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Jean-Philippe Mateta a les yeux bleus
Pour terrasser Brest ce soir (20h45 sur beIN Sports) et faire un pas de plus vers la Ligue 1, Le Havre AC comptera sur son jeune buteur Jean-Philippe Mateta (20 ans), prêté par Lyon, mais qui vit une histoire d’amour aussi imprévue que touchante en Normandie.
Ceux qui ne l’ont pas vu ont quand même le droit de le croire : vendredi dernier, lors de la victoire face à Tours (2-0) qui a validé la qualification havraise pour les barrages, Jean-Philippe Mateta a communié avec des fantômes. Pour célébrer le premier de ses deux buts – une superbe tête décroisée sur un centre de Zinedine Ferhat –, le natif de Clamart a en effet couru comme un cinglé derrière le but, a agité les bras dans tous les sens et fait trembler chaque pan de mur du Stade Océane… sans vraiment se rendre compte que la tribune, habituellement occupée par les trois groupes de supporters havrais (Barbarians, KCM, Kop Océane), était complètement vide. La tribune en question, qui purgeait son troisième et dernier match de suspension à cause de l’envahissement de terrain face à Quevilly-Rouen (lors de la seule défaite du HAC à domicile cette saison), était désertée de ses fidèles soldats. Jean-Philippe a fait comme s’ils étaient là. Alors il a harangué cette foule invisible et a fini sa célébration comme il en a l’habitude, en envoyant un high-kick dans le poteau de corner (1-0, 4e). Puis la scène s’est reproduite six minutes plus tard, et Jean-Phi’ n’a pas voulu faire de jaloux, alors il a savaté l’autre poteau de corner (2-0, 10e). Ces buts et cette victoire, conjugués au nul concédé in extremis par Brest à Châteauroux (2-2), ont une immense conséquence : ce mardi soir, le HAC jouera donc à domicile, avec des supporters qui ont d’ores et déjà annoncé « un mur ciel et marine » .
— BARBARIANS HAVRAIS (@BARBARIANS93) 15 mai 2018
Un triplé au Havre avec Châteauroux pour lancer sa carrière
Du haut de sa maigre expérience, Mateta ne sera pas intimidé par le contexte. Ce stade est son jardin et il n’a pas attendu d’être havrais pour le prouver. Il suffit de se rappeler le 23 août 2016 et ce sombre 2e tour de Coupe de la Ligue. Ce jour-là, le HAC se fait éclater par Châteauroux, pensionnaire de National (2-5). Jean-Philippe Mateta, dont la réputation n’a alors pas encore franchi les frontières de l’Indre, claque un triplé. Ses buts du 0-1 et du 0-2 sont inscrits devant la fameuse tribune qui est contrainte de se rendre à l’évidence : ce jeune homme ferait un bien fou à une attaque ciel et marine orpheline de Lys Mousset, parti à Bournemouth. Moins d’un an plus tard, Mateta signe au Havre. L’hiver précédent, il avait été transféré à l’Olympique lyonnais, qui l’a prêté cet été au HAC, sûrement aussi pour entretenir de bonnes relations qui s’étaient confirmées quelques jours plus auparavant avec le transfert de Ferland Mendy.
Il veut rester au HAC, même en Ligue 2
En temps normal, un attaquant de 20 ans qui appartient à une formation du calibre de l’OL ambitionnerait de retourner dans le club de Jean-Michel Aulas en considérant que les 17 buts inscrits cette saison suffisent à « valider » son année. Jean-Philippe Mateta n’est pas fait de ce bois-là. Sûrement sait-il que ses imperfections et le travail qui lui reste à accomplir pour les gommer lui garantiraient de passer une saison galère dans une équipe de Bruno Génésio dont le secteur offensif est déjà largement assez étoffé comme ça. Parce qu’il a un peu conscience de cette réalité et qu’il est tombé amoureux du HAC, Mateta a carrément demandé à ses agents de prolonger le prêt en Seine-Maritime, peu importe que le club doyen reste en Ligue 2. Pour l’heure, le désir du joueur ne semble pas faire le poids à côté des plans des gens qui gèrent sa carrière. Il faut dire que le statut de deuxième meilleur buteur de Ligue 2 (à égalité avec le Nîmois Alioui et le Rémois Siébatcheu) et le jeune âge de JPM le rendent bankable sur le marché des transferts.
La seule issue qui pourrait satisfaire à la fois le joueur et son entourage est donc de grimper en Ligue 1 avec le HAC, qui – ça tombe bien – n’a pas spécialement envie de passer une dixième saison consécutive en Ligue 2. Alors ce mardi soir, Jean-Philippe Mateta fera ce qu’il sait faire de mieux : jouer comme si ce match était son dernier. Avec son camaïeu de bleu sur les épaules, il mangera sur la tête des défenseurs de Brest et gribouillera quelques passements de jambes au ralenti.
Pour Samba
L’idylle entre Mateta et le HAC a pris un peu plus de poids ces dernières semaines après le décès du jeune Samba Diop. Affecté par cette disparition brutale comme l’ensemble de ses coéquipiers, le n°11 semble s’être imprégné de ce drame pour se donner un supplément de force. Vendredi dernier, après avoir reçu son trophée de joueur du mois et inscrit son doublé, Mateta a fait un tour de stade avec ses copains pour fêter la place de barragiste. Ses potes avaient tous leur maillot ciel et marine, un manteau ou défilaient torse nu. Le grand Jean-Philippe (1,92m, 84 kg), lui, avait pris le temps d’enfiler un maillot blanc floqué « Samba Diop » .
Trophée du joueur du mois d’avril pour Jean Phi Mateta et joueur de la saison pour Zinedine Ferhat ! pic.twitter.com/ZE6CJbfcbE
— HAC Football ⚽️ (@HAC_Foot) 11 mai 2018
Les moments que sont en train de vivre les Havrais marquent un tournant dans l’histoire du club. Fini l’ère où l’activité principale consistait à rappeler à tout bout de champ que tel ou tel international a été formé en Normandie. Ce n’est pas comme ça qu’on avance. Le HAC doit faire le deuil de Steve Mandanda, Lassana Diarra, Riyad Mahrez, Paul Pogba ou Benjamin Mendy, des types bien que le club a contribué à faire devenir ce qu’ils sont devenus aujourd’hui, mais qui sont libres de ne pas consacrer d’énergie à leur club formateur. À une époque où quelques grands joueurs aiment « donner de la force » à leurs anciens clubs et où Benjamin Mendy excelle dans son rôle de supporter de l’OM, Le Havre AC ne doit pas se retourner et doit avancer avec ceux qui sont là aujourd’hui. Et si on a parfois l’impression qu’ils se cachent un peu, c’est parce qu’ils sont derrière les grosses épaules de Jean-Philippe Mateta.
Par Matthieu Pécot