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Jeffren : « La Belgique, c’est super ! »
Le 29 novembre 2010, Jeffren plantait le dernier but de la manita du Barça face au Real. Aujourd'hui, il doit se battre pour grappiller quelques minutes à Eupen en D1 belge. Dégringolade sans fin ? Des décisions personnelles, vous rétorquera-t-il. Et quand il ne tape pas dans le cuir, Jeffren lit. Des lectures qui l'aident à continuer à se battre.
Salut Jeffren, comment te sens-tu avant le début de ces playoffs ?Je me sens bien. J’ai envie de jouer plus que ce que j’ai pu jouer depuis le début de la saison et le faire bien. L’équipe semble bien, on est motivés, et l’objectif est de réaliser de bons playoffs.
Tu te sens bien dans l’équipe ? La saison n’a pas été facile pour moi, mais j’ai toujours autant envie de jouer et de profiter d’un maximum de temps de jeu. Je pourrais être plus satisfait, mais je ne peux pas me plaindre. Je suis bien physiquement, je me trouve fit. J’aurais bien aimé jouir de plus de continuité, mais ce n’est rien, il faut continuer à aller vers l’avant.
Comment expliques-tu ce manque de continuité ?Je ne sais pas. J’ai travaillé toute l’année, je me suis toujours donné à 100%. Malheureusement, ce n’est pas moi qui prend la décision, et il faut l’accepter. Ce qui m’ennuie, c’est que chaque fois que j’ai joué c’était parce qu’un autre était blessé.
Tu as commencé ta carrière au Camp Nou. On se sent différemment quand on marque pour le Barça ou pour Eupen ?Non. Si on excepte le cinquième but que j’ai marqué contre le Real (lors du fameux 5-0 du Clásico 2010, ndlr), je crois que non. J’en ai marqué plusieurs l’an dernier et, à part ce but important, tous ont signifié la même chose pour moi. Il n’y a pas de grande différence dans la manière d’apprécier le but. Ce que j’aime, c’est jouer. Si je peux marquer, c’est encore mieux, bien sûr, mais la sensation est identique.
Aujourd’hui, tu es à Eupen sous les ordres de Jordi Condom qui vient lui aussi du Barça. Tu le connaissais avant ? Ça a influencé ton choix ? Non, je ne le connaissais pas. Ce qui a influencé mon choix de venir à Eupen, c’est Josep Colomer (l’actuel directeur sportif d’Eupen, ndlr). C’est lui qui m’avait amené au Barça à l’époque. Et comme il m’a contacté quand j’étais encore en Espagne, je suis venu ici pour lui.
Pour toi, venir à Eupen c’était un pas en avant?Chaque fois que je change de club, je le vois comme un pas en avant. Je ne considère pas la décision d’être venu ici comme un échec parce que c’est une décision que j’ai prise personnellement, de manière réfléchie. Évidemment, quand tu t’en vas pour Eupen en deuxième division belge, les gens peuvent le voir de manière négative, mais moi je suis venu avec plein d’envie. Je voulais jouer plus que ce que je jouais.
Penses-tu que cette vision négative de ton parcours est influencée par tes débuts au Barça ? Forcément, le Barça est pour moi la meilleure équipe du monde. Aucune autre équipe ne peut être pareille à Barcelone dans la vie. Du coup, à chaque fois que tu es transféré dans un club qui n’est pas le Barça, on va te dire que tu régresses. C’est pour ça que les gens ont tendance à dire que Jeffren échoue chaque fois un peu plus, mais c’est faux. Je cherche mon chemin, je cherche à pouvoir profiter du football, qui est ma passion.
Est-ce vrai qu’en 2011, tu as refusé de négocier avec Bolton qui voulait t’acheter au Barça ? Si Bolton était vraiment venu, c’est clair que j’aurais discuté ! Je n’ai pas eu vent de cette possibilité. Peut-être était-ce mon agent qui a reçu l’offre et l’a refusée sans m’en parler, mais je ne pense pas.
C’est Guardiola qui t’a lancé en équipe première au Barça. Comment était-il avec les jeunes de La Masía ?Il avait confiance en tout le monde. Il avait choisi ses joueurs de l’académie et nous faisait confiance. C’est un entraîneur qui a toujours pensé à La Masía. Guardiola était très proche de nous, et pour un joueur c’est important : il y a des moments où tu ne disposes pas de beaucoup de temps de jeu, mais l’entraîneur est proche et t’explique. Ça fait du bien. Parce que si tu ne joues pas, mais que le coach ne dit rien, c’est beaucoup plus difficile.
Que penses-tu de la politique de formation du Barça ? Il y a eu de grands succès, mais aussi pas mal d’échecs. À mon époque, nous sommes montés en équipe première, mais nous savions que les joueurs qui étaient déjà là, issus eux aussi de La Masía, étaient à un tout autre niveau. Se maintenir dans l’équipe et rivaliser avec eux pour être titulaire était tout sauf facile. Aujourd’hui, le Barça achète plus, mais ils continuent à faire monter quelques joueurs des équipes de jeunes. Pas autant qu’avant, mais l’identité est toujours là.
Tu préfères : marquer quinze buts avec Eupen ou pouvoir rejouer un seul match au Barça ?(Il rigole) Elle est dure celle-là. Juste un match alors ? Je pense que je choisis quand même le Barça. Même si ce n’est que pour 90 minutes, pouvoir à nouveau ressentir ce que je ressentais à l’époque, ce serait magique. Attention, je ne néglige pas non plus l’autre proposition : j’aime marquer des buts et cette année je n’ai pas eu l’opportunité d’en planter.
Tu es content de ton parcours jusqu’ici ?Au Sporting, ça n’a pas été une saison facile. J’ai été blessé plusieurs fois, mais j’ai beaucoup appris, et surtout qu’il ne faut jamais arrêter de se battre. À Valladolid, j’ai très bien commencé, en plus j’étais très heureux de revenir en Espagne. Je n’ai aucun regret quant à ce club, je m’y sentais comme un poisson dans l’eau. Ici, je vis le présent et même si c’est difficile je ne me plains pas.
Où as-tu appris le plus ? Difficile à dire. Je pense qu’avoir changé plusieurs fois de club et d’environnement comme je l’ai fait m’a surtout appris une chose : l’adaptation. J’ai dû m’habituer chaque fois à une manière différente de jouer, de voir le jeu. Rentrer dans le moule d’une nouvelle équipe à chaque fois, ce n’est pas facile. Grâce à mon parcours jusqu’ici, je pense que j’ai cette capacité importante de pouvoir m’intégrer rapidement dans un groupe de joueurs.
À part le foot, tu as une passion dans la vie ? Tu fais quoi pour passer le temps ?J’aime beaucoup lire. Les livres m’apprennent énormément de choses. À part ça, je vais souvent me promener avec ma femme et mon fils.
Quel est le dernier livre que tu as lu ? C’est un livre que ma femme m’a offert il y a quelques jours. Je l’ai déjà commencé, mais je ne me souviens plus du titre (il cherche le livre). Ça s’appelle « Una segunda oportunidad » , « Une deuxième chance » .
Donc, quand tu n’es pas au club, la majeure partie du temps, tu lis ? Même au club, je lis ! Quand je suis là-bas et que je dois attendre pour quoi que ce soit, je prends souvent mon livre et je lis.
Tu lis combien de livres par mois ?Ça dépend. S’ils sont longs, parfois je peux mettre plus d’un mois pour en lire un. Ce sont des livres pour lesquels il faut prendre le temps. Parfois tu dois relire deux fois la même page pour bien la comprendre et la méditer.
Quel est ton livre préféré ?Je ne sais pas. Il faudrait que je retrouve les noms, mais je ne sais pas trop, il y en a plusieurs. J’ai lu beaucoup de livres. Le plus important, c’est que grâce à eux j’ai appris à supporter cette situation. Grâce aux livres que je lis, je me lève tous les jours avec l’envie de continuer à me battre.
Il n’y en a vraiment aucun qui t’a marqué plus que les autres ?Y en a bien un, mais il est très long, je ne suis pas encore à la moitié, et je ne me souviens pas du nom. Je l’aime beaucoup, parce que même sans l’avoir lu en entier, il m’apprend énormément de choses, que je dois encore mettre en pratique dans ma vie.
Ça parle de quoi ? Il est très long, donc ça aborde différents sujets. Mais le thème principal du livre, c’est de tenter de comprendre et d’apprendre comment vivent les gens qui ont réussi dans la vie. On essaye d’imiter, de copier ce qu’ils font, comment ils bougent, comment ils pensent au quotidien. C’est vraiment le centre du bouquin : comment copier ces gens qui ont triomphé. Il explique l’attitude que tu dois avoir, pourquoi il faut toujours voir le côté positif des choses, sans penser au négatif. Par exemple, en l’appliquant à mon cas, si j’ai raté un but un jour, je dois oublier rapidement et passer à autre chose. Il faut encore que je mette tout ça en pratique, parce que je pense que les conseils de ce livre en valent vraiment la peine. Je sais qu’il me reste encore beaucoup à apprendre dans ces pages.
Donc ce n’est pas de la fiction ce que tu lis.Non. Ce que je cherche dans les livres relève plus de la réflexion, de la psychologie… Je n’aime pas trop la fiction. J’en ai lu mais maintenant je les laisse de côté, ce que je lis est totalement différent.
Et que penses-tu de la vie en Belgique ? Ça ne va pas vous surprendre : le seul vrai point négatif, c’est le temps. Pour ma femme c’est pareil, voire pire. Moi, j’ai commencé à m’y habituer, mais elle non. À part ça, et je le dis sincèrement, j’aime beaucoup la Belgique. C’est très tranquille, on aime beaucoup la vie ici. Tout est tout près, il y a l’Allemagne et les Pays-Bas juste à côté : c’est pratique, parce que j’aime aller me balader dans d’autres pays. À ce niveau-là, la Belgique c’est super.
Tu as appris le français ? Le néerlandais ? L’allemand ?Apprendre le néerlandais ou l’allemand, c’est presque impossible pour moi. En ce qui concerne le français, j’essaye de discuter avec les francophones et beaucoup me disent que je me suis amélioré. Malgré tout, maintenir une conversation entièrement en français reste toujours compliqué aujourd’hui. Je n’ai pas suivi de cours, mais je pense que si je prends un professeur, je pourrais facilement l’apprendre parfaitement.
Quels sont tes plans pour le futur ? Eupen ? L’Espagne ? Ailleurs ? Certains disent que tu vas retourner à Tenerife, ton club d’enfance. Pour l’instant, l’objectif c’est de terminer les playoffs de la meilleure des manières, et puis d’aller en vacances. Quand je reviendrai, on verra si je reste ici ou non, mais c’est difficile parce que la situation dans laquelle je suis pour le moment ne me convient pas. Je veux jouer le plus possible, il y a donc pas mal de choses qui peuvent changer. Quand je serai de retour de vacances, il sera temps de s’attabler avec les dirigeants du club : comme je le disais, j’aime le foot, j’aime jouer. C’est ma passion et je veux pouvoir la vivre.
Propos recueillis par Arthur Lejeune