S’abonner au mag
  • Culture Foot
  • Belgique
  • Interview

Jeanjass : « Pirlo a été cryogénisé et sorti dix ans après »

Propos recueillis par Nicolas Taiana
10 minutes
Jeanjass : « Pirlo a été cryogénisé et sorti dix ans après »

Il a des grands compas, un début de touffe à la Fellaini et parle foot avec la semelle. Entretien avec Jeanjass, rappeur belge de Charleroi, qui vient de sortir un clip sur Pippo Inzaghi, issu de son EP sobrement intitulé Jeanjass Goldman. Et on n’y peut rien.

Excepté le rap-jeu, t’as trois passions : le cinéma, la bouffe et le foot. Explique-nous…C’est ma Sainte-Trinité. Je suis un gourmand et je regarde plus de films que je n’écoute d’albums. Le foot, c’est la première passion que j’ai eue. J’ai surtout joué au futsal, à Action 21 (équipe de futsal plusieurs fois championne d’Europe en 2005, ndlr), on s’entraînait avec des Brésiliens, des mecs comme ça. À ce moment-là, j’étais chaud, je m’étais dit : « Putain, je veux aller le plus loin possible. » Et puis, tu sais bien, du rap, des joints, des sorties et ça rend le truc moins sérieux.

Tu joues encore ?J’ai joué jusque 16 ans à Action 21, j’étais cadet et je faisais des bouts de matchs en D1 Espoirs. Je rentrais chez moi, je savais plus monter les escaliers, c’était la folie. Mais c’était une putain de belle époque. J’ai fait trois, quatre ans là-bas, puis j’ai joué dans un petit club familial. Et là, depuis, je jouais avec des petits clubs, mais je viens de déménager, donc il faut que j’en retrouve un. J’ai bon espoir.

En Belgique, y a quelques joueurs qui sont passés du futsal au foot pro. T’as joué avec des mecs qui ont percé après sur grand terrain ?Yanis Papassarantis (champion avec le Standard en 2008, maintenant en D3 à La Louvière, ndlr). J’ai pas joué dans son équipe, mais dans son championnat. Il faisait les deux en parallèle. Sinon, en jeunes, je me rappelle d’un match où j’ai joué contre Johan Walem. Maintenant, il est coach (à Courtrai en D1, après s’être occupé des Espoirs belges et ancien Diable rouge, nldr), et c’était une valeur du foot belge dans les années nonante (les années 90, ndlr, au cas où). Je défendais sur lui, et avec vingt ans de plus, il m’a fait courir comme si c’était moi le vieux. J’ai bien purgé ce jour-là…

J’ai toujours aimé les gens qui jouaient en marchant

Donc t’étais plutôt défensif…Je pense que, sur grand terrain, j’aurais été l’équivalent d’un 6. Je suis une espèce d’échassier, je suis long et je vais chercher les ballons, c’est ma mission. Le modèle, c’était Patrick Vieira. À l’heure actuelle, celui qui représente le mieux le truc, c’est Yaya Touré. Ce type-là a des jambes élastiques… Le gars marche ! J’ai toujours aimé les gens qui jouaient en marchant. T’as l’impression qu’ils n’accélèrent jamais, mais ils vont plus vite que tout le monde, comme Zizou. Je le mets au-dessus de tout le monde parce qu’il n’y avait personne avec cette facilité à éliminer l’adversaire. T’avais l’impression qu’il ne stressait jamais ! Mais j’ai toujours aimé les numéros 10 en général. Après, ça a été Riquelme, que j’ai vraiment vénéré au plus haut point. Là, ces dernières années, j’étais un grand, grand fan de Pirlo, de joueurs comme Xavi, Iniesta, évidemment, les métronomes quoi.

Et Nainggolan, ça te parle ?Beh écoute, je trouve qu’il est extrêmement mal coiffé, ça c’est un fait. Comme la plupart des joueurs de foot, je crois qu’il y a un vrai fléau, il faut intervenir. Mais au-delà de ça, il joue un peu à l’anglaise, c’est le genre de gars qui a trois poumons, un vrai box-to-box. Je crois qu’il est un peu « chien fou » aussi, il a parfois des tacles très, très, très limites. Je le trouve bon, mais dans le milieu belge, je vais plus aller vers Witsel. Mais Nainggolan, c’est une grosse surprise. Il y a trois, quatre ans, personne n’aurait parié sur lui. Il peut aller très loin, parce qu’il a l’air d’avoir une force de caractère incroyable et il aime le sang celui-là.

Les Belges semblent vraiment vivre le foot, bien plus que les Français…Depuis le succès de l’équipe nationale, depuis deux ou trois ans, il y a un vrai regain d’amour pour le foot chez tout le monde. Il y a plus de monde dans les stades en Belgique, il y a toujours eu des passionnés, avec des clubs comme le Standard ou même Charleroi. Il y a toujours eu une grosse ferveur par rapport aux villes que c’est, même à l’argent que le foot belge dégage. En fait, chaque année de Coupe du monde ou d’Euro, les gens, en fonction de leurs origines, ils allaient supporter une équipe. Tous les Italiens qui sont pas italiens, mais dont la mère ou la grand-mère est née en Italie, tous les deux ans, ils redevenaient italiens. Et là, maintenant, ces gens-là, ils sont belges. J’irais pas jusqu’à dire qu’ils ont retourné leur veste, mais ils se sont rendus à l’évidence que c’est une équipe qui les représente plus.

Justement, c’est quoi ton avis sur le phénomène « Diables rouges » ? Franchement, je suis derrière, je kiffe. Après, au niveau purement sportif, je trouve qu’il n’y a pas encore de vrai projet de jeu. Il y a des joueurs vraiment talentueux, y a des exploits par-ci, par-là, mais normalement, avec De Bruyne et Hazard, ça devrait aller comme sur des roulettes… Et le vrai problème, c’est qu’on n’a pas encore un avant-centre, un mec sur qui on peut compter à 100%. Benteke, il est souvent blessé et vient d’arriver dans un nouveau club. Et un gars comme Lukaku, j’estime qu’il n’a pas vraiment le niveau pour l’équipe nationale. J’aime bien Origi, Batshuayi, même Depoitre de La Gantoise, mais on n’a pas encore cet attaquant, ce tueur qui a juste besoin d’une ou deux occasions. Si c’est comme ça, on ne gagnera pas l’Euro. On pourrait surtout être emmerdés par notre statut de numéro 1. Un quart de finale, c’est le minimum, une demie, c’est très bien, mais je nous vois pas au-dessus des autres.

Quand on est carolo, on supporte forcément Charleroi ?Je supporte, mais je vais au stade tous les trois ans, je suis pas super investi dans le fanatisme. Ça fait deux saisons qu’il y a de chouettes résultats, le stade est de plus en plus rempli. J’ai des potes qui y vont, donc j’ai toujours l’impression d’y être. Mais je regarde beaucoup moins de foot qu’avant et ça fait longtemps que j’ai pas vu un match entier de Charleroi. J’ai des potes qui était au dernier Charleroi-Standard (le 25 octobre, ndlr), c’était une merde sans nom, ça m’a pas tellement donné envie d’y retourner.

T’as quand même suivi le truc ?Y a eu des fumigènes, ils ont arrêté le match et quand ils ont repris, il y a eu ce briquet dans l’arcade de ce bon vieux Van Damme (capitaine du Standard, ndlr) qui, soyons honnêtes, ne méritait pas ça. Cette guerre est devenue tellement habituelle que ça fait partie du folklore. Le Standard, ils ont le meilleur et le pire public de Belgique à la fois. Il est tellement fidèle, tellement chaud et tellement influent. Là, il y avait une banderole avec Charleroi et Dutroux (« Charleroi, ville de Marc Dutroux » , ndlr)… C’est des gens qui veulent choquer, comme avec la tête décapitée de Defour (le 25 janvier dernier, pour son retour au Standard sous la « vareuse » d’Anderlecht, ndlr). Moi, je m’en fous, je trouve ça drôle. C’est juste qu’on ne peut pas demander à tout le monde d’en rire. Je me dis : « Putain, ils sont tellement cons, ils veulent tellement faire chier » que ça me fait marrer. Je connais un gars qui est dans les Ultras 96 (Ultras Inferno 96, le plus gros groupe d’ultras du Standard, auteur du « tifo Defour » , ndlr) et je peux te dire que c’est de l’amour, de l’amour brûlant même.

Tu pourrais pondre un son à la gloire de Charleroi ?Pourquoi pas ! Y a un gars qui s’appelle Dante Brogno, il avait même sa VHS, « Le plus beau crochet du Royaume » . Ce titre est fou. Je le trouvais tellement fort, c’était la dernière grosse personnalité parce qu’il venait de Charleroi. C’était une star, j’ai fait des stages qui portaient son nom quand j’étais jeune et quand il arrivait, c’était Ronaldo. L’avoir dans un clip, ça serait marrant, y a une personne sur dix qui le reconnaîtrait, mais moi, ça me ferait rigoler…

Dans Pas ton problème, tu cites Dennis Bergkamp et Jay-Jay Okocha. C’est des mecs qui t’ont marqué ? Bergkamp, c’est la classe infinie. C’est probablement le joueur le plus élégant que j’ai vu jouer. En plus, toute cette légende : « Je fais ce que je veux. Je vais jouer là où je peux aller, parce que j’aime pas prendre l’avion » … Ça rend le gars presque gangster ! Mais il y a beaucoup de joueurs des nineties qui me parlent. Des gars comme Messi et Ronaldo, j’ai tout à fait conscience que ce sont des martiens, mais j’arrive pas à retrouver ce petit truc. T’avais des joueurs comme Riquelme, Romário, Okocha, Bergkamp, qui avaient vraiment cette classe, cette élégance innée. Le dernier que je trouve classieux, c’est Pirlo. Ce gars est une espèce de dinosaure, on dirait qu’il a été cryogénisé et sorti dix ans après. Il joue comme dans les nineties ! Après, aujourd’hui, j’ai des yeux d’adulte, avant j’avais des yeux d’enfant ou d’adolescent. Maintenant, t’es au courant de tout le côté argent, etc. Quand t’es petit, tu t’en bas juste les couilles.

Dans ton dernier EP, Goldman, tu dédies carrément un son à Pippo Inzaghi. C’est pour la punchline ou tu lui voues un culte ? C’est un peu différent. Je pourrais jamais dire que j’aime bien Pippo Inzaghi. Il est pas forcément élégant, c’est pas un grand technicien, c’est pas forcément le plus honnête en plus, gros simulateur… En fait, il y a bien un truc que j’admire chez lui, c’est qu’il voulait gagner à tout prix. Il pouvait mourir sur le terrain. Pippo, tout le monde le connaît, c’est un bon joueur, mais pas un grand. Tu te souviens de lui parce qu’il était là quand il fallait, qu’il marquait des buts importants, que ce soit couché ou avec le genou. Une fois, il a presque marqué de la bite… Des attaquants comme ça, t’en as plus vraiment. Lui, il savait où le ballon allait tomber, c’était du pur instinct. C’était le chef des renards. Des goals que tu vois en D3, D4, sur des champs de patate, lui il va les mettre. Il était déjà un peu en voie de disparition à l’époque où il jouait. Pippo Inzaghi, c’est vraiment le symbole que si t’as pas les qualités qui font de toi le meilleur joueur du monde, tu peux quand même arriver à tout gagner.

Dans NPQ, tu dis : « Mon rap, c’est une semelle de Roy Keane, puis une semaine de morphine. » C’est le personnage qui t’inspire ? Roy Keane, c’est une rock star. C’est le thug du terrain de foot ! Davids aussi. Un peu comme quand tu jouais dans la cour de récré, y a un gars que t’as pas trop envie d’aller faire chier, parce que tu sais qu’il peut te taper. Et bah, c’est lui. Faut pas le faire chier, parce que sinon, il te pète le genou. Et, au-delà de ça, c’était un grand milieu terrain : bonne vision du jeu, grand meneur d’hommes… C’était pas juste un voyou. On parlait de Nainggolan, c’est aussi ce genre de gars. D’ailleurs, je suis sûr que ça doit être un énorme fan de Roy Keane ou alors il s’en rend pas encore compte…

Le clip réalisé par Kurt Kohen

Les 10 hommes qui vont faire 2025

Propos recueillis par Nicolas Taiana

Jeanjass est membre du crew Exodarap et son EP Jeanjass Goldman est désormais disponible en CD, en vinyle et un peu partout sur les internets.

À lire aussi
Articles en tendances

Votre avis sur cet article

Les avis de nos lecteurs:

Nos partenaires

  • Vietnam: le label d'H-BURNS, Phararon de Winter, 51 Black Super, Kakkmaddafakka...
  • #Trashtalk: les vrais coulisses de la NBA.
  • Maillots, équipement, lifestyle - Degaine.
  • Magazine trimestriel de Mode, Culture et Société pour les vrais parents sur les vrais enfants.
  • Pronostic Foot 100% Gratuits ! + de 100 Matchs analysés / semaine