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Jeff Reine-Adélaïde, à petites bouchées
Apprécié par les supporters, visiblement à l'aise dans son nouveau club et montrant par séquences de belles aptitudes, Jeff Reine-Adélaïde continue de trouver au bout de ses matchs cette foutue frustration. Celle imposée par un staff qui le coupe dans son élan en cours de match. Pourtant, en l'absence de Aouar et Depay, le milieu offensif semble être une des armes lyonnaises pour aller chercher un résultat ce mercredi à Saint-Pétersourg.
Quarante minutes de cuisson dans un four à 180°C. Voilà ce qui est recommandé pour réussir ses bouchées à la reine. Comme celles que les anciens joueurs lyonnais pouvaient déguster — quitte à en être malades — quand ils débarquaient à n’importe quelle heure à la table de Madame Toutain, patronne du légendaire Ours Blanc. Une spécialité locale donc, dans la ville des bouchons. Mais quarante minutes, c’est aussi la durée moyenne de présence sur le terrain de Jeff Reine-Adélaïde, que ça soit sur la grille du Vélodrome avant la trêve internationale (remplacé à la mi-temps par Jean Lucas) ou dans la touffeur du Groupama Stadium samedi dernier contre Nice (sorti à la 34e minute pour compenser l’expulsion de Fernando Marçal). Face aux Azuréens, cela lui a suffi pour inscrire son tout premier but sous les couleurs de l’Olympique lyonnais, alors que face à l’OM, il était peut-être un des seuls joueurs à créer quelque chose. D’où le fait que les décisions tactiques de Rudi Garcia ne soient comprises ni par le public ni par le joueur. « Il a eu ses explications. On va les garder en interne » , avait lâché amèrement le longiligne milieu offensif.
Garcia : « Il n’est pas capable d’aller au bout »
Pour son entraîneur, les explications sont souvent très rationnelles. Contre le Gym, Jeff avait déjà un carton jaune et venait de s’enquiller deux fois 90 minutes avec les Espoirs. À Marseille, c’était une question d’équilibre. « Il fallait mettre un milieu en plus pour être plus costaud, justifiait-il. Le choix s’est porté sur Jeff, comme il aurait pu se porter sur d’autres éléments offensifs. » Mais même noyées dans toute cette garniture, ces excuses peinent à justifier pourquoi Jeff Reine-Adélaïde n’a disputé aucun de ses 13 matchs en entier depuis son arrivée dans le Rhône. Une incongruité sachant qu’il est probablement un des Lyonnais les plus intéressants depuis le début d’une saison étrange. De manière générale, Garcia estime que « sur le plan athlétique, il n’est pas capable d’aller au bout » . Finalement à l’image de cette équipe lyonnaise qui a énormément de mal à réaliser un match complet.
À Saint-Pétersbourg, le gamin de Champigny-sur-Marne sera, en l’absence de Houssem Aouar et Memphis Depay, le seul leader technique disponible. Une étape aussi périlleuse que cruciale dans l’obtention d’une qualification pour les huitièmes — une victoire enverrait les Lyonnais au tour suivant, un nul les mettrait en position favorable — où la recrue estivale, débusquée au SCO Angers pour 25 millions d’euros plus 2,5 de bonus, aura une nouvelle chance de justifier son statut. À l’aller contre les Russes, il découvrait la Ligue des champions, sa musique qui « fait quelque chose » et son « intensité un cran au-dessus » de ce qu’il a connu jusqu’alors. Pourtant, ce soir-là, le public lyonnais avait pu observer un joueur percutant, que ça soit par ses dribbles ou ses frappes surprenantes bien qu’imprécises. Mais l’énergie qu’il déployait là lui a permis de se faire rapidement adopter. Une reconnaissance et un soutien sans lesquels n’a jamais pu s’épanouir Jeff Reine-Adélaïde.
Objectif 90 minutes
Depuis ses premiers pas de footballeur, il a toujours été question de convaincre, de prouver, de confirmer, de se relancer, puis de répéter ce schéma, encore et encore. De Lens à Arsenal, Jeff a finalement croisé dans son début de parcours autant de tremplins que de freins, jusqu’à ce qu’il croise la route d’Olivier Pickeu et celle d’Angers en janvier 2018, d’abord en prêt puis définitivement.
« Angers, pour lui, ça représente le début de sa carrière, confiait son frère Jonathan à France Football. Le club l’a relancé, lui a donné de l’amour. C’est une étape qui va rester gravée dans sa mémoire. » Dans le Maine-et-Loire, avec une équipe qui tenait moins la balle qu’à son habitude, il a trouvé de la régularité et de la confiance. En 47 rencontres, il brille par sa polyvalence avant de devenir décisif, comme en avril dernier où il signe un joli doublé et une passe décisive contre Rennes. S’il se retrouve aujourd’hui à Lyon, c’est pour passer à 21 ans ce cap d’éternel espoir. « C’est un privilège pour moi, déclarait-il le jour de sa signature. C’était le meilleur projet pour moi. » Le début de saison de l’OL n’était pas pour le mettre dans les meilleures conditions, mais il sait également ce qu’il reste à faire pour définitivement convaincre Rudi Garcia. « Sur le plan offensif, on l’attend sur sa capacité à être décisif. Sur le plan défensif, il fait les efforts au niveau des courses, mais doit être plus impliqué pour récupérer des ballons, dans l’engagement, dans les duels, listait l’entraîneur rhodanien.Après, c’est un potentiel énorme, un joueur intelligent et à l’écoute, qui a envie de progresser. Il est sur la bonne trajectoire. » Trajectoire qu’il aimerait pouvoir enfin dérouler sur 90 minutes. À condition que Rudi Garcia baisse le thermostat de manière à éviter la surcuisson.
Par Mathieu Rollinger