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Jean Michel Jarre : « Je pense être le seul Français à avoir rempli Wembley »

Propos recueillis par Thomas Andrei
Jean Michel Jarre : «<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>Je pense être le seul Français à avoir rempli Wembley<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>»

En décembre 2016, le Maradona de la musique électronique française revenait avec Oxygène 3, un écho de son chef-d’œuvre paru en 1976. L’occasion pour Jean Michel Jarre de donner une interview trois poumons, sur son Olympique lyonnais, son pote Cantona et, comme toujours, quelques étonnantes prophéties dystopiques.

Il paraît que vous supportez Manchester United. Pourquoi ?J’ai toujours aimé Manchester. Les deux mamelles de la ville, c’est la musique et le foot. Y a un côté assez brut, assez rough. Ce côté un peu rock’n’roll. Je suis ravi que Pogba soit à Manchester United, c’est un de mes joueurs favoris. United a historiquement toujours pris des têtes de lard, des joueurs un peu indomptables et c’est dans l’ADN du club.

Votre véritable ami dans le foot, c’est Cantona. Vous vous êtes rencontrés comment ?Je ne sais plus, après un match. Mais on a créé un lien un soir de 1993. Je jouais à Maine Road, le stade de Manchester City au même moment où Éric Cantona jouait à Old Trafford. Après le concert, j’avais la soirée de lancement de mon album. Avec Universal, à l’époque. J’ai séché la soirée pour rester avec Cantona et différents copains. Il voulait venir au concert, et moi, je voulais aller au match. Chacun voulait voir l’autre, mais on jouait au même moment. On s’est retrouvés après, dans ce resto-bar très sympa, deux Français qui venaient de remplir des stades en Angleterre. On n’est pas beaucoup. En foot, il y en a un peu plus, mais sinon je pense être le seul Français à avoir rempli un stade comme celui de Manchester ou Wembley. Donc on avait parlé de ça, de notre particularité. C’était le moment où il était en train de devenir une star. On parlait du fait qu’il était perçu comme un Français de souche malgré son background international, l’Angleterre le voyait vraiment comme un Français de souche. Italien, Espagnol, ça, les médias ne le voyaient pas. Pour moi, Éric, ça reste l’un des plus grands joueurs de l’histoire. Un joueur extraordinaire. J’adore les joueurs qui sont des rebelles, mais aussi des sauvages. On vit tellement dans une société où tout doit être politiquement et technologiquement correct, dans le foot aussi, qu’on a besoin de Cantona ou de Pogba.

Vous étiez d’ailleurs remonté contre Jacquet à l’époque de sa non-sélection…Oui, je pense toujours que c’était une grosse connerie. Tout le football français l’a considéré comme indomptable. Alors que ce genre de caractères, c’est capital pour une équipe. Des joueurs qui font vibrer, comme Zidane. Le coup de boule de Zidane, ce n’est pas tellement négatif, ça a toujours été un rebelle. Sans ce coup de boule, il ne serait pas ce qu’il est. Un héros ne doit pas être lisse. J’étais absolument certain qu’il deviendrait un entraîneur fantastique. C’est quelqu’un qui a le sens du partage, rendre ce qu’il a reçu, il a un don. Il a pris le club le plus difficile à coacher, on l’attendait au tournant, et sa victoire n’est pas due au hasard. Maintenant, j’ai beaucoup de respect pour Jacquet. Puis il y une chose que je déteste dans mon pays, c’est ces espèces de condamnations a priori. C’était quasiment devenu l’homme le plus détesté de France. Et après, l’homme le plus adulé de France. Ça fait penser aux collabos pendant la guerre. Tout le monde était derrière Pétain, puis dans les derniers moments, tout le monde s’est révélé résistant. Y a un côté un peu glauque dans cette attitude qu’on a en France, qu’on retrouve en politique, dans le foot, un peu partout. On a tendance à se réveiller très tard, à ignorer les gens bien jusqu’à ce qu’ils soient morts ou qu’ils prouvent par eux-mêmes qu’ils ne sont pas si mauvais. Il n’y a pas qu’Aimé Jacquet. Je ne comprends pas comment on peut continuer à être lu, à avoir une légitimité, avoir le droit de citer en changeant de discours comme ça sur trois semaines.

Le premier concert à la tour Eiffel, c’était déjà moi en 95 pour l’anniversaire des Nations unies, puis la victoire à la Coupe du monde. J’ai eu la chance de faire ça avant Johnny.

Et Deschamps, vous en pensez quoi ? Alors, j’étais avec lui récemment. On était tous les deux au départ de Nice, juste avant l’Euro. On était assis chacun sur une valise en se tournant le dos. En se retournant, on a constaté qu’on était presque assis sur la même valise. C’était drôle. Je partais pour un concert et lui pour voir sa famille avant le tournoi. On s’était assis là sans se voir, jusqu’à ce qu’on tourne le dos. Puis on s’est retrouvés dans l’avion, assis l’un à côté de l’autre. C’est quelqu’un que j’aime énormément, qui n’est pas apprécié à sa juste valeur, un très grand entraîneur. On a discuté de l’Euro qui allait commencer, il avait pris un jour pour se détendre, donc on n’a pas trop développé. Il est assez secret. Il m’a posé pas mal de questions sur les concerts, comment ça s’organisait, comment on se préparait.

Vous étiez aller voir des matchs en 98 ?Oui, j’avais vu le quart de finale, j’avais loupé la demi-finale et j’étais à la finale. Les deux fois, j’étais avec un de mes fils. Vivre ça avec quelqu’un de sa famille, c’est très fondateur dans vos liens. Ça reste à vie. Voir ces matchs avec mon fils, c’était profond, doublement touchant. Il n’y avait plus de VIP, du gardien de stade au président de la République, tout le monde était au même niveau. On était tous là à vibrer. C’est un des rares moments dans ma vie où j’ai ressenti un sentiment de parfaite communauté, de parfait équilibre. Toutes générations, catégories sociales sur un pied d’égalité.

Et juste après la finale, vous jouiez au pied de la tour Eiffel… Oui, avec plus d’un million de personnes. On a organisé le concert en quasiment 24 heures, au vu du résultat. La folie était double : celle de la victoire et celle de mettre en place un concert d’une telle dimension sur le Champs de Mars. Le premier concert à la tour Eiffel, c’était déjà moi en 95 pour l’anniversaire des Nations unies, puis la victoire à la Coupe du monde. J’ai eu la chance de faire ça avant Johnny.

On parle toujours de la notion de bonheur collectif pour le 12 juillet 98 ? Vous vous souvenez de ce sentiment sur scène ?En France, on a toujours eu un problème avec le drapeau. Au Royaume-Uni, vous avez des groupes comme Prodigy ou David Bowie qui ont des vestes ou des lentilles de contact avec l’Union Jack. En France, le drapeau, ça n’a jamais été cool. Sauf en 98. Avant, les seuls qui apparaissaient avec à la télé, c’était le Front national. C’était un truc ringard et facho. Hors, un drapeau, c’est la fierté d’une nation, d’appartenir à son terroir, à son jardin. Ça n’a rien d’idéologique. En 98, il y a eu ce mouvement spontané où les gens se teignaient en bleu, blanc, rouge et sortaient des drapeaux partout. Ma mère était résistante pendant la guerre, j’aurais pu quitter mon pays et aller vivre en Angleterre ou aux États-Unis, je suis toujours resté en France et c’est pour moi une chose importante, ce sentiment d’appartenance. Il faut arrêter de dire qu’à chaque fois qu’on parle de ça, on est à droite. C’est des conneries et ça peut être très dangereux. La Coupe du monde avait fait du bien sur la réappropriation du drapeau comme lien entre les êtres. Malheureusement, ça n’a pas duré longtemps. Il a fallu attendre les attentats pour retrouver ça. C’est quand même très triste que les gens aient besoin de ça pour se réunir sous une même bannière. C’est plus positif quand c’est grâce au foot.

L’internationalisation du football, c’est une bonne chose pour le business, mais ça rend plus compliqué de s’identifier à son club.

Un bon public de football fait-il un bon public de concert ? Y-a-t-il une corrélation ? Je pense que c’est très proche. Dans mes concerts, j’ai un public trans-générationnel, qui s’enflamme et qui vient me voir. Ce n’est pas comme un public de festival, il y a des spécialistes. Je tourne depuis fin septembre et on sent qu’il y a des aficionados de la musique électronique, des fans. À ce niveau, c’est très proche, dans le rock et la musique électronique. J’ai des gens qui me suivent et qui ont fait dix-huit concerts, comme des fans qui suivent leur équipe à l’extérieur. Il y a une osmose qu’on ne retrouve que dans la musique et le foot.

Vous considérez-vous comme un véritable supporter de l’Olympique lyonnais ?Pour être un vrai supporter, il faut être à tous les matchs. Comme je suis souvent à l’étranger, je ne suis que supporter de cœur. J’aime beaucoup Jean-Michel Aulas, on devait faire l’ouverture du Parc OL ensemble, mais ça n’a pas fonctionné, pour des raisons d’agenda. Mais on se retrouvera à un moment. En tant que Lyonnais et supporter du club, je veux faire quelque chose de relié au stade et à son histoire. On en a parlé et on va le faire. J’aime le club depuis toujours pour des raisons qui vont au-delà du simple fait que « c’est mon club » . C’est extrêmement intéressant de voir que c’est un club de niveau européen avec pratiquement que des joueurs qui sortent du centre de formation. Des jeunes du cru. Je suis un peu agacé par tous ces gros clubs qui tiennent avec des mercenaires. Un jour, tu es au Real, l’autre au PSG, puis à Manchester. On perd l’ADN d’une équipe. J’aime les équipes comme Barcelone, comme Lyon, comme le Bayern même. L’internationalisation du football, c’est une bonne chose pour le business, mais ça rend plus compliqué de s’identifier à son club.

C’était quand votre première fois dans un stade ? C’était à Lyon avec mes grands-parents. Je ne me souviens pas vraiment des joueurs, je devais avoir six ans. Pour moi, un match de foot, c’est comme un concert. Ce sont des événements éphémères qui rassemblent des gens dont on peut se souvenir toute sa vie. On se souvient de son premier match comme de son premier concert, alors que ça ne dure que très peu de temps. Mais ça reste imprimé dans ta tête et dans ton cœur. Mon premier choc footballistique, c’est le célèbre trio Just Fontaine-Kopa-Piantoni. Mes premiers héros. Je me souviens de la demi-finale contre la Suède au Brésil, où on perd 5 à 2. C’étaient de vrais héros, et j’ai eu la chance de les voir au Parc des Princes. Aujourd’hui, un gosse de six ans aime Griezmann, moi c’était Kopa. Je l’ai rencontré plus tard et je lui ai dit toute l’admiration que j’avais pour lui. Et puis c’était semi-pro, d’une certaine manière… Il y avait une certaine pureté, moins de liens avec l’argent et le business qui me gênent un peu. On y gagne du spectacle, mais on y perd en authenticité et en affectif. J’ai beaucoup de mal à suivre une équipe où les joueurs changent tous les ans. Qu’est-ce que ça veut dire ? On prend les joueurs du moment, on les assemble, ils prennent leur chèque et ça ne fonctionne pas toujours.

La dramaturgie du foot par la réalisation, la manière dont il est filmé, c’est pour moi la principale raison de la starification des joueurs. Ce sont devenus des acteurs.

C’est un peu comme si les gens allaient écouter la musique de Jean-Michel Jarre, mais qu’elle était toujours jouée par différentes personnes… Oui ! Un DJ différent tous les jours. Les équipes doivent être représentatives de l’histoire du club. Si ce ne sont que des gens qui viennent de n’importe quel pays, qui viennent puis repartent, au bout d’un moment, ça ne veut plus rien dire. Les stades portent de plus en plus des noms de marque. Si on continue, on finira par avoir des équipes qui auront des noms de marque, comme sur le tour de France. Une équipe Café Jacques Vabre, Adidas, voilà. Pour moi, un championnat, c’est avant tout des villes et des communautés qui se confrontent, avec leur ADN respectif. Il faut absolument régénérer ça.

Vous vous souvenez d’une certaine atmosphère, de l’odeur des matchs de votre enfance qui ont depuis disparu ?Ça, bizarrement, je trouve que ça reste. L’ambiance, la lumière, l’odeur, le bruit. Cette forme d’excitation demeure. Même si les stades sont plus beaux, design, les gens restent les mêmes, et ce, depuis des millénaires. Le public de l’arène ne bouge pas. C’est toujours une communauté qui vient voir des perdants et des gagnants. Ce qui a beaucoup changé, c’est la télé. La manière dont c’est filmé, c’est du niveau de la réalisation de gros films. C’est sophistiqué, le slow motion, les ralentis, les replay, c’est Matrix. Et puis le championnat anglais n’est pas filmé comme le championnat français, donc là, on retrouve une certaine particularité dans la manière dont on filme le foot. En Amérique du Sud, ce n’est pas du tout filmé de la même manière non plus. La dramaturgie du foot par la réalisation, la manière dont il est filmé, c’est pour moi la principale raison de la starification des joueurs. Ce sont devenus des acteurs.

Le Jean-Michel le plus célèbre de France, c’est vous ou Jean-Michel Larqué ? On vous a beaucoup appelé Jean-Mimi ?(Il rit) Je ne sais pas ! Ou Jean-Michel Aulas peut-être. C’est drôle, beaucoup de gens m’appellent comme ça dans des stades ou en soirée. Ce ton personnel, ça me faisait toujours rigoler. Puis ça me rappelait mes propres surnoms, donc c’était drôle.

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