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Jemerson of anarchy
À l'heure d'aller à Porto pour boucler son chemin de croix européen, Monaco sait déjà qu'une partie de ce fiasco revient au pauvre Jemerson, actuellement au fond du trou. Qu'importe, le Brésilien espère toujours disputer le Mondial l'été prochain en Russie. Cela passe forcément par un bombage de torse avec l'ASM.
Leonardo Jardim se présente en conférence de presse à 23h28, la veste du costume noir boutonnée à son cran supérieur, comme l’exigent les standards de mode de l’époque. Il porte les cheveux « longs » – pour ce qu’un cheveu de Leonardo Jardim peut-être long –, une chemise blanche légère et, bien paradoxalement, le regard noir et lourd. Monaco vient d’encaisser quatre buts à la maison contre Leipzig pour sceller son élimination de toutes compétitions européennes, et les premiers mots du coach sont pour quelqu’un qui n’est pas dans la salle. Probablement dans la douche, du savon plein les oreilles, et c’est tant mieux : « Quand tu prends deux buts en dix minutes, quand tu marques contre ton camp comme ça et que tu donnes le ballon du 2-0 à l’adversaire, forcément, tout ça fait tomber l’équipe, explique-t-il. Les joueurs ne pouvaient pas se remettre d’un tel début de match. On s’était préparés pour jouer notre dernière chance en Ligue des champions, et il y a 2-0 au bout de dix minutes… » Jemerson de Jesus Nascimento de son nom complet – comme l’appelaient ses parents étant petit pour le gronder après une bêtise –, dit Jemerson, vient de livrer sa pire prestation depuis son arrivée en Principauté, et prendra, gage de ses étourdissements, la rarissime note de 1 dans les colonnes de L’Équipe, 2 dans les nôtres. Un coup de mou arrivé sans prévenir au lendemain d’une première titularisation avec le Brésil face au Japon, au détour d’un match de l’espoir transformé en adieux pathétiques.
Une charnière qui « s’en prend plein la gueule »
Au match suivant, Jemerson manque de marquer contre son camp, tapant le poteau de Subašić. Débordée de toutes parts à Louis-II contre le PSG et Mbappé, la charnière monégasque termine la rencontre avec la bave aux lèvres et seulement deux buts dans le derrière, avant de s’effondrer dans le temps additionnel contre Nantes. Là aussi, le Brésilien provoque une perte de balle devant Sala à la 83e minute qui aurait dû entraîner l’ouverture du score des Canaris. Exercice facile, pourrait-on dire, que celui de lister la multitude de gestes imparfaits du maçon truelle en main, sans avoir l’honnêteté de reconnaître que finalement, aussi bancal soit-il, le mur tient quand même debout.
Jemerson est jeune (25 ans) et irrégulier. Et si la Ligue des champions a été son tombeau, Monaco n’a jamais encaissé que seize buts en seize journées de championnat, ce qui en fait la troisième meilleure défense de France, à égalité avec Nantes et Caen. Le même total que l’an passé à la même période, mais douze buts inscrits en moins. Manuel Amoros, diagonalé entre 1977 et 1989, observe lui un phénomène global dont Jemerson n’est que la partie émergée : « Les défenseurs monégasques sont plus exposés que l’année dernière, explique-t-il. Il y a moins de recul du milieu de terrain, ce qui fait que que la charnière s’en prend plein la gueule. Le départ de Bakayoko a peut-être fait plus de mal que ce que l’on pensait. » Problème démographique : Fabinho brille moins, car il est esseulé de ceux dont il polissait le jeu. Tielemans ne sera jamais Baka, N’Doram ne l’est pas encore, et Jemerson coule avec le bateau en ayant la malchance d’être devant les caméras au moment des ralentis de buts. Le principe du sommet émergé de l’iceberg. « On arrive en décembre à une période où tout le monde est fatigué, rajoute Amoros. Quand tout roule comme l’an passé, vous ressentez moins cette fatigue, vous avez plus d’envie. On a une tendance générale à culpabiliser les défenseurs, mais il ne faut pas lui en vouloir. Ça arrive. C’est un pro et il sait ce qu’il doit faire. » Surtout, il y est obligé.
Du dépannage en cas de calage
Une chose à savoir : Jardim a sûrement dû passer un bac ES. Point d’élitisme mathématiques ou de bachotage de grands textes littéraires pour un homme qui a toujours privilégié la polyvalence de ses élèves. Car qui pour remplacer Jemerson si ce n’est un individu décentré ? Correction : un individu recentré. Kongolo, recruté cet été pour suppléer Jorge, peut « dépanner » au centre. Quant au bouc de Raggi, il est habitué à se voir trimbaler de droite (contre Amiens) à gauche, puis au milieu, comme parfois en ce début de saison contre Guingamp ou Paris, au cœur d’une défense à trois lente comme Windows 95. Conséquence, alors que le Rocher s’inquiétait légitimement de sa nouvelle animation offensive, et adaptait son recrutement en fonction (Jorge et Kongolo ont été repérés pour leur penchant offensif et leur qualité de centre), il faudra peut-être « recruter un défenseur central au mercato d’hiver » , comme le glisse Manu Amoros. « Un jeune, qui pourrait apprendre, au lieu d’acheter des milieux et des attaquants. La preuve, je ne saurais même pas vous dire quel défenseur central de métier Monaco compte dans son effectif à part ces deux-là(Glik et Jemerson, ndlr). C’est un peu juste. À la moindre fatigue ou blessure, c’est du dépannage. » Pour être titulaire en Coupe du monde, qu’il rêve de disputer, « Blackenbauer » va devoir retrouver le niveau de jeu qui était le sien en début de saison, qu’il avait d’ailleurs ouverte par deux buts à Toulouse et Dijon. Et pas contre son camp, cette fois.
Les notes de Monaco-PSGPar Théo Denmat