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Jean-Marc Michel : « Le PSG ne peut pas s’en prendre au journaliste qui fait son job  »

Propos recueillis par Mathieu Rollinger
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Alors que le Paris Saint-Germain est en conflit ouvert avec les journalistes de la rédaction de L'Équipe, le club a refroidi l'ensemble de ses relations avec les médias depuis qu'il a fait circuler une charte aux journalistes présents à une conférence de presse samedi dernier. Jean-Marc Michel, président de l'UJSF, s'exprime sur ce qu'il considère comme une menace pour la profession.

Tout est parti d’un article de L’Équipe faisant la Une de l’édition du 7 décembre 2018 intitulé « Fair-play financier : le PSG contraint de perdre Kylian Mbappé ou Neymar en cas de sanctions ? » Un papier que le PSG estimait être basé sur des « allégations totalement erronées, ridicules et uniquement de nature à recréer un climat de grandes tensions entre le club et ce média » , allant jusqu’à accuser L’Équipe de « désinformation » .

Depuis, les relations entre le journal et le PSG ne se sont pas apaisées, au contraire. Ainsi, lors la conférence de presse organisée samedi dernier au centre Ooredoo avant le match de Coupe de France face à la GSI Pontivy, les journalistes de L’Équipe étaient privés d’accès et ceux des autres médias ont été priés de signer une charte de bonne conduite, comme un rappel aux règles édictées unilatéralement par la direction du club. Au menu : un « accès au Centre Ooredoo interdit sans l’autorisation écrite préalable du département communication du club » , des « prises de paroles [ne pouvant se faire sans] l’autorisation préalable du département communication » ou encore des « demandes d’interview individuelles » pour lesquelles « seul le département communication est habilité à valider et à organiser[…]y compris dans l’hypothèse où le média a obtenu l’accord de la personne qu’il souhaite interviewer » .

Une décision qui a fait bondir l’Union des journalistes de sport en France (UJSF), réagissant à travers un communiqué où elle « s’inquiète fortement » des résolutions du PSG et défend les journalistes sportifs dans le cadre de leur liberté à l’accès à l’information. Son président Jean-Marc Michel (et par ailleurs journaliste à France Télévisions) explique en quoi cette pratique est une entrave à la liberté de la presse.


Pourquoi décider de réagir après l’édition de cette « charte médias » , alors que les journalistes de L’Équipe sont en conflit avec le PSG depuis un bon mois ? Jean-Marc Michel : Nous n’intervenons pas seulement parce que ce sont les journalistes de L’Équipe qui sont visés dans cette affaire, mais parce que nous nous érigeons contre le fait qu’un club empêche un journaliste de faire son travail. Quel que soit son média. Ces pratiques-là n’ont pas à avoir cours. Dans la charte média proposée, il y a certains points qui sont totalement inadmissibles dans un pays où on fait régner la démocratie et où la liberté d’expression et le pluralisme de la presse sont de mise.

Le PSG veut réécrire cette charte avec le concours de l’UJSF. Avec moi, il y a des termes qui ne pourront pas être inclus dans leur charte.

L’un des problèmes que pose cette charte est de faire signer un document à des journalistes en leur nom propre, plutôt que de gérer ces conflits avec la direction du média en question.Exactement, et je pense que le club a compris qu’il est allé un peu trop loin. Lundi en début de soirée, j’ai eu un responsable au téléphone et cette charte ne serait plus d’actualité, d’après ce qu’il m’a affirmé. Le PSG va partir en tournée à Doha, et à leur retour, il veut réécrire cette charte avec notre concours. Avec moi, il y a des termes qui ne pourront pas être inclus dans leur charte. Ce qui n’est pas logique dans tout ça, c’est qu’ils font des victimes collatérales qui n’y sont pour rien. Ils reprochent à L’Équipe sa ligne éditoriale, mais ce n’est pas le journaliste de base, qui couvre une conférence de presse, qui dicte la ligne éditoriale de son titre de presse.

Du point de vue légal, le PSG a-t-il le droit de restreindre l’accès à son centre d’entraînement, celui-ci étant une propriété privée ?Je ne pense pas. C’est pour ça que j’ai alerté le ministère, Mme Boy de la Tour et Didier Quillot à la LFP, et Noël Le Graët à la FFF. On a une convention avec la Ligue et avec la Fédération, qui oblige les clubs à organiser un point de presse avant chaque match qui soit ouvert à l’ensemble des médias. Encore une fois, je veux dépasser le conflit que le PSG a avec L’Équipe, ce qui m’intéresse, c’est que les journalistes aient l’accès à la conférence de presse. Point. À partir du moment où un journaliste détient sa carte de presse et représente un média, il doit pouvoir travailler librement.

Le PSG pourrait-il aller plus loin en bloquant certaines accréditations pour les matchs au Parc des Princes ?Non, car ils ne sont pas les organisateurs des compétitions, donc ils ne pourraient pas le faire. Dans les compétitions nationales, ce sont soit la LFP soit la FFF, avec qui nous sommes liés conventionnellement. Ce mercredi contre Guingamp, je peux vous assurer que les gens de L’Équipe y seront. Dimanche soir à Lorient, ils y étaient aussi, ont pu faire leur boulot librement et même poser des questions en conférence de presse d’après-match. À signaler tout de même que lors d’un match amical PSG-Barcelone il y a quelques saisons, le club catalan ne voulait pas de certains médias espagnols au Parc des Princes et a demandé au PSG de les blackbouler.

Pourtant, à Belgrade pour le dernier match de Ligue des champions, au tout début de l’affaire, les journalistes de L’Équipe n’avaient pas pu s’exprimer en conférence, par exemple. Ce qui prouve que cette restriction peut s’effectuer dans un cadre plus large que leur centre d’entraînement.

Si encore on était dans un système où le PSG ne pouvait pas se défendre… Mais là, ils ont un arsenal juridique à leur disposition.

Ce genre de comportement est incroyable. Ça, ça se voit dans des pays totalitaires. Pas dans un pays où il y a un minimum de santé démocratique. Si encore on était dans un système où le PSG ne pouvait pas se défendre… Mais là, ils ont un arsenal juridique à leur disposition. S’ils ne sont pas contents, s’ils estiment que tel journal a eu des propos diffamatoires ou qu’il bafoue l’image du Paris Saint-Germain, ils ont des moyens pour faire condamner le média en question. Mais ils ne peuvent pas s’en prendre au journaliste qui, lui, fait son job.

Dans la quasi-totalité des clubs ou même en sélection, il y a toujours un membre du staff qui distribue la parole en conférence de presse. En quoi cette charte pose des conditions différentes ?Couper le micro en fonction que la question plaise ou pas, cela ne se fait pas. Là, il faudrait qu’on leur présente les questions à l’avance, qu’ils les valident ou pas. De la même manière, sur les conditions d’interviews, on ne pourrait pas s’entretenir avec un joueur même s’il a déjà donné son accord. Mais si les gens ont envie de parler à la presse, ils doivent pouvoir le faire !

Donc tout ça était tout de même officieusement en vigueur, et obtenir une interview d’un joueur du PSG est toujours soumis à plusieurs conditions…Oui, mais là, avec cette charte, c’est écrit noir sur blanc. C’est bien ça qui est gênant. Franchement, pour un club comme le Paris Saint-Germain qui veut figurer parmi les meilleurs clubs du monde, comment peut-il tomber dans ces pratiques ? Ils n’ont qu’à lancer des négociations avec L’Équipe, se débrouiller avec eux et régler leur conflit sans en faire pâtir l’ensemble des journalistes.

En parlant de grands clubs européens, comment fonctionnent ces relations presse à l’étranger ?Les règles sont tellement différentes d’un pays à l’autre. Le système anglo-saxon est un système commercial (où le club a la mainmise sur toute la communication et peut aussi monétiser ses interviews, N.D.L.R.).

Il faut que les autres pays nous suivent. Sinon, on va tomber dans une anarchie totale et arrivera le moment où travailleront seuls ceux qui ont payé.

En Allemagne, en Belgique ou aux Pays-Bas, ça se rapproche de ce qui se passe chez nous. En Italie, c’est encore plus particulier. Mais en France, on est à la pointe au niveau de la défense du droit à l’information et de la liberté d’expression. Parce que nos aînés ont créé l’UJSF il y a plus de 60 ans (elle a été créée en 1958, N.D.L.R.) et parce qu’on a été à l’origine de la création de l’Association internationale de la presse sportive (AIPS). On est un peu des précurseurs. C’est pour ça que j’essaye de faire entendre la voix de la France au niveau international et il faut que les autres pays nous suivent. Sinon, on va tomber dans une anarchie totale et arrivera le moment où travailleront seuls ceux qui ont payé.

Y a-t-il déjà eu des antécédents ?Nous avons déjà dû faire une médiation avec l’OM, il y a trois saisons, mais dans un contexte différent. À l’époque, l’OM estimait que son environnement était pollué par tout un tas de blogueurs, parfois irrespectueux, parfois injurieux. Ils voulaient restreindre l’accès à la Commanderie. On était intervenus et avait fait valoir que les journalistes professionnels et détenteurs d’une carte de presse pouvaient accéder au centre d’entraînement. Ça s’est bien goupillé parce que les gens visés n’étaient pas des journalistes. Là, la difficulté, c’est que le PSG veut empêcher des journalistes de faire leur boulot. Sinon en septembre, les dirigeants du club de rugby de Biarritz ont interdit l’accès à des journalistes de Sud Ouest. Ils n’étaient pas contents parce que le journaliste était soi-disant pro-Bayonne. Ce sont des choses ahurissantes. En basket, le club de Limoges en a aussi pondu une, pour une demi-douzaine de médias régionaux. Et c’était encore pire que celle du PSG. Il faut que ces choses cessent, car la liberté de la presse est un des socles fondamentaux d’une démocratie.

Dans la plupart des cas, les clubs privilégient la communication à l’information.

Au regard de ce que vous décrivez, on a l’impression que les médias reconnus sont de plus en plus vus comme une menace par les clubs. Difficile dans ces conditions de travailler dans un climat sain.C’est exactement ça. Maintenant, quand vous contactez un club pour avoir des informations sur leur mercato, ils ne laissent plus rien filtrer, mais vous apprenez les transferts chaque jour par le service communication du club. Et plus dans un journal. Je ne fais pas un procès d’intention au PSG, car il y a d’autres clubs qui ont aussi recours à ce genre de pratiques. Mais dans la plupart des cas, les clubs privilégient la communication à l’information. Or, le journaliste c’est quoi ? Plus qu’un privilégié, il est d’abord un intermédiaire qui va à la source de l’information, là où n’est pas le citoyen. Et ce sont à ces citoyens de faire le choix dans la manière dont ils veulent s’informer.

De manière plus large, est-ce que cela ne poserait pas aussi la question de la place des journalistes, à une époque où les joueurs peuvent communiquer directement avec un public sur leurs réseaux sociaux ?Il est souhaitable que ça ne soit pas le cas. Franchement, si on en arrive là, c’est une catastrophe pour toute une profession, mais ça affecte aussi la qualité de l’information.

Le Parisien-Aujourd’hui en France, Le Journal du Dimanche, L’Équipe, Radio France, Europe 1, RTL, France Télévisions, voici les sept groupes qui se sont joints à votre communiqué. Est-ce la preuve d’une solidarité professionnelle ? J’ai dit au collectif qui s’est créé derrière L’Équipe que s’ils nous soutiennent, tant mieux. C’est tellement rare que des médias s’impliquent derrière les journalistes. Mais je ne veux pas que l’on ne réduise notre action qu’au conflit de L’Équipe avec le PSG. Demain, si c’est un autre média, on réagira de la même manière.

Serait-il possible de voir émerger un consensus pour faire un boycott médiatique du PSG ?Je n’en suis pas là et je ne le souhaite pas. Il faut que le dialogue continue et que les choses s’arrangent. Si on me demande de mettre tout le monde autour de la table, j’essaierai de le faire. Mais je ne sais pas jusqu’où veut aller le PSG. S’ils en ont après la ligne éditoriale de L’Équipe, ça ne se réglera pas au niveau des journalistes, mais au niveau de la direction de la rédaction. Et là, l’UJSF ne peut pas intervenir. Nous, nous œuvrons pour que le droit à l’information soit respecté pour que chaque journaliste puisse faire son métier.

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Propos recueillis par Mathieu Rollinger

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