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Jérémy Lopez débriefe sa rencontre avec Aulas
Sociétaire de la Comédie française et fan depuis ses cinq ans de l'OL, Jérémy Lopez a mis noir sur blanc son ressenti sur l'actuel climat pesant entre la direction et les supporters lyonnais. À raison, puisqu'il a eu dès le lendemain matin l'opportunité de débattre de tout cela avec Jean-Michel Aulas en personne.
Comment le contact s’est-il noué avec Jean-Michel Aulas après la publication de ta tribune ? Il a demandé à me voir le lendemain matin de la publication de ma tribune (mercredi, N.D.L.R.). Tout s’est fait très vite. On s’est vu dans un café, près des Champs-Élysées. Il m’attendait déjà lorsque je suis arrivé, il était seul. Ensuite, on a discuté pendant plus de deux heures autour d’un café.
Tu t’attendais à avoir un échange aussi long avec lui ?
Quand tu ne connais pas, tu t’attends à tout. Je savais d’avance que c’est quelqu’un d’influent, de très intelligent. Je m’attendais à un débat, à un échange, ou même à un gros coup de pression du style « Écoute, tu fais du mal au club, si tu l’aimes, tais-toi » . Et finalement, il a été super ouvert et sans prétention. J’ai eu l’impression d’avoir parlé trois fois plus que lui. Je n’ai pas été séduit ou manipulé, du moins je le pense. J’ai surtout senti en face de moi quelqu’un d’honnête, parfois même étonné.
Tu n’as pas été surpris qu’un président de club aussi puissant que lui se retrouve avec toi, dans un café, à débattre de la situation du club ?Sur le moment non, je n’étais pas impressionné. Mais je dois dire que, lorsque j’ai écrit mon texte, j’ai senti qu’il y avait une petite rupture entre le club et les fans de l’OL. Pas si agressive que ça. Et c’est bien ça le plus grave. Quand tu ne t’engueules plus avec ta femme, c’est que tu ne l’aimes plus. Je l’ai mal vécu, et je crois que tous les supporters lyonnais aussi.
@OL @__JeremyLopez__ @oetl pic.twitter.com/XhXnRHnMsq
— Jean-Michel AULAS (@JM_Aulas) 10 avril 2019
Au niveau du timing, pourquoi as-tu choisi de partager ta tribune mardi ?Je l’ai écrite samedi soir en réalité, dans la nuit qui a suivi la défaite face à Dijon. Le match était à 17h, j’aurais pu le voir comme je le fais tout le temps avant de jouer Le Voyage de G.Mastorna au théâtre du Vieux-Colombiers (la pièce qu’il joue tous les soirs en ce moment, N.D.L.R.). Et je ne l’ai pas fait. Parce que j’en avais ras le bol. Ironiquement, j’ai dit dans ma tribune qu’habituellement, je me concentrais davantage sur le match de l’OL que sur ma pièce. Pour montrer l’importance que ça représente pour moi. Là, avant de monter sur scène, j’ai bloqué mon téléphone pour ne pas avoir le résultat du match. Mais un collègue s’est chargé de me le dire quand même.
Qu’est-ce qui t’a réellement poussé à mettre tout ça par écrit ?Les diverses déclarations qui émanaient d’Aulas, de Lacombe, ou encore de Domenech. Tu sens que parce que ce sont des anciens du club, ils ne vont pas forcément dire les choses. Alors qu’aimer, c’est parler. En plus, j’ai l’impression que la communauté lyonnaise est assez respectueuse. Bon, d’accord, parfois il y a des insultes – je suis le premier à insulter devant ma télé –, mais je n’avais jamais vu ça avant aujourd’hui que, dans un même message qui contient des reproches, il y ait aussi des mots de reconnaissance pour le président. Comme par exemple : « Merci Président, on vous aime, mais on est dégoûtés. » Tout ce que j’ai écrit, ça reste un ressenti de supporter.
Les déclarations de ces anciens du club, qui ont reproché finalement aux supporters de l’OL une forme d’embourgeoisement, ça ne t’a pas gêné ?Si, bien sûr. En disant ça, ils montrent que ce sont eux qui se sont embourgeoisés. On est en 2019, le dernier titre de champion remonte à plus de dix ans et une nouvelle génération de supporters n’a pas connu ces sacres-là. On a bouffé du caviar il y a 15 ans, il faut arrêter les conneries.
Est-ce que ce n’est pas aussi dû au discours général souvent mis en avant ? Comme lorsque Jean-Michel Aulas aime rappeler qu’il est le club français qui compte le plus de participations d’affilée en Coupe d’Europe, ou quand Bruno Genesio affirme en conférence de presse que « seuls cinq clubs européens font une meilleure saison que l’OL » ?
Sur ce coup-là, la phrase de Genesio est ridicule. C’est humiliant pour lui, pour le club et pour les supporters parce que tout le monde sait que c’est faux. C’est comme si t’as une tête de con et que ta mère dit : « Il est beau » devant tous tes copains. Après, Aulas a raison. C’est le club le plus régulier, mais après, on en fait quoi ?
C’est factuellement vrai, mais est-ce que la direction lyonnaise ne se cache pas un peu derrière ça, finalement ?Au niveau de la communication, la participation à la Ligue des champions suffit aujourd’hui à Jean-Michel Aulas pour apaiser les choses, en nous expliquant qu’on a de la chance. C’est vrai qu’on a de la chance. Mais je pense qu’on doit faire mieux. Tu peux avoir 18 car tu sais toute ta leçon, mais finalement, tu n’as que 12. Et donc là, on te dirait : « Les gars, vous n’êtes jamais passé en dessous de la moyenne, pourquoi vous vous plaignez ? » Eh bah, tout simplement parce qu’on pense qu’on peut avoir 18. Après 12 ans de présidence dans les années 1990, Jean-Michel Aulas a eu le flair et le génie d’ouvrir le club à Pathé et de faire signer Anderson (et beaucoup d’autres) tout en mettant en difficulté Caveglia. Alors qu’à l’époque, ça m’avait rendu fou. De l’extérieur, Caveglia c’était le club et il a pris le risque de le fragiliser. Aujourd’hui, on est comme en 1999, à un moment charnière.
En fin de compte, est-ce que tout ça n’arrive finalement pas au bon moment pour l’OL ?Je pense que le club était en décalage avec ce qu’il se passait, et avec ce que les gens ressentent à l’extérieur. Pendant notre échange, il m’a fait part de plusieurs questionnements qu’il avait. On a parlé de joueurs, de coaching, de tactique, du passé, de l’avenir, du présent. Mais on était d’accord sur beaucoup de choses finalement.
Dans ta tribune, il n’y a finalement pas tant de points de désaccord que cela. Il y a la question de la fin de cycle au niveau de l’entraîneur, et le problème de communication avec les supporters.(Il coupe) Pour Genesio, je ne me permettrais de dire qu’il est nul et qu’il faut le virer. Ce n’est pas ce que j’ai écrit par ailleurs. D’entendre en permanence de tous types de personne que le supporter de l’OL ne comprend rien, ça n’aide pas. Tout le monde sait pertinemment que c’est difficile de coacher. Je ne cautionne absolument pas les insultes, mais c’est un peu comme si t’étais devant un tableau, et que tu dis que tu ne l’aimes pas. Et que, derrière, on te dit : « Tu ne connais rien à la peinture, tais-toi. » Une fois, deux fois, dix fois. Eh bien après la dixième fois, toi, tu vas dire : « Ton tableau est dégueulasse, c’est de la merde, je lui pisse dessus. » Ça fait que le débat se déplace, et là, la faute est partagée. Mais je sens que le lien est fort entre Aulas et les gens qui aiment l’OL. Il ne se cassera pas, je le pense et j’espère.
Propos recueillis par Andrea Chazy