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Jean-Michel Aulas, la vérité si je mens…
Le président de l’Olympique lyonnais, avec son habituel penchant pour foutre le chambard à peu de frais, a balancé sa petite bombe en plein crise du coronavirus : « une saison blanche ». L’idée d'annuler purement et simplement la saison 2019-2020 n’est pas originale, et partout en Europe, des voix commencent à le réclamer au nom du bon sens ou de son bénéfice. Mais si, au-delà des petits calculs, ce brave Aulas avait raison dans un intérêt supérieur au sien ?
Naturellement personne n’est dupe. Oublier cette saison de Ligue 1 et repartir en 2020-2021 avec un classement vieux de deux ans, c’est d’abord pour l’OL l’assurance de retrouver la Ligue des champions en restant sur le bon souvenir d’un exploit contre la Juventus. L’argument des mal-classés et des relégables – une pensée pour les Toulousains – ne constitue qu’un aimable cache-sexe pour dissimuler les intentions très onanistes de Jean-Michel Aulas. Comment lui en vouloir ?
Pour le coup, ses préoccupations très égoïstes rejoignent des considérations éminemment pragmatiques. Nul ne sait quand cette situation de blocage hors norme et surtout, on l’espère, exceptionnelle va cesser. Un retour sur les terrains pour les pros semble très hypothétique – avec les problématiques de la préparation physique – alors que les amateurs sont eux aussi contraints de ranger les crampons. Mais la logique et l’équité sportive devraient conduire à suspendre le cours des compétitions en attendant des jours et des multiplex meilleurs. Voilà pour les petites affaires du ballon rond.
Le ballon au service de la nation
Et si nous parlions désormais des grandes affaires de la nation ? Et donc de savoir si nos brillants pensionnaires de Ligue 1, Ligue 2 ou National ne donneraient pas une petite leçon d’exemplarité à un pays où l’on se bat pour des pâtes devant les rayons vides à Auchan ? Quand les employés des crèches sont réquisitionnés pour soulager les personnels hospitaliers, quand l’ensemble des salariés prient pour ne pas perdre de son salaire avec le confinement, quand les personnes en EPHAD sont privées de leurs proches, le plus beau geste patriotique que le foot pourrait offrir au peuple français serait justement de s’oublier. De montrer en jetant ce classement aux oubliettes de l’histoire et des statistiques combien il a pris conscience de ce retour inattendu, voire violent, de la peur et du drame dans notre quotidien. Si un virus nous rappelle la fragilité de nos sociétés si protégées, jusque dans nos comportements les plus anodins, comment une banale question de phase qualificative ou de barrage pourrait importer d’une quelconque manière ?
En s’asseyant sur le banc de touche pour cette saison, le foot dirait ou expliquerait clairement la nature de ce que nous vivons, de l’épreuve que nous traversons tous ensemble et parfois désunis. Il s’agirait d’accorder à cette épreuve la valeur qu’elle doit conserver dans nos esprits. Ce que le moindre licencié de district FFF ou FSGT a compris et supporte au quotidien serait enfin reconnu par ceux qui profitent d’habitude des chants des ultras et des millions des droits télé. Le foot y reconstituerait un peu son unité comme fait social et il y trouverait une place et une fonction nouvelle au sein de la République. Jean-Michel Aulas n’a sûrement guère été effleuré par de tels enjeux lorsqu’il est intervenu dans le débat avec sa calculette à la main et son sourire en coin tourné vers l’OM. Prenons-le au mot et à contre-pied : le foot est quelque chose de bien trop sérieux pour le laisser aux footballeurs.
Par Nicolas Kssis-Martov