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Jean Petit : « Et bam, ça partait en bagarre »

Propos recueillis par Chris Diamantaire
8 minutes
Jean Petit : «<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>Et bam, ça partait en bagarre<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>»

Jean Petit a marqué avec les Bleus contre le Luxembourg un jour, mais il a surtout passé près d'un demi-siècle à l'AS Monaco sur le terrain puis sur le banc. À 67 ans, le retraité s'attarde sur le derby de la Côte d'Azur, d'hier à aujourd'hui.

Quand vous êtes arrivé à l’AS Monaco en 1969, ce derby signifiait déjà quelque chose ?Oui, il existait une vraie rivalité. C’étaient deux grosses équipes qui avaient chacune connu leur période de gloire à la fin des années cinquante et au début des années soixante. C’était une question de suprématie. Quand on jouait contre Nice, les quotidiens locaux en parlaient toute la semaine. Ça entretenait le suspense, ça faisait monter la pression pour les supporters, les joueurs… C’était autre chose que maintenant. Aujourd’hui, on en parle un peu moins. On parle des équipes, du sportif, mais ça s’arrête là.

Quels sont vos meilleurs souvenirs de derby ?Le 4-1 avec le quadruplé de Delio Onnis (1975-1976), ça marque forcément vu ce qui s’était dit avant le match. (Vlatko Marković, alors entraîneur de Nice qui jouait le titre pendant que Monaco luttait pour ne pas descendre, avait déclaré : « Onnis, je n’en voudrais pas dans mon équipe, même pour un empire » , ndlr.) C’était maladroit de la part de Marković, il ne devait pas le dire. Même si on peut le comprendre : il avait comme avant-centre Bjeković qui était également un sacré joueur. Delio a répondu sur le terrain. Quand on est champions en 1977-1978, en face, il y avait une très grosse équipe aussi… Le match retour (2-0 pour Monaco) s’était joué à une dizaine de journées de la fin.

On n’était pas loin de dégoupiller alors que, de toute ma carrière, je n’ai pris qu’un seul carton jaune.

Ils étaient premiers ou deuxièmes et la victoire nous avait permis de rester dans la course au titre. Je marque un but et le second, c’était un jeune qui s’appelait Gudimard, un numéro neuf très technique. Il était très bon, mais il n’a pas fait la carrière qu’il méritait. C’était l’un de ses tout premiers matchs. Il avait dix-neuf ans, il entre et il marque, du côté des supporters de Nice en plus. J’ai encore l’image de sa joie imprégnée dans ma tête. On les avait joués en demi-finale de Coupe de France dans la foulée du titre. Ils nous ont empêchés de faire le doublé. On perd 1-0 chez eux et ils arrachent le nul 1-1 chez nous grâce à un but de Bjeković dont on ne saura jamais s’il était hors jeu ou non… (Rires.) On s’était précipités sur l’arbitre de touche, Dalger et moi. On n’était pas loin de dégoupiller alors que, de toute ma carrière, je n’ai pris qu’un seul carton jaune. Les nerfs de toute une saison, ils nous enlèvent la finale… Il y a eu un 6-1 aussi au stade Louis-II la saison d’après. On avait enchaîné Bastia et Nice et on en avait mis cinq et six.

Il y a un joueur niçois que vous craigniez particulièrement quand vous étiez joueur ?Huck, Guillou, Jouve, Bjeković et j’en oublie… C’était toute une bande. Ils faisaient partie des meilleurs joueurs du championnat. C’étaient de vrais duels. Mais quand on se retrouvait avec Baratelli et Guillou en équipe de France, il n’y avait pas de rivalité. C’étaient des amis, on jouait aux échecs ensemble. Mais par rapport à mon poste, ceux avec qui je n’avais pas envie de me frotter, c’était la défense Adams-Katalinski. Ils étaient rudes, il fallait les éviter ! (Rires.) Dans chaque équipe, il y en avait toujours un ou deux qui distribuaient plus de coups que les autres.

À l’époque, il y avait moins de télé, de vidéo, on ne revenait pas sur chaque tacle au centimètre près. Putain, le tacle, il était dur ou il n’était pas dur, c’est tout !

À l’époque, il y avait moins de télé, de vidéo, on ne revenait pas sur chaque tacle au centimètre près. Putain, le tacle, il était dur ou il n’était pas dur, c’est tout ! Mais c’était sans doute moins pernicieux, plus maladroit. Et les arbitres étaient un peu plus cléments. Aujourd’hui, ils ne peuvent plus se louper parce qu’on leur tombe dessus tout de suite.

Le derby qui est particulièrement resté dans les mémoires sur ces quinze dernières années, c’est la victoire 4-3 de Nice au Louis-II en octobre 2004…Ça a été un sentiment d’impuissance incroyable. Il n’y avait pas de match, on menait 3-0 à l’heure de jeu… On menait de front le championnat et la Ligue des champions. À 3-1, avec Didier Deschamps, on sait déjà que ça va être très difficile parce qu’on sentait les gars tomber physiquement. Mais les gars sur le banc étaient aussi fatigués qu’eux. On s’est dit : « Autant laisser l’équipe en place, ils ont l’habitude de ces matchs… » Et ça a été la déferlante. À 3-3, Chevanton touche la barre, tout tournait dans le mauvais sens. Après un match comme ça, dans le vestiaire, c’est l’abattement, personne ne parle. On essaie de remotiver les gars comme on peut : « Il faut oublier, on rejoue dans une semaine, reposez-vous, gardez le moral… » Mais on a beau dire n’importe quoi : perdre comme ça, c’est un désastre pour les joueurs comme les supporters. On a d’ailleurs eu du mal à prendre des points les semaines suivantes. On s’est un peu laissés décrocher, alors qu’on était leaders avant ce match. Je pense que c’est oublié aujourd’hui, mais c’est longtemps resté dans les têtes. Comme le 4-1 avec le quadruplé de Delio était resté dans les têtes des Niçois à l’époque.

On a la sensation que ce derby est beaucoup plus important pour les Niçois que pour les Monégasques. C’est le cas ?C’est sûr que pour les supporters niçois, c’est l’occasion de se montrer, de chanter qu’ils sont chez eux quand ils se déplacent au Louis-II. Mais chez les joueurs, je pense que ça ne représente pas grand-chose de plus que les trois points. À notre époque, on ressentait davantage ce besoin de régner sur le bassin méditerranéen. Les supporters nous disaient : « S’il y a un match à gagner dans l’année, c’est Nice ! » Beaucoup de supporters niçois et monégasques bossent ensemble. Il y a à peine vingt kilomètres entre les deux villes. Alors le lundi matin…

Beaucoup de supporters niçois et monégasques bossent ensemble. Il y a à peine vingt kilomètres entre les deux villes. Alors le lundi matin…

C’était important pour les dirigeants aussi, ils nous mettaient la pression. C’était souvent double prime. Et si on avait une prime pour être dans les quatre premiers et qu’on était huitièmes, et bien il arrivait qu’on nous la donne pour ce match. Campora était assez strict, mais ça faisait partie des matchs où il pouvait se lâcher. Mais pour l’entraîneur et les joueurs, l’importance est plus relative. Sur le terrain, ça restait correct généralement, même si on a eu affaire à des équipes un peu plus rudes parfois. Aujourd’hui, c’est assez bon enfant. Mais, à l’époque, les stades étaient moins sécurisés, les supporters pouvaient envahir et ça pouvait être dangereux. Dans l’ancien Louis-II, tout le monde était un peu mélangé, donc il y avait souvent des bagarres. Un mauvais mot, une mauvaise interprétation et bam, ça partait. Comme ça pouvait être le cas aussi avec Bastia ou Marseille. Ce sont des publics chauds.

Vous le sentez comment le match d’aujourd’hui ?Je le sens toujours bien pour l’AS Monaco. Mais souvent les derbys déjouent tous les pronostics. Les aléas du foot peuvent rendre un match bizarre. La saison dernière, il y a eu l’incident Falcao/Cardinale à l’aller… Il peut y avoir une expulsion… Monaco a gagné pas mal de derbys à dix contre onze d’ailleurs. On ne va pas dire à Jardim de commencer le match à dix pour autant. (Rires.) C’est étonnant la force et la solidarité que peut dégager une équipe en infériorité numérique. Après la démission de Deschamps en 2006, j’avais assuré l’intérim et, pour mon premier match, on avait gagné à neuf contre onze à Troyes en marquant les deux buts en infériorité numérique.

Un pronostic ?2-1 pour nous. Un but de Falcao et un coup de tête de Glik. Je ne prends pas de risques ! Falcao, je l’adore. C’est un vrai joueur d’équipe, un grand professionnel. Il est génial, ce gars. Quand j’étais encore au club, j’allais de temps en temps au centre d’entraînement pour m’occuper des joueurs qui étaient hors du groupe, histoire de les maintenir en forme. Et ça m’arrivait donc de le croiser.

Falcao, je l’adore. C’est un vrai joueur d’équipe, un grand professionnel. Il est génial, ce gars.

À un moment donné, je suis allé le voir parce je me disais : « Il me voit traîner par là, il doit se demander qui je suis… » (Rires.) Il était sur la table de massage, je lui dis en espagnol : « Excuse-moi, je viens me présenter parce que… » Il me dit : « Nan, nan, je sais qui vous êtes, vous étiez capitaine… » Ça m’a marqué. Les joueurs sud-américains, comme les Africains, sont souvent de vrais passionnés. Falcao regarde tout ce qui a été dit, tout ce qui a été fait. Ça prouve son intelligence. Il vit avec le club.

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