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Jeannot, la guerre de raison
Meilleur buteur lorientais sur l’ensemble de la saison dernière, Benjamin Jeannot est aujourd’hui un soldat en voie de désertion après un peu moins de trois mois de suspension. Sauf que son club ne veut pas le laisser partir. Par intérêt plus que par envie.
Pour nettoyer le bordel, Bernard Casoni a préféré abattre la carte de l’ironie : « Bon, il y a un grand club comme Toulouse qui le demande. Bien sûr que je compte sur lui, il n’a jamais été question qu’il parte, mais je ne suis pas dans la tête des gens… » Arrivé début novembre sur le banc d’un FC Lorient dernier de Ligue 1, le technicien a choisi ce début d’année pour commencer à établir un premier bilan de son début de mandat. Dans la presse, il parle de la « fragilité psychologique » récurrente de son groupe et aussi du manque d’engagement auquel il souhaite s’attaquer dès la reprise qui débutera dimanche par la réception de Nice en Coupe de France. Casoni sait que son équipe est déjà à un tournant à l’heure où elle s’apprête à voir partir ses deux meilleurs buteurs – Benjamin Moukandjo et Majeed Waris – à la CAN. Alors, il n’est pas question pour lui de se séparer de l’une de ses dernières cartouches offensives disponibles malgré ses envies de départ. Au fond, l’entraîneur lorientais ne s’inquiète pas et affirme même avoir « la garantie du président qu’il fera tout pour [qu’on] se sauve » . À commencer par conserver Benjamin Jeannot donc. Un mec qui était la saison dernière le meilleur buteur du club toutes compétitions confondues malgré un statut flou, souvent rangé sous l’étiquette de joker. Aujourd’hui, Jeannot a vingt-quatre ans et veut jouer, ce qui est compréhensible. Toulouse lui fait la cour, lui est séduit, mais Lorient s’y oppose. Une classique situation de bras de fer entre intérêts et nécessité. Interrogé dans les colonnes de L’Équipe mardi, l’ancien buteur de Nancy et Châteauroux est pourtant clair : « J’aspire vraiment à aller à Toulouse. C’est une très bonne opportunité pour moi.(…)Mon choix est fait. » Le mercato a bien repris.
La poussette et la valeur
Les chiffres d’abord. Cette saison, Jeannot n’a compilé que soixante et onze minutes sur une pelouse de Ligue 1 et jamais dans la peau d’un titulaire. Pour comprendre la raison, il faut maintenant en venir aux faits. Oui, car si le bonhomme en est là, c’est avant tout par sa faute. Au départ, cet exercice devait être celui de la confirmation pour un joueur qui avait toute la confiance de son ancien entraîneur, Sylvain Ripoll. La mèche de Laxou est arrivée en Bretagne en juin 2014 pour lui et son projet de jeu. Mais il a tout foutu en l’air en allant tamponner l’arbitre Amaury Delerue le 20 août dernier, contre Bastia (0-3), au cœur de la deuxième soirée de Ligue 1 de la saison. Résultat : dix matchs de suspension ferme et un début de saison flingué, au bout duquel Ripoll a pris la porte. Depuis son retour du bagne, Jeannot n’a joué que quarante-deux minutes, ce qui est déjà pas mal pour un remplaçant, mais c’est dans ce détail qu’il a compris. « C’est ma troisième année ici et je n’ai jamais été considéré comme un titulaire à part entière. L’an dernier, je fais mes matchs, je finis meilleur buteur du club toutes compétitions confondues et je n’ai pas droit à plus de confiance. Je pense ne pas être considéré à ma juste valeur. » Dans ce cas-là, pourquoi rester ?
Pourquoi rendre des services ?
Pour jouer, car c’est ce que va faire Jeannot en janvier, au moins. Oui, mais il ne veut pas n’être qu’un simple bouche-trou à la pointe d’un club qui ne lui a jamais accordé une pleine confiance, et donc pour lequel il n’est plus forcément prêt à rendre des services. Du côté de Toulouse, Benjamin Jeannot se sait désiré, et ce depuis l’été dernier où Pascal Dupraz l’avait déjà ciblé pour muscler les arrières de sa doublette Toivonen-Braithwaite. C’est ce qu’il explique : « Pascal Dupraz est un coach que j’apprécie. Il fait progresser ses joueurs. Ensuite, Toulouse est un club ambitieux avec un jeu qui, je pense, peut me convenir. » Sera-t-il plus titulaire qu’à Lorient ? Pas forcément dans un premier temps, mais Jeannot veut aussi changer de cadre de vie comme il l’a déjà expliqué à plusieurs reprises. Voilà donc le premier feuilleton du mercato lorientais, le premier bras de fer silencieux – soit sans entraînement séché ou manque d’envie – qu’il va falloir régler avant de reprendre une mission sauvetage périlleuse. Casoni affirme avoir, avec son staff, « remis à niveau » Jeannot. Son attaquant a préféré monter au créneau. Affaire à suivre.
Par Maxime Brigand