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Jérémie Boga, le tigre de Bengale
Parti à 11 ans de Marseille pour Chelsea, Jérémie Boga est presque tombé aux oubliettes depuis son retour en Ligue 1 cette saison. Avec Rennes, il a longtemps été cantonné au rôle de remplaçant jusqu'à ce que ses entrées en jeu soient remarquées, et qu'il fasse plus ample connaissance avec le championnat de France.
En 2008, la nouvelle fait l’effet d’une bombe. À 11 ans, Jérémie Boga est recruté par le Chelsea FC. À l’époque, les jeunes joueurs ne sont pas aussi prisés qu’aujourd’hui, seuls Arsenal et Wenger assument leur attirance pour les potentiels prometteurs. Le monde du football est presque indigné qu’un joueur aussi jeune devienne la propriété d’un grand d’Europe. Mais tant pis pour les principes, le Marseillais jouera pour les Blues. Ou presque. Cette année-là, Guy Hillion, chargé de dénicher de nouvelles pépites pour le Chelsea Football Club, est à Marseille. Un week-end, il tombe sur le minot lors d’un match de championnat : « Il dominait dans tous les domaines qualitatifs que l’on demande à un joueur de foot : vision de jeu, comportement, vitesse, technique… Il y avait plein de choses chez Jérémie malgré son jeune âge. » Le 18 mars dernier, huit ans après son départ, Jérémie Boga revient à Marseille, mais avec Rennes, pour affronter l’OM. Avec ses partenaires, il s’impose 2-5, et il est tout près d’inscrire le but du match, après une accélération qui laisse cinq Marseillais sur le carreau. Normal, au Vélodrome, il est un peu comme à la maison.
Les copains d’abord
Ses qualités, mais surtout son amour inconditionnel du ballon rond, il les a développés depuis son enfance, entre son quartier et le stade Alexis Caujolle, à quelques mètres tout juste du Stade Vélodrome. Un amour qui l’a toujours poussé à tout donner. « Sur le terrain il se transcendait. Il était capable de se mettre minable pour les autres, et je ne l’ai jamais vu râler parce qu’un collègue ratait une passe » , se souvient Anthony, qui a eu Boga sous son aile pendant quatre années à l’ASPTT Marseille. Parce qu’avant de filer à Chelsea, le gamin cavale pour un des nombreux clubs locaux et fait les beaux jours de ses éducateurs, mais aussi de ses coéquipiers qu’il n’hésitait pas à faire briller. « Jérémie avait des qualités hors normes par rapport à son âge. Il pouvait dribbler tout le monde, mais il ne le faisait pas parce que lui, il voulait juste s’amuser avec ses copains » , ajoute Romain qui, lui, a entraîné Jérémie de 6 à 9 ans, toujours à l’ASPTT. Côté comportement, le garçon est tranquille : « En dehors, il était calme, ce n’était pas celui qui allait faire rire tout le monde. Il était plutôt du genre travailleur, très demandeur, il voulait tout le temps travailler pour progresser » , poursuit Romain. Volontaire, peut-être même un peu trop, jusqu’à rester dans les souvenirs des habitants de son quartier.
Ballons volés et famille retrouvée
« Quand il sortait de chez lui, c’était pour jouer au foot. Il faisait chier tout l’immeuble du matin au soir à taper le ballon dans le quartier. Pour qu’il remonte, il fallait que son grand frère descende le chercher » , rigole Hakim Kaladjou, voisin et ami de la famille Boga. Un fou de foot que tout le monde connaît dans le quartier de Bengale, au sud de la ville. Parce qu’il était « le seul petit qui jouait avec les grands » , mais aussi parce qu’il était capable de ruser tout le monde pour taper dans un ballon : « Nous, on jouait sur un parking entre « grands » du quartier. Parfois, on coinçait le ballon sur un toit et on le laissait pour le récupérer le lendemain. Sauf qu’à chaque fois, on ne le retrouvait plus, et quand je me mettais par la fenêtre, je voyais Jérémie jouer avec » , poursuit Hakim. Aujourd’hui, le « petit » a bien grandi, mais ne brûle toujours pas les étapes. À Rennes, il s’est tranquillement installé dans le onze de départ de Rolland Courbis, après avoir joué les remplaçants de luxe. Un compte de fées tout en maîtrise qui a même dépassé la notion de football. Hakim : « Il a même réussi à renouer des liens entre ses parents qui étaient séparés. C’est grâce à lui, à sa réussite et à son attitude. » Mais à 19 ans, Jérémie Boga va devoir prouver qu’il est à la hauteur de son CV. « Le football professionnel est un milieu difficile, ajoute Guy Hillion, c’est un garçon tellement gentil… J’espère qu’il va montrer un peu plus de caractère. Chelsea a eu de la chance de pouvoir le recruter parce que beaucoup de clubs français étaient sur le coup, mais son père travaillait à Londres. Si ça n’avait pas été le cas, il n’aurait pas pu partir avant 16 ans. » Les dirigeants des Blues sont bien conscients de ce qu’ils tiennent entre les mains. Et s’ils ont mis une option d’achat à 40 millions d’euros sur son prêt à Rennes, ce n’est certainement pas pour rien.
Par Benjamin Asseraf