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« Sans mon frère jumeau, je n’aurais pas atteint ce niveau »

Propos recueillis par Victor Lamand

L’un est arrivé à l’hiver 2022, l’autre a débarqué cet été : Anthony et Jérémy Oyono évoluent aujourd’hui ensemble à Frosinone, en Serie B. Les frères jumeaux de 23 ans, tous les deux latéraux, racontent leur bromance transalpine, leur apprentissage du foot à deux et la découverte du monde pro. Entretien en double.

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Comment se passe cette vie entre frangins, à Frosinone (lanterne rouge de Serie B après 6 journées, NDLR) ? Jérémy : En termes individuels, on va dire que ça se passe bien. On est vraiment contents de ce que l’on arrive à faire sur le terrain. Perso, je débarque, et pour le moment, ça se passe bien, et Antho’ est revenu de blessure. (L’entretien a été réalisé le 29 août, NDLR.)

Anthony : C’est une situation que l’on avait connue à Boulogne, mais là, c’est un autre niveau. Parfois, on se regarde et on se dit : « Mais c’est ça, notre vie, en fait ? » (Rires.) On part tous les deux ensemble tranquillement le matin, on s’entraîne, on entre sur le terrain ensemble. Ce qui est bien, c’est que normalement, on joue au même poste, sauf qu’ici ils me font jouer à gauche et lui à droite, donc il n’y a pas de concurrence ! Ça fait plaisir de regarder de l’autre côté du terrain et de voir ton frère. C’est le feu. C’est dommage que les résultats ne suivent pas trop, car mis à part ça, c’est vraiment la Dolce Vita.

Quand vous étiez petits, c’était une habitude de vous retrouver dans la même équipe ? Anthony : On a toujours joué ensemble. Mais plus on avançait, plus on se rendait compte que si l’un de nous terminait pro, ce serait déjà incroyable. Là, on a réussi tous les deux et dans le même club, ce n’est pas commun.

Jérémy : Quand t’es petit, tu penses que tout le monde va être pro. Plus on grandit et plus on se rend compte que ça ne va peut-être pas le faire comme on l’avait prévu. Là, on l’a vraiment fait, même si ce n’est que le début.

Il y a quand même quelques petits moments où je pense que je suis en train de jouer avec mon frère, notamment sur les corners ou alors pendant un temps mort où on va se retrouver tous les deux.

Jérémy Oyono

Ça change quoi de jouer avec son frère ? Jérémy : En soi, ça ne change pas grand-chose. Quand tu es dans un match, tu es concentré. Il y a quand même quelques petits moments où j’y pense, notamment sur les corners ou alors pendant un temps mort où on va se retrouver tous les deux. Sur le terrain, on se voit comme des joueurs normaux.

Anthony : Bon, on se parle un peu plus qu’à nos autres coéquipiers, quand même. Quand il faut parler tactique, se dire ce qu’il faut faire, on va avoir tendance à aller l’un vers l’autre. Mais attention, on discute aussi avec les autres personnes de l’effectif, hein ! Nous sommes ouverts aux autres. (Rires.)

Elle est arrivée comment, cette passion pour le foot ? Jérémy : Elle est là depuis tout petit, on regardait les dessins animés comme Olive et Tom ou encore les cassettes de l’équipe de France. On avait aussi cet avantage d’être deux, on pouvait jouer au foot ensemble tous les jours.

Anthony : Oui, on jouait dans le jardin de notre grand-mère ou dans la rue à côté de chez nous. Je pense qu’on a dû jouer tous les jours pendant notre enfance. C’est aussi comme ça qu’on a progressé, on était un peu en avance et ça crée des automatismes.

 

Après les passes chez la grand-mère, il y a l’inscription dans un club. Jérémy : Voilà, on a connu à peu près les mêmes clubs, avec parfois des passages différents. On a commencé par Villeneuve d’Ascq, à côté de Lille, puis on a débarqué à Valenciennes dans les catégories jeunes. En U16, je n’étais pas gardé, donc je suis resté seul à Boulogne-sur-mer pendant un an avant qu’Antho ne me rejoigne. Et on a connu la réserve et l’équipe première là-bas.

En tant que frères jumeaux, ça vous a fait bizarre de vous retrouver séparés ? Jérémy : Oui, ça faisait du changement, mais on n’a pas ce truc de si on ne joue pas ensemble, on se sent bizarre. En vérité, c’est plus exceptionnel de jouer ensemble que de ne pas jouer ensemble.

Contre Modène, on a couru la même distance à 20 mètres près. Pareil à la salle de sport, nos PR (record personnel en VF) sont exactement les mêmes !

Anthony Oyono

Dans l’équipe, ça change quelque chose que vous soyez frères jumeaux ? Anthony : Non, pas du tout. En fait, depuis que je suis à Frosinone, j’ai toujours dit à mes coéquipiers que j’avais un frère qui était fort. Son arrivée s’est faite naturellement.

Jérémy : Je ne sortais pas de nulle part. En plus, j’étais déjà venu lui rendre visite. À ce moment-là, Jeremy était blessé et quand je jouais, tout le monde disait que je jouais comme mon frère. Ils rigolaient avec ça.

Anthony : Tout le monde disait ça. (Rires.) Au bout d’une semaine, ils ont dit qu’il pouvait me remplacer. C’est vrai qu’on joue pareil et qu’on a les mêmes qualités. On nous le répète souvent, ça peut même arriver qu’on nous confonde.

C’est-à-dire ? Anthony : Ici, ce qui est assez marrant, c’est que personne ne connaît vraiment nos prénoms. (Rires.) Heureusement que lui a les tresses, c’est ça qui nous sauve. À un moment, pendant un match, notre entraîneur demande à l’arbitre de faire sortir Oyono, mais on ne comprenait pas de qui il voulait parler. Ça m’a fait rire. Dans sa tête, il y a celui qui joue à gauche et l’autre à droite, mais nos prénoms, il ne les connaît absolument pas. (Rires.) Un jour, ils vont sûrement nous reconnaître. Ce qui est encore plus drôle, c’est que l’on a exactement les mêmes stats. Contre Modène, on a couru la même distance à 20 mètres près. Pareil à la salle de sport, nos PR (record personnel en VF) sont exactement les mêmes !

C’est quoi le secret pour réussir à se frayer un chemin dans le monde pro ? Anthony : C’est grâce au travail qu’on en est là. Quand on était petits, on jouait ensemble ; quand on a grandi, on a travaillé ensemble. On a fait beaucoup de choses pour progresser.

Jérémy : On travaillait beaucoup en dehors des entraînements collectifs. Sans ça, je ne pense pas qu’on y serait arrivés. Puisqu’on le faisait à deux, c’était beaucoup plus facile.

Vous avez même tous les deux réussi à devenir internationaux gabonais. Jérémy : Ouais, c’est assez dingue de se dire qu’on en est arrivés là. En plus, la première fois que j’ai joué, je l’ai remplacé. (Rires.) La deuxième fois, on était tous les deux sur le terrain et on devait tenir un résultat. C’est vrai que c’est pas mal quand on y repense.

Anthony : Ça m’a fait sourire cinq secondes, mais après j’ai dit : “Allez Jerem’ on tient le score et on profite après.” Franchement, on pense juste à tenir le score. (Rires.) À la fin, on était doublement contents. Contrairement à Frosinone, en sélection on est tous les deux à droite !

Jérémy : On peut dire qu’on est en concurrence ! Après, c’est logique que je sois deuxième latéral, mon frère est en sélection depuis plus longtemps.

Anthony : Je l’encourage quand même à bien jouer, hein. Si je dois me mettre à un autre poste, ça me va aussi. Même à l’entraînement, vu que je suis à droite et lui à gauche, on est souvent l’un contre l’autre sur les oppositions. On n’aime pas ça, c’est bizarre de jouer contre mon frère. Face à un adversaire normal, j’aime bien le dribbler, le tacler, là je n’ai même pas envie !

 

Il y a une routine que vous avez mise en place avant les matchs ? Jérémy : On a chacun notre routine individuelle, mais depuis que l’on s’est retrouvés, à l’échauffement, on prend un ballon et on échange des passes pendant 5-10 minutes. On dribble, on se fait des passes, des jeux longs. C’est devenu notre petite habitude avant chaque rencontre.

On a notre petite idée, mais qui est-ce qui parle le mieux italien ? Jérémy : Ah bah forcément c’est Antho. (Rires.) Quand j’ai besoin de comprendre quelque chose, je sais qu’il est là. Il m’apprend un peu tous les jours, même si en ce moment, je suis focus sur le foot, donc j’ai mis un peu les cours de côté.

Anthony : Franchement, il se débrouille bien. (Rires.)

Quelles différences avez-vous rencontrées au niveau foot après avoir passé toutes vos années de formation en France ? Jérémy : Tactiquement, ça n’a rien à voir, et physiquement aussi. Les séances sont beaucoup plus intenses. Après, tout dépend du coach, mais avec le nôtre (Vincenzo Vivarini), c’est beaucoup de tactique, mais pas seulement en défense, dans l’aspect du jeu en général. Il y a moins de choses laissées au hasard, notamment dans l’orientation du corps, la façon de sortir sur un mec. Tout ça, c’est super important. En deux mois, on a déjà fait beaucoup de progrès à ce niveau. Chaque équipe, on la dissèque et on va s’adapter pour jouer en fonction de l’adversaire, en changeant de système par exemple. On a changé de système 20 minutes avant un match quand on a su que l’équipe en face allait évoluer de manière différente.

Est-ce que vous auriez eu la même carrière si vous n’aviez pas eu de frère jumeau ? Anthony : (Il hésite.) Bonne question ! Jérémy : Je ne pense pas non plus. Je n’aurais pas atteint ce niveau plus jeune si Anthony n’avait pas été là. En le voyant faire des choses avec le ballon, je me disais que je pouvais aussi les faire. Tout seul, je n’aurais pas pu atteindre ce niveau. Il m’a inconsciemment entraîné dans son élan.

En cas de but, votre célébration est prête ? Anthony : Bien sûr ! On aime les mangas, les animés, donc si l’un de nous deux marque, on fera quelque chose sur ce thème.

Jérémy : En plus, il a failli marquer fin août, mais ça va arriver, je vous préviens !

L’Inter en colle cinq sur la pelouse de Frosinone

Propos recueillis par Victor Lamand

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