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Jérémy Gélin : « Je sais que j’ai loupé quelque chose »

Par Alexandre Le Bris
10 minutes
Jérémy Gélin : «<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>Je sais que j’ai loupé quelque chose<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>»

S’il n’y a jamais de bon moment pour subir une rupture des ligaments croisés, se la faire une heure avant le départ pour les Jeux olympiques et cela à l’aube de sa dernière année de contrat avec son club formateur du Stade rennais est un sacré coup du sort. Touché, mais pas coulé, Jérémy Gélin (25 ans) est redescendu d’un étage cet été en rejoignant Amiens, actuel coleader de Ligue 2. Il a aussi profité de cette année loin des terrains pour se forger en tant qu’homme.

Amiens est coleader de Ligue 2 au quart du championnat et semble pouvoir accrocher le wagon de tête pour la première fois depuis sa descente de l’élite. La montée est-elle un objectif assumé ? Ce qui est sûr, c’est qu’on a moyen de faire des bonnes choses et de pouvoir potentiellement jouer la montée, mais il y a d’autres équipes avec de beaux atouts. Nous, on a un groupe très sérieux qui montre des choses cohérentes sur le terrain depuis le début de saison. Les résultats nous sourient pour l’instant et si l’on réussit à performer dans la durée, il va falloir compter avec nous.

Et ton genou après cette rupture des ligaments croisés, il tient la marée ?J’avais beaucoup, beaucoup de doutes par rapport à ça, car j’ai mis longtemps avant de revenir sur les terrains, mais le genou est très bien. Je n’ai aucune douleur, aucune appréhension, donc à ce niveau-là je suis à 100%. En plus, je commence à retrouver des sensations sur le terrain et à monter en puissance, c’est une bonne chose.

Tu étais plutôt utilisé en défense centrale à Rennes et te voilà repositionné milieu défensif. Tu réussis l’adaptation ?C’est un poste que j’aime et que je connais, car j’y ai été formé. C’est comme si je jouais central dans une défense à 3, j’ai plus de liberté à la relance, beaucoup de ballons à jouer vers l’avant, donc c’est un poste qui me correspond bien.

Mentalement, comment te sens-tu après une dernière année très compliquée ? Je prends du plaisir à faire des matchs, à aller m’entraîner sur le terrain tous les matins. J’ai relativisé pas mal de choses aussi car, quand tu es blessé « longue durée » , tu as le temps de réfléchir sur des choses simples que tu prends un peu à la légère d’habitude. Par exemple, j’ai retrouvé le goût de l’entraînement, des matchs, des victoires, des supporters.

Je ne sais pas si un jour j’arriverai en équipe de France A, alors que là, c’était l’occasion de jouer avec l’équipe de France olympique.

Ta rupture des ligaments croisés est arrivée au pire moment, juste avant les Jeux olympiques. Comment tu t’es senti quand tu as appris la nouvelle ? C’était vraiment difficile. Je ressortais d’un prêt à Anvers où j’avais joué la Ligue Europa. Je revenais à Rennes avec plein d’ambition et surtout, j’avais fait le choix de répondre à l’invitation du coach Sylvain Ripoll qui m’avait donné beaucoup de force et de confiance. Finalement, la blessure est arrivée une heure avant le départ pour la Corée, où l’on devait jouer un match amical. Et là, tu te dis que c’est un coup du sort, d’autant plus que j’étais dans ma dernière année de contrat à Rennes.

Ne pas pouvoir disputer les JO, ça a été la première épreuve à traverser finalement ?Ça va rester une cicatrice. Même si leur campagne a été difficile à Tokyo, c’est plus qu’une compétition sportive, c’est une expérience humaine où tu rencontres d’autres sportifs. Puis je ne sais pas si un jour j’arriverai en équipe de France A, alors que là, c’était l’occasion de jouer avec l’équipe de France olympique. Ça fout un peu les boules de ne pas y avoir goûté. Mais voilà, regarder cela avec des regrets n’est pas forcément quelque chose à faire. Je sais que j’ai loupé quelque chose, mais j’ai tissé des liens avec plusieurs joueurs. Sans compter que pendant cette période, j’ai gagné une famille.

C’est-à-dire ?Petit à petit, j’ai eu des heureuses nouvelles personnelles, comme la naissance de mon fils. J’ai eu 100% de mon temps pour le voir grandir et m’occuper de lui, ce qui n’est pas donné à tous les joueurs, car certains ont déjà du mal à être là pour l’accouchement.

Dans mon malheur, j’ai réussi à trouver quelques brins de bonheur en gagnant une famille.

Tu t’es servi de ta vie de famille comme une bouée de sauvetage en fait ?Quand tu ne joues pas, tu as besoin d’un soutien autre que le foot, et ma femme a joué un rôle très important. Tu te rends compte que la meilleure chose, c’est de prendre du temps pour la famille. Finalement, dans mon malheur, j’ai réussi à trouver quelques brins de bonheur en gagnant une famille.

Tu ressors de cette longue période plutôt enrichi ?Oui, c’est une période qui va me servir et qui m’a déjà servi. Je le vois, car je prends la vie et les choix un peu différemment, j’ai l’impression d’être devenu un homme, je suis père de famille. J’ai pris de la maturité dans mon jeu et de la maturité à l’extérieur du football. C’était une période compliquée, mais avec le recul, il fallait en passer par là pour devenir une personne plus accomplie et finir un peu la « mise à jour » .

Tu as quand même dû faire face au choix du Stade rennais, ton club formateur pour lequel tu jouais depuis dix ans, de ne pas prolonger ton contrat. Comment tu as reçu la chose ? Quand je me suis blessé, on m’a chuchoté que le club allait pousser pour me prolonger, puis les mois ont passé, et j’ai compris qu’ils n’allaient pas me garder.

On dit souvent que dans le foot, il ne faut rien attendre de personne. Mais de ton club formateur, tu peux et tu dois attendre quelque chose d’autre.

Tu es un peu frustré par cette fin d’histoire alors que tu n’as pas pu défendre tes chances ?Je l’ai assez mauvaise, car je suis un compétiteur, j’aime ce club, cette ville, tout de Rennes. Ça restera mon club à vie, c’est là où j’ai commencé, où j’ai passé une grande partie de ma jeunesse et où des connaissances sont devenues des amis. J’ai été très déçu de la façon dont ça s’est terminé, car j’aurais aimé que mon club formateur fasse un geste humain. On dit souvent que dans le foot, il ne faut rien attendre de personne. Mais de ton club formateur, tu peux et tu dois attendre quelque chose d’autre.

Au vu de ton CV avec Rennes ou avec les différentes sélections nationales jeunes, tu pensais rebondir en Ligue 1 ? Il y a eu des clubs de Ligue 1, mais sans forcément d’approches concrètes. Moi et mes agents avons su être pragmatique lors de cette situation de crise : saison blanche en plus d’une fin de contrat. On a voulu assurer un poste de titulaire sur toute une saison, car après neuf mois sans jouer, si je repars sur un projet où je suis un coup sur le banc, un coup à droite ou à gauche, ce n’était pas ce qu’il me fallait.

Ça a été une déception de devoir « descendre » en Ligue 2 ?Certes aller à Amiens, ça ne fait pas rêver sur le papier. Mais ça colle avec la réalité du marché et mes demandes de garanties sportives, celles de quelqu’un qui veut enchaîner le maximum de matchs. Pour l’instant, c’est le cas, et en plus, on est leader. Je pense ne pas m’être trompé dans mon choix.

Lors de tes dix années à Rennes, tu auras vécu des moments forts parmi lesquels une Coupe de France remportée en 2019. Qu’est-ce que ça t’évoque aujourd’hui ?Ça fait partie de l’histoire du club. Qu’importe ton temps de jeu, ton nom est écrit dans les vainqueurs. Et pour un jeune formé au club, je devais tout à ce club chez qui j’ai fait toutes mes gammes, donc c’était génial.

Ça coïncide avec le début d’une nouvelle ère au SRFC, tu considères y avoir participé ? Le club a pris une dimension incroyable, ça me fait plaisir de voir comment le club évolue. Ils ont un actionnaire incroyable avec la famille Pinault qui est omniprésente. Le fait de soulever cette Coupe de France, ça a ramené les gens au stade. Maintenant, dans la ville, les jours de match, tu ne vois plus personne sans son maillot rouge et noir. Donc oui, j’ai l’impression d’avoir fait partie du départ de cette nouvelle ère, ce nouvel élan.

Il y avait une ambiance incroyable au Betis. Ça m’a tellement marqué que j’en ai parlé à ma femme en lui disant que j’aimerais y jouer.

Tu as aussi découvert la Ligue Europa sous la tunique rennaise, quelle impression tu en as gardé ?C’est un curseur au-dessus au niveau de l’intensité. Mon premier match, c’était face à Jablonec à la maison, tu sors de là, tu te dis « wow ». En fait, tu cavales tout le temps. Puis ça a été l’occasion de découvrir une ambiance incroyable au Betis. Ça m’a tellement marqué que j’en ai parlé à ma femme en lui disant que j’aimerais y jouer.

Lors de tes débuts en Ligue 1, tu formais une belle paire en défense centrale avec Joris Gnagnon. Qu’est-ce qui faisait votre réussite ?C’étaient nos débuts, extraordinaire. On avait une complémentarité assez incroyable en étant pourtant la charnière la plus jeune de Ligue 1. On a pris une trajectoire différente lui et moi, mais c’est un super joueur et un très bon mec. Dommage qu’on n’ait pas réussi sur le long terme ensemble à Rennes.

Durant toute ta formation puis ensuite en pro, tu as été sous les ordres de Julien Stéphan, comment est-ce que ça se passait ? Sur mes années de formation, j’ai eu de nombreux très bons coachs qui avaient chacun leurs qualités. Julien Stéphan, je l’ai eu chez les jeunes et les pros et, tactiquement, il connaît tout. Il regarde du foot tout le temps, il est très pointilleux. Il est extraordinaire niveau foot. J’ai aussi de bons souvenirs de Sabri Lamouchi qui m’a lancé en pro, humainement c’était top, il avait formé un groupe.

Tu as eu un paquet d’entraîneurs iconiques (Gourcuff, Courbis, Antonetti), il y a des joueurs comme ça avec qui tu rêverais de jouer ? Cristiano Ronaldo parce que ça a été mon idole. Mais finalement, j’ai déjà joué avec pas mal de bons joueurs. Il y a eu Ousmane (Dembélé) et Raphinha avec qui j’ai joué et qui sont maintenant au Barça. J’ai joué avec Hatem Ben Arfa aussi, puis avec Kylian Mbappé ou Christopher Nkunku.

Pour les deux derniers, c’était lors de votre sacre à l’Euro U19 en 2016. Vous aviez une sacrée génération d’ailleurs, non ?C’est vrai que quand tu regardes maintenant, t’as des mecs qui sont tout en haut. Tu peux y ajouter Amine Harit, Jean-Kévin Augustin, Lucas Tousart, Olivier Boscagli, Clément Michelin.

Julien Cazarre m’a un petit peu taillé, mais bon, il fait son taf, le salaud.

C’est un sujet de discussion quand vous vous retrouvez sur les terrains ?Je suis en contact régulièrement avec Tousart, Boscagli, Bernardoni. Mais forcément qu’on en reparle, car on a un truc qui nous lie à vie : on a gagné le championnat d’Europe U19. Ça a marqué l’histoire de chacun, et maintenant, on a un anniversaire commun.

Durant une de tes saisons en Ligue 1, tu avais eu les honneurs de la rubrique de Julien Cazarre dans J+1, t’en gardes un bon souvenir ? Il m’a un petit peu taillé, mais bon, il fait son taf, le salaud. D’ailleurs, quand je suis arrivé à Amiens, les gars ont mis l’extrait de mon passage dans la salle de kiné pour me vanner. C’était cool comme concept, c’est dommage que ça n’existe plus, car c’était vraiment cool en tant que spectateur.

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