff médical, ils s’amusaient tous à me rappeler la victoire de la Biélorussie au Stade de France en 2010. Je ne m’en rappelais même plus, moi, et eux me montraient les vidéos sur YouTube… Mais j’ai vu le niveau de l’équipe de Biélorussie actuelle et celui de l’équipe de France, il y a quand même plusieurs classes d’écart, et la logique devrait être respectée. Même si le match du Luxembourg nous a rappelé que ce n’était jamais facile de battre une petite équipe, au Stade de France, les Bleus devraient les surclasser. D’autant que les Biélorusses ont perdu tous leurs matchs à l’extérieur.
Le meilleur joueur de cette sélection semble être Nikolai Signevich, l’attaquant du BATE Borisov. Toi qui l’as déjà affronté, tu confirmes ? Cette année, je l’ai affronté quatre fois : deux fois en championnat et deux fois en coupe. C’est un très bon finisseur, c’est un mec qui court partout et qui n’est pas du tout avare d’efforts. Il pourrait poser quelques problèmes à la défense française avec ses pressings incessants. Est-ce qu’il m’a déjà marqué un but ? Laisse-moi réfléchir, je ne me rappelle plus car tous les noms se ressemblent ici. (Rires.) Ce que je sais, en tout cas, c’est que lors du dernier match face à eux, j’avais terminé meilleur joueur du match.
Pour finir, comment occupes-tu tes journées en dehors du football ? La semaine, je suis souvent avec Junior Etoundi, qui est l’autre Français de l’équipe et qui vient de Strasbourg comme moi. On va donc à l’entraînement ensemble et on va manger ensemble en ville. Après, là où nous sommes, il n’y a pas grand-chose à faire à part les centres balnéo avec saunas qui sont courants ici. Mais, honnêtement, dès que j’ai un week-end de libre, je pars à Varsovie (en Pologne, ndlr), car c’est à deux-trois heures de route. C’est une ville que j’aime beaucoup. C’est plus européanisé, plus développé et plus moderne que les villes en Biélorussie. À Varsovie, ça bouge bien, il y a pas mal de magasins pour faire du shopping, c’est très sympa.
Propos recueillis par Steven Oliveira