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Jean-Michel Aulas, Claude Puel : e-mail, toi non plus

Par Nicolas Jucha
Jean-Michel Aulas, Claude Puel : e-mail, toi non plus

À l'été 2008, Jean-Michel Aulas confie les clés de l'Olympique lyonnais à Claude Puel. Un mariage qui a pour ambition de placer l'OL très haut sur les scènes nationale et européenne. Trois ans après, malgré une demi-finale historique en Ligue des champions 2010, c'est le divorce. Le début d'un long combat judiciaire remporté par le président JMA grâce à un simple e-mail resté sans réponse, retenu par la justice pour justifier l'éviction pour faute grave du technicien. Retour sur un coup de maître du service juridique lyonnais.

Ce 25 septembre 2010, Jean-Michel Aulas n’en mène pas large face à une tribune de supporters lyonnais en colère après un derby perdu à domicile face à l’AS Saint-Étienne. Mais le président tient bon. Face à ses interlocuteurs qui ont Puel en ligne de mire, le « prez » affiche un soutien mesuré. « Je ferai le point avant la fin octobre. Laissez la chance « au club », je ne dis pas « à Claude Puel ». Si vous me laissez un mois pour résoudre les problèmes, on fera en sorte d’être en haut de l’affiche. Et en haut de l’affiche, c’est d’être présent le 24 mai prochain à Wembley(pour la finale de la Ligue des champions, NDLR). » La suite ? Lyon n’ira pas à Londres, éliminé en huitièmes de finale de la C1 par le Real Madrid de José Mourinho, et terminera à l’arrache sur le podium de Ligue 1. Si le passage le plus spectaculaire de sa prise de parole improvisée reste son « eux(les Stéphanois), ils la jouent(la C1)à la Playstation ! », l’info majeure réside dans la dissociation entre le club et son entraîneur, annonciatrice d’une saison sous haute tension. Dans une interview donnée au magazine Vestiaires (numéro 202, septembre/octobre 2021), l’intéressé affirme s’être senti « jeté en pâture auprès des supporters et des médias. En ville, on pouvait lire « Puel démission » sur une cinquantaine de banderoles accrochées sur les monuments, les ponts… » Une atmosphère de travail toxique…

Rappel des faits. L’actuel manager de Saint-Étienne est recruté en juin 2008 avec un poste aux responsabilités élargies, presque semblables à celles d’un Arsène Wenger à Arsenal. À l’époque, ses fiches de paie font rêver : salaire annuel de base à trois millions d’euros brut, lequel augmente de 100 000 euros chaque saison, auquel peuvent s’ajouter une multitude de bonus de résultats. Problème, entre Puel et l’Olympique lyonnais, la greffe ne va jamais prendre malgré cette demi-finale européenne en 2010. Au bout de trois années sans titre, ce à quoi le club n’est alors plus habitué depuis 2001, la défiance des supporters et la tension en interne poussent JMA à enclencher une procédure de licenciement pour faute grave début juin 2011. Seul levier administratif pour écourter le contrat du technicien sans lui payer sa dernière année de contrat. Décision impulsive d’Aulas – comme c’est souvent le cas de la part des présidents dans le monde du football – ou volonté de gagner du temps (et provisionner pour un accord à l’amiable) car les procédures judiciaires sont longues ? Non, JMA a bien l’intention de ne pas verser un centime d’euros de plus à celui en qui il a pourtant cru si fort.

Chambres doubles et flic en short

Le 17 juin, le président lyonnais prend sa plus belle plume pour rédiger une lettre de licenciement aux petits oignons. « Vous avez adopté un comportement fautif par une attitude aussi individualiste qu’autoritaire qui, régulièrement, depuis trois saisons, a mis à mal les fondements du club, et donc tant son intérêt que celui de l’ensemble de ses salariés, jusqu’aux plus modestes d’entre eux. » Le document met sur le dos du technicien les velléités de départ de Karim Benzema et Juninho (ils partent tous les deux à l’été 2009, après la première saison de Puel à Lyon, NDLR), un refus de dialogue avec Bernard Lacombe, « dont l’avis aurait pourtant pu vous être utile » ou avec le consultant Serge Griffon, patron de NEOM, société de conseil en management et « transformation » des entreprises. Puel se voit également attribuer la recrudescence de blessures dans l’effectif « dues à un entraînement physique et foncier inapproprié que tous les joueurs et entraîneurs adjoints ont contesté à plusieurs reprises. » Certains mots-clés apparaissent à plusieurs reprises : autoritaire, autocratique, orgueil démesuré…

Au bout de trois jours de règne, Puel avait perdu Juni et le vestiaire.

À en croire un ancien du vestiaire lyonnais sous le règne de Claude Puel, les accusations de JMA comptent pas mal de vérités, mais tout autant d’exagérations. « On sortait d’une année avec Alain Perrin, qui avait compris qu’il fallait nous laisser une certaine autonomie. Il y a eu des dérives même si les résultats restaient bons, avec le doublé coupe-championnat en 2008. Le président a voulu remédier à ce problème de laisser-aller, qui ne pouvait être résolu par Perrin, car on faisait la fête dans les mêmes endroits que lui. » Puel arrive donc pour faire la loi, et il le fait sans préliminaires. La mention à Juninho faite par Aulas trouve son explication : « Au premier stage, Puel a sucré les chambres individuelles, nous obligeant tous à être par deux. Juni lui a poliment demandé en meeting, dans le vestiaire devant tout le monde, si après avoir tant gagné, ce privilège pouvait nous être rendu. La réponse a été cinglante :« Je suis le patron et toi un joueur, je décide et vous serez désormais par deux en chambre. »Au bout de trois jours de règne, il avait perdu Juni et le vestiaire. »

« Avec Puel, il n’y a pas de coup de pute »

Pour le reste, cet ancien cadre rhodanien s’étonne du contenu des accusations. « Le seul truc aux entraînements, c’est qu’il voulait participer aux exercices avec nous, et cela nous agaçait. Après, il est arrivé une fois que son préparateur physique ait fait des erreurs de calcul des distances de courses, sur les objectifs que l’on devait remplir. Si bien que durant quatre jours, aucun joueur n’a réussi à être dans les temps. Puel pensait qu’on faisait exprès pour faire chier son nouveau préparateur, mais c’est juste qu’il avait calculé des objectifs impossibles à atteindre. »

Assez peu pour étayer l’image de dictateur de Puel. « Il n’a jamais été malhonnête. Il dit ce qu’il va faire et le fait. Avec lui, il n’y a pas de coup de pute ou de mauvaise surprise, il est franc, direct, il fait tout en face. » Et face aux petits salariés qu’Aulas l’accuse par écrit de maltraiter, si l’entraîneur n’est pas le plus chaleureux des hommes, « il est toujours poli et respectueux. » Ce qui étonne les joueurs à l’époque, c’est plutôt l’ampleur des prérogatives du manager, qui vont « jusqu’au choix des plateaux repas ». Ce sont justement ces pouvoirs qui vont offrir au président lyonnais ses munitions face à la justice, car ils impliquent une hiérarchie claire : le N+1 de Puel, c’est Aulas et personne d’autre.

Ne jamais laisser un vu à JMA

Pour l’avocat spécialisé en droit du sport Maître Thierry Granturco, « le Père Aulas a créé un faisceau d’indices ». Les fameux reproches sur l’autoritarisme, les blessures, les départs de Juninho et Benzema, qui juridiquement ne sont pas recevables car prescrits – ils datent de plus de deux mois avant l’envoi de la convocation à l’entretien préalable -, mais vont servir à convaincre les juges sur la touche finale de l’argumentaire : deux courriels datés des 3 et 18 mai 2011, signés Jean-Michel Aulas et laissés sans réponse par Claude Puel. Le second est repris quasiment en intégralité dans le délibéré de la cour d’appel de Lyon le 10 février 2015. « Il faut, Claude, que tu me proposes un ultime plan de bataille pour répondre à ce défi (l’obtention de la 3e place en Ligue 1, NDLR) qui conditionne une partie de l’avenir de l’institution et je souhaite donc connaître le plus rapidement possible ce que tu envisages pour le groupe, pour le staff et pour toi-même. » Le texte se termine par un ordre précis. « Étant en déplacement actuellement, j’attends de ta part un retour par mail que nous pourrions ensuite évoquer ensemble avant la fin de cette semaine. » Un tweet n’aurait pas fait meilleur effet.

Depuis, on dit à tous nos adhérents de ne jamais laisser un écrit sans réponse.

L’OL obtiendra finalement sa qualification pour la Ligue des champions, mais faute d’avoir apporté une réponse écrite au courrier électronique de son supérieur hiérarchique direct, Puel se voit débouté de toutes ses demandes, près de sept millions d’euros, aussi bien devant les prud’hommes (mars 2014), qu’en appel (février 2015) et en cassation (juin 2016), les juges estimant à chaque fois que Puel démontre une insubordination manifeste. Et donc la faute grave qui légitime la rupture du CDD. « Depuis, on dit à tous nos adhérents de ne jamais laisser un écrit sans réponse » explique Maître Didier Lacombe, avocat fétiche de l’UNECATEF, le syndicat des entraîneurs. Dans le monde du ballon rond, les échanges d’informations sont très souvent oraux, ce qu’a tenté de plaider l’avocat de Puel, en plus d’un vice de procédure. Mais dans les palais de justice, c’est l’écrit qui règne.

Pour une avocate spécialiste du droit du travail, le mail de Jean-Michel Aulas « sent la patte d’un avocat. La demande explicite d’un retour écrit, c’est un piège tendu au salarié, pour le prendre à défaut. L’employeur(Aulas donc, NDLR)est bien conseillé, ou alors connaît bien le droit, car il a construit une vraie stratégie sur le long terme, avec des écrits dans un milieu où ce n’est pas la norme. » La preuve, de son côté, Claude Puel s’est innocemment présenté à son entretien préalable avec son adjoint Patrick Collot, plutôt qu’avec un conseiller du travailleur, connaisseur du droit du travail et de la procédure. « Les juges ne connaissent pas forcément le milieu du football, ils jugent par rapport à un cadre qui leur est familier. » L’histoire ne dit pas si depuis cette déconvenue, Claude Puel a pris l’habitude de checker sa boîte mail quotidiennement, jusqu’au fin fond de ses spams.

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Par Nicolas Jucha

Tous propos recueillis par NJ, sauf ceux de CP issus de Vestiaires et ceux de JMA face aux supporters en 2010. Citations issues de la lettre de licenciement adressée à Claude Puel et citées dans le délibéré de la Cour d'appel de Lyon.

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