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Jean-Paul Ndjoli : « Il m’a dit : « je rêverais de planter ta sœur comme les esclaves noirs » »

Propos recueillis par Paul Citron
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Jean-Paul Ndjoli, franco-congolais de 21 ans, évolue cette saison avec la réserve de l'Hércules d'Alicante, en cinquième division espagnole. Le 6 mars dernier, lors d'un match face à Torrent, l'ancien attaquant d'Évreux s'est fait insulter de la plus atroce des manières par un défenseur adverse. Après avoir décidé d'informer l'arbitre, son coach et ses coéquipiers, Ndjoli s'est heurté à une indifférence quasi générale. Il revient sur ce scandaleux épisode.

Bonjour Jean-Paul. Raconte-nous ce qu’il t’est arrivé ce dimanche 6 mars.Je jouais avec mon équipe de l’Hércules d’Alicante dans la banlieue de Valence, à Torrent. Au départ, ça se passe comme dans chaque match de football : ça tape dans les duels, ça se répond. Au bout d’un moment, je commence à prendre le dessus. C’est là que l’ambiance change. « Sale bâtard », « fils de pute », des insultes déjà inacceptables, mais qu’on est habitués à entendre sur un terrain. Sauf qu’après quelques actions, il (Angel Cano, NDLR) se met à se rapprocher de moi et il me dit : « Arrête de jouer comme ça, sale noir, sale noir de merde »… À ce moment-là, je vais voir l’arbitre et je lui raconte ce que j’ai entendu. Il me répond que lui n’a pas entendu, et qu’il va faire attention. Et là, je crois que ça a complètement vrillé dans la tête de l’adversaire. D’un coup, il s’est mis à me lancer des trucs comme « les noirs comme toi, ici, on les tue », « je rêverais de planter ta sœur comme les esclaves noirs à l’époque »… Alors je retourne voir l’arbitre et mon coach, et je leur dis que je ne vais pas continuer à accepter ça, qu’ils doivent faire quelque chose, ou alors j’arrête.

Quelle a été la réaction de ton coach et de tes coéquipiers ?Ils ont essayé de me raisonner, de me dire qu’il essayait juste de rentrer dans ma tête pour me sortir de mon match, qu’il ne fallait pas que je le laisse faire. Alors j’ai continué. Mais comme il ne s’arrêtait pas, j’en ai eu marre et j’ai décidé de sortir. Cette fois, mon coach a bien compris, il ne m’a pas retenu sur le terrain et il m’a remplacé.

Au moment où tu es sorti, que se passait-il dans ta tête ?Forcément, j’ai eu un gros accès de colère (qui lui vaudra un carton jaune, à l’heure actuelle maintenu par la Fédération, car l’arbitre n’a fait aucune allusion dans son rapport de match aux insultes, NDLR). J’avais les larmes aux yeux tellement j’étais énervé. Je trouvais profondément injuste le fait que personne ne réagisse. Quand j’ai compris que personne ne ferait rien parce que personne ne pouvait me comprendre, je me suis dit que c’était inutile que je m’énerve tout seul comme un idiot, que ça ne changerait rien. Je me suis dit que leur façon de penser n’était pas humaine. C’est triste de voir ce genre de choses à notre époque. C’est déplorable.

Le plus gros soutien que j’ai reçu après le match, il est venu de l’attaquant de l’équipe d’en face. Il était noir comme moi et il parlait français.

As-tu été déçu par la réaction de ton club ?Déjà, je remercie mon club d’avoir publié un communiqué. Mais au-delà de ça, c’est vrai que j’aurais aimé plus de soutien sur le moment, que le club aille dans le sens de ma décision. Vouloir essayer de me comprendre, c’est une chose, mais j’aurais aimé que le club aille plus loin. Ça m’aurait fait beaucoup de bien, ça aurait été un vrai mouvement de solidarité. Que ce soit automatique, en fait : bam, c’est mon coéquipier, mon pote, appelle-le comme tu veux, il lui arrive ça, donc je me mets de son côté et je quitte le terrain.

Comment se comportent tes coéquipiers avec toi depuis ce match ?Ils me soutiennent, surtout depuis que j’ai commencé à en parler. Avant ça, pas forcément. Ils pensaient peut-être que je n’allais rien dire et laisser passer ça. Mais quand c’est sorti, que j’ai averti mon frère qui a relayé l’affaire (sur Instagram, NDLR), et qu’ils ont compris, ils m’ont apporté leur soutien. Avant que je ne me décide à parler, on n’en parlait pas du tout. Le lendemain, on avait entraînement, et j’étais encore braqué parce que ça m’avait profondément touché que personne ne fasse rien. Je suis allé tout seul en salle de muscu, les gars passaient et me faisaient une tape sur l’épaule vite fait : « Jean-Paul, ça va ? » Mais il n’y a pas eu de discours, ni rien. Le plus gros soutien que j’ai reçu après le match, il est venu de l’attaquant de l’équipe d’en face (le Camerounais Steve Ekedi, NDLR). Il était noir comme moi et il parlait français. Il est venu me voir dans le vestiaire, quand j’étais encore tout seul. Il m’a raconté qu’il était ici depuis qu’il a seize ans, et qu’il y avait des zones en Espagne où les gens étaient encore très racistes, que celui qui m’avait insulté n’était pas une personne très appréciée au club. Il m’a aussi dit qu’il me soutenait et que j’avais eu raison de refuser de jouer.

Comment passe-t-on à autre chose après un moment comme celui-là ?C’est encore très dur, aussi parce que ça ne m’était jamais arrivé de manière aussi brutale. Jamais je n’avais été insulté comme ça auparavant. Je suis très croyant, alors je me dis que s’il m’est arrivé ça, c’est que ça devait arriver, et que la personne qui a fait ça devait sûrement être dénoncée. Ça peut m’enlever un peu de motivation, ça peut aussi m’interroger sur mon envie de continuer à jouer en Espagne. Mais j’ai des objectifs, je ne laisserai personne m’empêcher de les atteindre, et jamais je ne pourrai être dégoûté du football.

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