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Jens-Lys Cajuste, la nouvelle fleur de Reims

Par Adrien Hémard
7 minutes
Jens-Lys Cajuste, la nouvelle fleur de Reims

La cité des Sacres tient son nouveau prince : Jens-Lys Cajuste, 22 ans, héritier de la couronne de Suède. L’élégant milieu de terrain de Midtjylland a posé ses valises à Reims en ce mois de janvier, devenant au passage le transfert record du club. Une sacrée prise pour le club champenois, puisque l’on parle d’un joueur suivi par de nombreuses écuries européennes, coté à 15 millions d’euros l’été dernier et vu comme un futur très grand. Mais qui est ce beau Scandinave et comment a-t-il séduit les dirigeants rémois ?

« Épi de maïs » . Reconnaissez-le : on a vu plus imposant comme surnom. Mais c’est bien celui donné à Jens-Lys Cajuste par ses coéquipiers, en référence à sa grande taille et à sa minceur. « Venez le voir à Delaune dimanche, vous verrez qu’il n’est pas si maigre que ça », sourit Mathieu Lacour. Et le directeur général du Stade de Reims peut avoir le sourire : en ce mois de janvier, il vient d’attirer un gros poisson, un saumon venu de Suède, que la cellule de recrutement du Stade de Reims avait dans ses filets depuis plusieurs années. « On le suit depuis 2-3 ans, il nous avait tapé dans l’œil. On s’est énormément déplacés pour le rencontrer », raconte Pol-Edouard Caillot, fils du président rémois, mais surtout dénicheur de talents pour le Stade. Il reprend : « Jens est vite devenu inaccessible pour nous, même si on avait déjà noué un lien fort avec lui et sa famille. On a persisté fin août quand on a vu qu’il n’avait pas bougé de Midtjylland. La porte s’est ouverte. » Et le Stade de Reims s’y est engouffré cet hiver.

Chine, basket et rêve américain

Rennes, Augsbourg, la Fiorentina, Sassuolo, Newcastle, Brentford… La liste des prétendants était fournie pour Jens-Lys (ou Jean-Louis, en VF) Cajuste. Destiné à quitter Midtjylland l’été dernier, le jeune milieu suédois n’avait finalement pas trouvé de point de chute à cause des prétentions de son club qui en attendait au moins 15 millions d’euros. Une sacrée culbute pour un joueur acheté 170 000 euros en 2018 à Örgryte, anonyme club de seconde division suédoise. Il faut dire que jusque-là, l’Américano-Suédois était passé en dehors des radars des clubs locaux. Mais pas de Midtjylland et de sa formidable banque de données. Ni du Stade de Reims, qui commence alors à le suivre. Au Danemark, Cajuste fait vite son trou et prend part au titre des siens en 2019-2020, avant de découvrir la Ligue des champions dans une poule prestigieuse avec Liverpool, l’Ajax et l’Atalanta. De quoi devenir un de ses prospects dont raffolent les réseaux sociaux, mais aussi international suédois. Un chemin pas si évident pour un jeune homme qui s’est longtemps imaginé partir étudier aux États-Unis.

Et pour cause : né d’une mère suédoise et d’un père américain d’origine haïtienne, Jens-Lys Cajuste a un temps songé suivre l’exemple du frère et de la sœur aînés, partis faire coucou à l’Oncle Sam. « Je me suis assis avec les parents de Jens et j’ai essayé de les convaincre qu’il serait à la hauteur de l’équipe A. Son père voulait qu’il aille à l’université et étudie aux États-Unis, raconte Marcus Lantz, l’entraîneur qui l’a lancé en professionnel, à fotbollskanalen. Ensuite, j’ai essayé de convaincre son père qu’il pouvait aussi étudier et jouer au football ici, en Suède. Je me suis assis pendant de nombreuses heures avec les parents de Jens avant qu’il ne fasse le pas vers l’équipe A. J’ai vu en lui quelque chose de très prometteur. » Voyager n’effraie pas celui qui a vécu cinq ans en Chine de 6 à 11 ans, pour suivre un père investisseur en capital-risque à Pékin, où le jeune Jens-Lys a découvert le ballon rond, lui dont les premières amours se portaient plutôt vers les paniers de basket. Un amour prolongé à son retour à Göteborg, sa ville natale, avant de débuter en pro à 17 ans, de se faire repérer par Midtjylland, de participer à l’Euro avec la Suède et donc d’atterrir au Stade de Reims.

Aujourd’hui le championnat danois est devenu plus scouté que les Belges ou Néerlandais. On a un œil attentif dessus, sans en faire une priorité, parce que comme on l’a vu sur le dossier Cajuste, ça peut vite devenir inabordable pour des clubs comme nous.

« On parle d’un grand talent européen », se félicite Mathieu Lacour, qui détaille la stratégie de Reims dans ce dossier : « On a trois filières de recrutement : les jeunes talents européens comme Jens, né en 1999, ou Matusiwa et Faes qui ont fait toutes les équipes de jeunes dans leur pays. On parle là de top talents européens dans des nations majeures. La deuxième, c’est les joueurs issus du groupe Pro 2, avec un peu moins de certitudes à leur arrivée, mais qui peuvent confirmer, comme El Bilal Touré ou Martin Adeline. Et la dernière filière, la plus compliquée à avoir, c’est les joueurs confirmés qui bonifient l’équipe. » Jens-Lys Cajuste fait donc partie de la première catégorie, celles des jeunes pépites « appelées à devenir des leaders et des capitaines », dixit le dirigeant rémois. « Aujourd’hui, le championnat danois est devenu plus scouté que les Belges ou Néerlandais. On a un œil attentif dessus, sans en faire une priorité, parce que comme on l’a vu sur le dossier Cajuste, ça peut vite devenir inabordable pour des clubs comme nous », concède Lacour. Mais alors, comment le club a-t-il pu s’offrir ce joyau suédois ?

Le Cajuste prix

D’abord, la première partie de saison en demi-teinte de Cajuste – longtemps blessé et certainement atteint par son faux départ l’été dernier – a fait baisser sa valeur marchande, alors que son temps de jeu s’amenuisait. Ensuite, la persévérance de la cellule de recrutement rémoise a payé, assure Lacour, tout comme les infrastructures du Stade de Reims, ainsi que le projet de jeu du club : « On est l’équipe en temps de jeu effectif la plus jeune d’Europe devant Leverkusen, et avec les buteurs les plus jeunes du continent devant Manchester United et Dortmund. Ce n’est pas qu’un discours », martèle Lacour, aussi transparent devant un micro qu’au moment de convaincre le joueur : « L’ambition du Stade de Reims est de devenir un des trois meilleurs clubs étapes en Europe, comme le groupe Red Bull ou Sassuolo. On l’assume, et les joueurs savent que lorsqu’ils signent, on pourra les laisser partir le moment venu. » Reste enfin la question du chèque. Et si la somme de 10 millions d’euros a été avancée et a pu surprendre quelques directeurs sportifs de Ligue 1, il n’en est rien, assure Pol-Edouard Caillot : « Ils sont très étonnés, comme nous aussi on l’a été de découvrir cette somme dans les journaux, qui est absolument fausse. » Et Lacour d’embrayer : « On est sur les niveaux de Rajković(5 millions d’euros en 2019, NDLR). On n’a pas vocation à faire ce type de transferts à deux chiffres, même s’il y a quelques bonus et une plus-value sur la revente. »

Et sur le terrain, ça donne quoi, Cajuste ? Pol-Edouard Caillot se charge des présentations : « On parle d’un joueur très complet, capable d’être à la récupération, de se projeter, avec des grandes jambes pour protéger et manier le ballon. C’est un milieu de terrain très moderne. » Un box-to-box technique, puissant, rugueux (1 carton jaune tous les 5 matchs en moyenne) avec une première touche de balle souvent vers l’avant et fan revendiqué de Pirlo et Busquets. Mais aussi un jeune homme discret, humble, travailleur, issu d’une famille intellectuelle « qui a pris le temps de la réflexion », dépeint Caillot. Bref, le gendre idéal. « Il n’est pas si introverti que ça et ne l’est pas du tout sur le terrain », nuance Mathieu Lacour, qui révèle au passage qu’il s’agissait d’un des joueurs mentionné à Óscar García lors des négociations pour sa venue sur le banc de Reims : « Il l’a validé en 48 heures. » Dix mois plus tard, Jens-Lys Cajuste a bien rejoint la Champagne pour apporter l’effervescence qui manque au milieu du millésime 2021-2022. À Delaune – une pelouse qu’il connaît depuis un match amical perdu 3-1 avec Midjtylland contre Reims en 2019 -, il n’aura sans doute pas trop de mal à faire oublier la dernière recrue venue du club danois en 2013 : un certain Mads Albæk. Engagé jusqu’en 2026 par le Stade de Reims, « Épi de Maïs » a le temps de se faire un autre surnom dans les fertiles terres champenoises, avant d’aller germer dans une plus grosse écurie. Quant aux Rémois, ils n’ont plus qu’à sortir le popcorn.

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Par Adrien Hémard

Tous propos recueillis par AH, sauf mentions.

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