Jeff : « Le Messi de Koh-Lanta ? C’était moi »
Propos recueillis par Ugo Bocchi
Ce dimanche soir, c'est un peu son derby. Marseillais, d'origine corse, la grande gueule de Koh-Lanta donne son point de vue sur le début de saison de son équipe de cœur. L'OM, forcément.
Alors, pas trop dur de retourner à la vie réelle ?
Ça fait quand même pas mal de temps que je suis revenu maintenant. Loin des îles et des noix de coco. C’est d’autant plus dur quand on perd, mais faut relativiser et continuer à avancer avec cette notoriété éphémère.
T’as gardé des mauvaises habitudes de l’île ?
Non. J’ai repris mon lavage de dents journalier, et puis vous savez, je ne suis pas dans le délire : « Ouais, Koh-Lanta, ça a changé ma vie. » Non ce n’est pas vrai. Moi, je n’y suis resté que trente jours. C’était une super aventure, mais c’était surtout un jeu. J’ai conservé toutes mes vieilles habitudes. Le petit café qui va bien le matin, le petit Pépito à côté. Et plus jamais de petit déjeuner au manioc.
Fini le cho-coco du coup ?
Oh putain, ouais ! Fini la noix de coco. Je ne veux même plus toucher à un Bounty…
Pendant l’aventure, tu as sorti : « On est le Real Madrid, on perd contre Dijon ! » En même temps, ce n’est pas ça qui rend le football si beau ?
Non, quand tu es un compétiteur et fan de foot, tu ne peux pas cautionner une défaite contre plus mauvais que toi. Je ne suis pas mauvais perdant, mais je ne peux pas perdre comme ça. Ça m’a mis hors de moi et il faut savoir remotiver ses troupes. Et pour moi, c’est comme si je vous disais que Sim a mis une droite à Tyson sur un ring de boxe. Mais qu’est-ce que c’est ce délire ? Sur le papier, c’était un peu ça, on était bien meilleurs. Après, c’est marrant, parce que le président de Dijon, il m’a envoyé un tweet en me disant : « Pourquoi nous ? »
@DFCO_Officiel @aminebastos11 je suis désolé c est sorti comme ca . sérieux . Je vais trouver un maillot et soutenir Dijon et l’om, normal
— jeff kl johor (@_jeffreak_) 9 Mai 2015
Mais bon, je leur ai fait un bon coup de pub. Le comble, c’est que Denis Brogniart était de Dijon aussi. Donc je me suis mis un peu dans le pétrin aussi.
Ça parlait de foot à Koh-Lanta ?
Ouais, un peu. Nessim fan de Paris, Alban fan de Lyon et Benoît fan de Marseille. Du coup, on se chambrait un peu là-dessus. Mais on n’a pas fait de foot par exemple.
Vous n’avez même pas essayé avec des noix de coco ?
(Rires) Non, on n’a pas trop joué. Et heureusement, parce que Nessim, il m’aurait pris à coups de petits ponts. Il est bon, cet enfoiré. Un vrai amateur de foot. On en parlait un peu, on se chambrait avec Alban et Nessim, mais c’est tout. C’était bon enfant.
T’avais ramené un maillot de l’OM là-bas ?
Non quand même… Je serais passé pour un cliché ambulant. Déjà que je suis passé pour le Marseillais de base, avec l’accent et la grande gueule, si j’avais mis un maillot… Personne ne m’aurait épargné.
C’était qui le Brice Dja Djédjé de l’aventure ?
Bonne question… (Silence) En tout cas, je sais qui était le Messi.
Et c’était qui ?
Moi ! (Rires) Après y avait de très bons éléments et de grosses carottes. Y a toujours ce genre de joueurs qui ne valent pas un franc, mais que le club a acheté super cher. Genre quand on achète Gignac, il vaut cher, mais la première année, il n’en fout pas une. Comme Papin au début, il ne touchait pas canette. Il y a eu ce genre de carottes et tout le monde s’en est aperçu.
C’est-à-dire ?
Vous voulez vraiment me faire parler de cette même personne ? Le problème de Koh-Lanta, c’est que c’est un sport collectif. Mais quand ça devient individuel, c’est plus compliqué. Quand on soulève une coupe, on la soulève à onze. Et là, j’ai toujours détesté les mecs qui prenaient la coupe et qui ne parlaient que d’eux.
Si on met de côté toutes tes émotions personnelles envers Marc, c’était quand même le Zizou de la survie, non ?
Pas du tout. Marc était un bon aventurier, mais quand on sait pourquoi et comment il a gagné, ça lève tout le charme de l’aventure. Vous parliez de Zidane, au-delà du talent pur, c’est l’hymne au quartier parce qu’il a grandi avec le foot, il regardait ça à la télé et il s’entraînait tout seul à la base. Ça, c’est un talent brut. Après, y a des mecs qui ont eu un encadrement. Mais au final, qui va avoir le plus de reconnaissance sportive ? Un mec qui a galéré pour y arriver ou un autre qui s’est entouré des meilleurs pour réussir ?
D’ailleurs, tu as dit que Marc avait payé des anciens de Koh-Lanta pour qu’ils lui donnent des cours de survie. En fait, il l’a joué comme Tapie ?
Pas du tout. Tapie, il avait la classe. Quel charisme a Marc ? Rien du tout. Ce clochard, il est venu pieds nus à la finale. Non mais t’as pris 100 000 euros, tu ne peux pas t’acheter une paire de baskets ? Sérieux ? Tout était surjoué, il a perdu son authenticité. Mais bon, je lui souhaite plein de bonheur quand même.
Mélissa, elle a quand même un peu la voix de Taye Taiwo, non ?
(Rires) Vite fait, j’avoue. Mais à côté de ça, elle a un vrai talent. Y a deux types de joueurs dans la vie. Les irréguliers. Avec des performances en dents de scie. Un peu comme Falcao. Et puis, il y a les valeurs sûres. Les réguliers. Il ne va pas toujours briller. Il ne va pas faire des matchs de fous. Il ne va pas chier non plus. Et si on le met au bon poste, genre souvent le numéro 6, il fait son taf. Mélissa, c’est ça. Elle ne marquera pas forcément de but, mais elle ne fera jamais de bourdes et elle fera ses matchs. Un peu comme Morel à l’OM. Qu’on respecte dans l’équipe parce qu’on sait que c’est un bon joueur.
On voit de plus en plus de maillots du PSG à Marseille, ça te choque, toi ?
C’est vrai. Mais la dernière fois que j’étais à Paris, à Haussmann, j’ai vu un mec avec le maillot de l’OM. Il m’a fait rêver ce minot. Putain, j’étais content ! J’ai eu envie de lui faire la bise tellement il était beau : « Toi, t’y as tout compris à la vie ! » Mais j’avoue, je vais être très sincère : j’ai acheté des maillots, je me suis fait floquer des noms de joueurs, mais aujourd’hui, je ne sais même plus combien ça fait de saisons que je n’achète même plus le maillot de l’OM. Pourquoi ? Parce qu’il n’y aucun, je dis bien AUCUN joueur de notre effectif qui me fait rêver.
Et c’est qui le dernier maillot que t’as acheté ?
Lucho. Il avait la classe. Même si je regrette son départ, je ne peux pas le blâmer. Ce qu’il a vécu à Marseille, ce n’est pas facile. Il s’est fait braquer devant sa femme et ses enfants, le mec. C’est malheureux, mais c’est la raison de son départ. Ce sont les aléas de Marseille.
T’as joué au foot, toi ?
Je jouais, mais je n’étais pas très bon. Ailier droit ou numéro neuf. Je jouais au FC La Pauline. En revanche, j’ai toujours été abonné. J’ai été abonné au Virage Sud, aux Ultras, ensuite aux Yankees, et enfin au MTP, mais ça, c’est au virage Nord.
Et t’en penses quoi de ce mercato ?
Ça me rend triste. Ils n’ont rien compris. Labrune, il faut qu’il arrête les conneries.
Tu t’attendais à des plus grands noms ?
Mais avant chaque mercato, qui ne rêve pas d’un grand nom ? Allez Dreyfus, lâche-le, ce billet ! C’est la merde, là. Ce n’est pas un footeux Labrune, il voit l’OM comme une entreprise. Et le problème, c’est que si tu ne mets pas le cœur, qu’est-ce qu’on s’en fout de ton costume et de ton brushing ? Donne-moi un nom qui me donne envie de m’acheter un maillot et de me le faire floquer à 33 ans. Qu’est-ce que je m’en bats les couilles de trois joueurs pour 15 millions d’euros ? Moi, j’ai toujours préféré m’acheter un beau tee-shirt qui me coûte un bras, plutôt que de m’en acheter trois H&M et au bout de trois jours y a un trou dedans. Pour moi, c’est la même chose pour les joueurs de foot.
Sinon, qu’est-ce qui t’a le plus surpris ? Ton élimination ou le départ de Bielsa ?
Mon élimination. Ça été fou. C’était comme un tacle à la gorge. J’étais en sang par terre. Et au lieu de le mettre en touche, qu’est-ce qu’a fait le mec ? Il cavale jusqu’au but pour aller marquer. Vous voyez ce manque de fair-play, là ? Et ben, c’était ça. Certes, il y en a qui vont dire : « Ouais, mais il a marqué ! » Mais au niveau éthique, niveau classe, il va se faire siffler. C’est vrai, j’ai perdu, j’avoue. Mais à cause d’un mec dont on se souviendra pour des choses négatives.
Et du coup, pas trop déçu par le départ de Bielsa ?
Si ça m’a rendu un peu triste. Il a fait le taf à Marseille, il faut avoir de la reconnaissance pour lui. Et il faut se dire aussi que je suis parti à Koh-Lanta, on était premiers. Je suis revenu, on était champions d’automne. Je suis allé en Australie après. Je suis rentré en février, on était sixièmes, j’étais sur le cul. Je n’ai rien compris. J’en ai marre de cette irrégularité. Je ne peux pas en vouloir à l’OM, c’est plutôt à ses dirigeants que j’en veux. Vendez-le, ce club ! Mais ce qu’il faudrait, c’est que le club soit racheté par un milliardaire marseillais qui comprenne le club. Un mec un peu comme Nicollin à Montpellier. Qui a la ferveur. Qui comprend le club. Bon lui, il mouille le maillot de transpiration. Mais il mouille le maillot quand même. Au final, on aura toujours un peu de frustration parce qu’on se dit que Bielsa aurait pu faire mieux. C’est un peu comme si Labrune lui avait donné un paquet de pâtes et lui avait demandé de faire un plat gastro avec ça. Il a essayé de s’en sortir avec les moyens du bord. C’est trop facile de le blâmer lui. Mais n’importe quel chef étoilé, si tu lui donnes du beurre, du sel, du poivre et des pâtes, qu’est-ce que tu veux qu’il fasse ? Et puis moi, franchement quand Thauvin est parti, j’ai ouvert le champagne.
Tu ne l’aimes pas Thauvin ?
Il est pourri, lui. C’est une carotte. En quoi il a marqué les esprits ? À part sortir, se battre, faire le cow-boy et serrer Miss Provence ? Qu’est-ce qu’on s’en bat les couilles de tout ça, nous ? Montre-nous que tu mérites le maillot plutôt. J’exagère, parce qu’il y a des plus grosses carottes que lui.
Si un joueur de l’OM devait avoir l’immunité à l’OM, ce serait qui ?
Mandanda. Pour sa loyauté. Il a fait quelques bourdes, mais il nous a tellement sauvé le cul. De temps en temps, il faut savoir rendre à César ce qui est à César.
T’en penses quoi de Michel ? On peut réussir avec un nom pareil ?
Putain… C’est chaud. J’ai vu quelques vidéos de ses entraînements sur Youtube. Il a l’air proche des joueurs. C’est trop facile de juger un entraîneur trop vite. Du coup, on va attendre un peu. Mais après, il peut s’appeler Jacqueline, s’il nous fait gagner des titres, je m’en fous, hein. Pour l’instant, il doit encore faire ses preuves. Mais j’ai surtout peur des joueurs. En ce moment, j’ai surtout l’impression qu’il y a des fonctionnaires dans notre équipe. Ils font leur matchs, mais ils s’en foutent, parce qu’il y a le salaire à la fin du mois. C’est fini le vrai amour du maillot. J’ai l’impression qu’ils s’occupent plus de leur coupe de cheveux que d’autre chose. Marque des buts et qu’est-ce que je m’en bats les couilles que tu te fasses la raie sur le côté ?
C’est quoi ton plus beau souvenir avec l’OM ?
1993. Forcément. J’avais 11 ans. Et j’ai touché la coupe. Ils l’avaient ramenée au Vélodrome. J’étais au bord de la pelouse. Didier Deschamps la tend et je l’ai touchée.
Ton pronostic pour la saison ?
Si on finit troisièmes, on est bien. Et pour ce soir, le problème, c’est que j’ai aussi des origines corses. Du côté de ma mère, ils sont tous de Bastia. Mais je vais quand même dire 2–0 pour l’OM.
Du coup, c’est un peu ton derby ?
Non, je suis vraiment trop pour Marseille.
Jeff, tu as remporté l’épreuve de confort, tu as budget illimité et tu peux choisir n’importe quel joueur pour l’OM. Tu prends qui ?
Je peux faire revenir Drogba ?
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