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Jérémy Clément : « Je suis très cartes »

Propos recueillis par Théo Denmat
9 minutes
Jérémy Clément : «<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>Je suis très cartes<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>»

On l'aurait presque oublié, mais Jérémy Clément a 35 ans. Et les maux qui vont avec : une reconversion à trouver, un transfert estival de Nancy à Bourgoin-Jallieu, en National 3, la découverte des champs de patates, et la baston pour accéder au 8e tour de la Coupe de France. Fini les derbys contre Lyon : ce soir, Jérémy affronte Villefranche. Avec le même plaisir ?

Alors, on peut t’appeler le retraité ou pas ?Bonne question ! Moi-même, je n’arrive pas à savoir… En étant honnête, je pense que j’ai terminé ma carrière pro l’an dernier. Je joue en National 3, mais comme c’est un niveau amateur, on peut considérer que j’ai fini ma carrière professionnelle.

Pourquoi ne pas l’avoir annoncé ?Ça ne va pas changer la face du monde que je l’annonce, hein ? Le fait de continuer à jouer à Bourgoin-Jallieu et de passer le BEF (Brevet d’entraîneur professionnel) est venu un peu tard, donc ça s’est fait comme ça, d’un coup. En même temps, je pose la question : est-ce que jouer en N3, c’est arrêter sa carrière ou pas ? Je laisse aux autres le soin de répondre.

Aujourd’hui, tu t’occupes des U14 du club. Quels souvenirs as-tu de cette époque, lorsque tu étais au centre de formation de Lyon ?

J’ai pu découvrir l’OL Académy. Ils ont des conditions de travail bien supérieures aux nôtres à l’époque. (Rires.) C’est vraiment frais. Les époques changent. Maintenant, ils ont des coachs mentaux, des analystes vidéo, des entraîneurs adjoints, des kinés.

Le fait que je n’étais pas très grand. C’était difficile d’exister dans un groupe qui avait déjà, en matière de croissance, de gabarit et de puissance, de l’avance sur moi. Je ne suis d’ailleurs pas passé loin d’être viré à cause des notions athlétiques, ça n’était pas une période facile. En plus, j’étais loin de chez moi. Bon, Rives-Lyon, c’est pas super loin, mais c’était pas évident à 14 ans ! En ce moment, je suis en formation à Meyzieu (là où est située la Groupama OL Academy, N.D.L.R.) pour tout autre chose, et j’ai pu découvrir l’OL Académy. Ils ont des conditions de travail bien supérieures aux nôtres à l’époque. (Rires.) C’est vraiment frais. Les époques changent. Maintenant, ils ont des coachs mentaux, des analystes vidéo, des entraîneurs adjoints, des kinés… Moi, j’avais mon entraîneur, Roland Puydebois. Il faisait tout, et je ne sais même pas s’il ne lavait pas les maillots. (Rires.) J’espère juste que les gamins se rendent compte de la chance qu’ils ont.

Tu as signé ici pour te rapprocher de chez toi et de ta famille. Elle travaille dans quoi, ta femme ? Ma femme est instit’ à mi-temps, elle bosse le jeudi-vendredi. C’est un rythme assez intense parce qu’on a trois enfants, couplé au fait que je continue à jouer, que j’ai trois entraînements U14 par semaine, match avec eux le dimanche, match le samedi pour la N3, des semaines de formation, des dossiers à préparer… Et m’occuper de mes enfants ! Parfois, j’ai l’impression que je les vois moins maintenant que lorsque j’étais joueur. Enfin, je dis peut-être une connerie, non… Disons que le rythme est différent.

Tu voulais stabiliser tes trois enfants, aussi ? Tu sens qu’ils ont pu être perturbés ?

Je me rends compte d’une chose, quand j’étais joueur de foot, je ne voulais qu’un truc : avoir mes week-ends. Là, j’aurais pu prendre un an sabbatique, et finalement j’ai moins de temps et moins de week-ends.

J’ai trois enfants, et celui qui a vraiment bougé, c’est le premier, le plus grand, il a 10 ans. Mais finalement, il a pris le rythme. Quand on était à Nancy, contrairement aux autres, il aurait été content que je continue à jouer dans un autre club de foot. Il n’était pas spécialement content de retourner chez lui. Il joue au foot, alors est-ce qu’il a déjà ça dans ses veines, dans sa mentalité ? Ma fille de cinq ans, elle, voulait plus voir ses grands-parents. Je me rends compte d’une chose, quand j’étais joueur de foot, je ne voulais qu’un truc : avoir mes week-ends. Là, j’aurais pu prendre un an sabbatique, et finalement j’ai moins de temps et moins de week-ends. (Rires.)

Tu es revenu dans l’Isère, là où tu as grandi, qu’est-ce que tu aimes dans la région ?Les gens. C’est chez moi. J’ai trouvé un contexte d’enfance et des connaissances qui m’ont manqué pendant les nombreuses années où j’ai joué au foot.

Tu joues toujours au tarot ? Ah bah ça… Ça a été une grande période à Saint-Étienne. Les cartes, c’est ma génération, je suis très cartes.

On a l’impression qu’un type avec ton profil qui débarquerait en centre de formation aujourd’hui serait anachronique… Tu te sens en phase avec la nouvelle génération, le narcissisme exacerbé, les coupes de cheveux, Fortnite, tout ça ?

Avec les nouvelles générations, je me sens en décalage, oui. On n’aime pas les mêmes choses. C’est aussi ça ce que l’on apprend en passant son BEF. On a beau avoir des croyances et notre façon d’être, il faut s’adapter à son public.

Déjà, attention : j’ai fait des conneries capillaires ! Me raser les cheveux, j’ai connu. À Sainté, j’avais même une couette. C’était pour exprimer mon côté rebelle… alors que je n’étais pas du tout rebelle. J’ai toujours voulu exprimer mon côté excentrique, mais avec l’âge on se calme un peu. En revanche, c’est sûr que je n’ai jamais été trop jeux vidéo. Alors avec les nouvelles générations, je me sens en décalage, oui. On n’aime pas les mêmes choses. C’est aussi ça ce que l’on apprend en passant son BEF. On a beau avoir des croyances et notre façon d’être, il faut s’adapter à son public. Avec de nouvelles façons de faire, les téléphones, les jeux vidéo. Et c’est ça le plus compliqué.

« Au quotidien, il est quelqu’un de discret, qui a horreur de la lumière. Les fastes de Paris, ce n’était pas son truc. » C’est de Sylvain Armand. C’est vrai ! Je n’aime pas trop être mis en avant, je n’aime pas déranger… Quand je suis arrivé à l’OL, j’ai revu des gens qui voulaient me faire visiter le centre d’entraînement. « Allez, en tant qu’ancien ! » Mais non, je n’avais pas envie de déranger. Je crois que ça vient de ma mère. Elle était esthéticienne. Mon père était agent de maîtrise pour Allibert, un truc de salles de bains. Il était à la réception du matériel sorti des camions, des livraisons. Cherche pas, ça n’existe plus.

Lors de ta première année au PSG, tu voulais acheter un 4×4, alors que Sylvain Armand vendait le sien. Il paraît que tu n’as pas négocié avec lui parce que tu pensais que c’était un escroc…Oui, au début, je me méfiais un peu. (Rires.) Après, c’est devenu le parrain de mon dernier enfant. C’est vraiment une personne proche, quelqu’un qui compte, que j’ai apprécié, et nos familles ont bien matché. Sa femme est une amie de ma femme, nos enfants se connaissent. Et tout ça, c’est parti d’une musique : un jour, j’arrive dans le vestiaire, et il écoutait Tes états d’âmes… Éric de Luna Parker. « T’écoutes ça toi ? – Bah ouais ! » Comme quoi, il faut parfois peu de choses pour qu’une relation prenne.


Au fait, tu as un homonyme gilet jaune, est-ce que tu as suivi le mouvement ?Ah oui, je sais ! On m’a envoyé la photo plusieurs fois. J’ai suivi, j’ai mon avis… mais je vais le garder pour moi.

Dans le So Foot de ce mois-ci, Ander Herrera nous dit : « Les vieux stades, ça me fait quelque chose. » Toi qui as joué à Gerland, à Geoffroy-Guichard, au Parc des Princes, à l’Ibrox Stadium et à Marcel-Picot, ça te fait un truc, le vieux stade Pierre-Rajon ? Je ne suis pas exactement comme Herrera. Disons que j’aime bien les grosses ambiances. Après, récent ou pas… J’ai visité le Parc OL, c’est quand même kiffant de jouer devant 60 000 personnes, même s’il a trois ans. Pierre-Rajon c’est… correct. Voilà. Je ne vais pas comparer ! Pour nous, footeux de N3, ça reste correct.

Le niveau est correct. La plupart des joueurs sont des types qui ont fait des années dans les centres de formation, avec des cursus programmés pour le haut niveau à la base. Après oui, il y a des lacunes, forcément.

La N3, c’est comment ? (Il souffle.) Le niveau est correct. La plupart des joueurs sont des types qui ont fait des années dans les centres de formation, avec des cursus programmés pour le haut niveau à la base. Après oui, il y a des lacunes, forcément. Je ne vais pas te mentir, à Montluçon – j’ai rien contre Montluçon, hein -, mais quand tu joues à 18h après quatre heures de bus sur un terrain sans herbe, là c’est un peu plus compliqué. Il faut se faire violence pour jouer. Bon, finalement, l’important c’est d’être sur le terrain, les ambiances de vestiaires, la camaraderie, gagner, perdre… C’est ça, qui me fait vibrer.

Est-ce que l’on ressent plus de plaisir à repartir de plus bas, ou bien c’est dur parce que l’environnement n’est pas au niveau de ce que tu as déjà connu ? Cédric Barbosa nous disait que c’était dur d’être moins exigeant envers soi-même. C’est sûr, c’est le gros point négatif. Les installations… Et encore, moi j’étais préparé. Mais ça fait un choc. Par exemple, j’étais habitué à m’entraîner le matin, là c’est 19h15-21h. Avec des types qui sortent d’une journée de boulot et qui viennent le soir pour s’éclater, décompresser. Alors que moi, je suis dans une logique de recherche de performance.

Tu vas jouer la Coupe de France ce soir contre Villefranche (20h), tu espères quoi ?Déjà, le club n’a jamais été au 8e tour. (Il joue aujourd’hui le 7e tour, N.D.L.R.) Ils m’ont fait confiance en me prenant, et j’aimerais bien m’inscrire avec le club dans la durée en leur apportant le petit truc qui leur aura fait connaître un tour de plus en Coupe de France.

En 2010, tu la gagnais avec le PSG. Ça ne fait pas bizarre de passer de ça à te battre pour un 8e tour ?

Je veux marquer l’histoire du club. Et puis je suis capitaine, alors je n’ai pas le droit de me dégonfler !

(Rires.) C’est comme ça ! Même dans l’équipe, ils me vannent. Parce que j’ai aussi fait deux finales, alors les mecs me disent : « T’as jamais connu le 8e tour toi, tu rentrais toujours après ! » Ouais ! Moi, je vais le préparer comme n’importe quel match en donnant le meilleur de moi-même. Je n’aurai pas de pression particulière contrairement à d’autres qui vont peut-être faire le match avant dans leur tête. Je veux marquer l’histoire du club. Et puis je suis capitaine, alors je n’ai pas le droit de me dégonfler !

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Propos recueillis par Théo Denmat

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