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Jean-Luc Reichmann : « Gervais Martel, je croyais qu’il avait un club d’aquagym »
Il connaît Cantona, a bu des coups avec Gervais Martel et tourné avec Christophe Jallet. Jean-Luc Reichmann est le spécimen parfait de ce que d'aucuns appellent « footix », mais pas de souci, lui-même le revendique. Pour l'amour du beau jeu et de « l'étonnement », explique-t-il. Il faut dire que quand on a prêté sa voix à FIFA 98, c'est qu'on connaît un peu de monde...
Comment vous êtes-vous retrouvé à faire une voix pour le jeu FIFA 98 ? À l’époque, vous présentiez Les Z’amours, aucun rapport avec le foot…
C’est les représentants de EA Sport qui sont venus me chercher, ils aimaient bien mon côté un peu déglingué, hors norme. Et c’était quelque chose qui me plaisait parce que je ne savais pas du tout où on allait. On pouvait se permettre n’importe quoi aussi, puisque c’était une découverte. C’était la première fois qu’il y avait des commentaires dans les jeux FIFA ! C’était un peu comme le début des radios libres.
Ça se passait comment l’enregistrement ? Vous étiez avec les GG : Gilardi et Ginola.Avec Gilardi, on s’était régalés. On se passait la balle : « Oui bonjour, Thierry Gilardi… » On était physiquement l’un à côté de l’autre, et on a partagé des moments extraordinaires. Après, on enregistrait des salves un peu folles. Je faisais les avant-matchs, j’étais le présentateur animateur. Il y avait les deux spécialistes du sport, et moi je remettais un peu mon grain de sel, un peu de punch.
Vous deviez faire 50 fois les mêmes phrases, non ?Oui, même plus. T’enregistres ça comme une séquence audio, tu t’imagines dans le match : (il crie) « Olalalala mauvaise idée !! » Ce qui plaisait bien à EA Sports, ils étaient à Lyon à l’époque, c’est que je pouvais dire 50 fois la même chose d’une manière totalement différente. C’est important de faire pareil, mais différemment dans la vie, non ? Moi j’aime bien la langue française, et je prenais tous les mots qui voulaient dire la même chose : « c’est merveilleux ! » « c’est extraordinaire ! » « c’est fantabuleux ! » Et j’inventais des mots : « c’est vounderbar ! » J’y mettais le cœur à chaque fois, de toute façon je sais pas faire sans.
Vous dites dans le sport en général : « J’aime l’inattendu » . Quel est le fait « inattendu » qui vous a le plus marqué dans le foot ?
Dans le positif, c’est Monaco. C’est une équipe qui en veut, qui a mis une grosse claque au PSG cette année. Quand tu as un vrai esprit de groupe, que tu ne restes pas dans des individualités, tu es frais ! C’est une remarque qui marche pour toutes les branches de métier, le tien, le mien… quand tu n’as plus la fraîcheur, il faut que tu fasses autre chose. Ou que t’arrêtes. J’espère que j’aurai l’élégance de me retirer avant d’être défraîchi.
Ou avant de se blesser, comme Zlatan.Zlatan, c’est un rebondissement permanent. C’est le dernier pétillant du football. Dans le Sud-Ouest, on dit (il prend l’accent du sud) : « Mettre le cochon dans le maïs. » C’est-à-dire que tu fous le bordel partout ! Ibrahimović, tu ne savais jamais d’où ça allait sortir. Il traînait là, et d’un seul coup il y avait cette effervescence intellectuelle qui fait que paf ! Il réfléchissait plus. Tu te dis : « Qu’est-ce qu’il va faire, qu’est-ce qu’il va se passer ? » On peut faire le parallèle avec mon émission du midi, des fois je me dit : « Putain, mais qu’est-ce qu’il a dit lui, qu’est-ce qui vient de se passer ? » Et je me marre et je rebondis dessus. Zlatan, c’était le bon génie d’Aladdin. Il sort une lampe et « oh surprise » !
Vous dites dans votre autobiographie T’as une tache, pistache que vous aimez aussi Mathieu Valbuena, par le biais d’une comparaison assez jolie : « Il a dû travailler depuis toujours, vingt fois plus que les autres. Je n’imagine même pas les moqueries qu’il a dû subir, la force qu’il a dû trouver pour avancer. Lui, petit, moi avec ma tache. Lui le foot, moi la télé… chacun trouve trouve son exutoire, son moyen de s’exprimer. » Vous vous reconnaissez un peu en lui, en fait.
J’ai eu la chance de le connaître, et je pense effectivement qu’il a dû travailler plus que les autres. Il y a des choix humains, sportifs, mais tu ne peux pas empêcher que c’est une teigne. C’est un mec qui travaille, qui est pugnace… quand je te parlais du cochon dans le maïs, mais c’est un mec qui va se battre jusqu’au bout, quoi. Tant qu’il n’est pas claqué, il est debout sur le terrain. Il va balancer un coup franc, le gars il fait combien, 1m60 ? Tu te dis c’est lui qui vient d’envoyer ça ? Moi, je me bats toujours pour la différence, j’ai du respect pour ce gars-là, parce que tu n’as pas de génie sans travail. Dans le bouquin, je parle aussi de Jonny Wilkinson, le joueur de Toulon. Un jour, je vais à l’entraînement parce que je connais bien Bernard Laporte, tout le monde se barre quand c’est fini. Il est resté 1h pour taper entre les poteaux. De partout (Il dessine un arc de cercle avec sa main) De là, là, là. Tous les soirs, il faisait ça. Et il y avait le mec qui attendait derrière pour éteindre les lumières du stade.
Vous êtes très ami avec « la bande » – désormais ancienne – du PSG : Douchez, Jallet, Chantôme, Armand. Comment se sont-ils retrouvés sur le tournage de votre série Léo Mattei, Brigade des mineurs sur TF1 ?
Encore un truc de fou. C’était un mini pari, je trouvais ça rigolo. C’était la veille de partir à Barcelone (pour un quart de finale de Ligue des champions 2013, 1-1 résultat final). Là-bas, ils avaient fait match nul alors que le lendemain, j’étais dans L’Équipe en train de dire : « Au lieu de se préparer, il étaient avec moi sur le tournage. » C’est ce que j’appelle des vrais potes. Il s’étaient entraînés toute la semaine, ils avaient un jour de relâche. Ce jour-là, ils sont venus. Finalement, heureusement qu’ils n’ont pas perdu !
Ils étaient stressés ?Ah non pas du tout. Ça leur a même fait du bien. Ils avaient confiance en moi, donc c’était drôle, on s’est avant tout marrés.
Avant de suivre le PSG, vous avez été un grand fan du RC Lens, que vous avez découvert par le biais de votre amitié avec Gervais Martel… Vous vous êtes rencontrés dans un bar au Touquet, vous pouvez nous raconter ?Je suis dans un bar, je regarde la télé, c’était les championnats d’Europe d’athlétisme. Une course féminine. Et là je dis : « Ah, on est mal barrés. » Et tu connais Gervais Martel, il parle un peu. Comme ça. Tu. Tu sais ce que je veux dire. Donc je dis ça, et lui répond : « On. On n’a pas dit notre dernier mot. En sport. On. On sait jamais. » Et donc on commence à parler, à sympathiser, je lui demande ce qu’il fait dans la vie. « J’ai. J’ai un club de sport. » Moi, je ne le connaissais pas, dans mon idée je me disais qu’il avait un club d’aquagym, quoi. Je lui réponds : « Oh moi je suis dans l’audiovisuel. » La course part, la Française gagne. Il me regarde et me dit : « En sport. On. On sait jamais. » Voilà, et donc on commence à déconner, et aucun de nous deux ne savait qui était l’autre ! Gervais me paie un coup à boire, je lui paie un coup à boire, et il s’absente parce que sa femme arrive. Et il revient, pas pareil (il fait de grands yeux), sa femme lui avait dit : « Mais tu sais à qui tu parles ? » Et voilà, l’histoire a commencé comme ça, et il m’a fait aimer le Nord.
Vous l’avez dit ouvertement à Yves Calvi un matin d’avril 2014 sur RTL, vous n’étiez pas supporter du PSG avant l’arrivée des Qataris. Certains vous accusent de suivre le cours du vent… À vrai dire on ne sait pas si vous êtes supporter de Lens, de Paris, de Manchester United…Je vais suivre le club qui va m’étonner le plus. Parce que dans la vie, si tu ne surprend pas l’autre, t’es mort. T’as quelqu’un dans ta vie, non ?
Euh, ben plus maintenant…Bon, si tu es avec un mec ou une gonzesse sur une longue durée et que tu ne la surprend pas, tu vas te faire chier. Il y a une monotonie qui s’installe, et tu vas prendre l’air ailleurs. Et cette année, j’ai suivi Monaco tout le temps, j’étais super heureux pour eux.
La quasi-exclusivité que demande l’appartenance à un club, c’est une notion qui vous dépasse ?J’appartiens d’abord à la France. J’aime bien Deschamps, j’aime bien comment il mène sa barque. C’est comme une guêpe : il te tourne autour et d’un coup paf ! Il va te piquer. On peut voir ça dans sa dernière interview sur Benzema, il donne tout un truc et termine par « c’est pitoyable » . La sentence était tombée. Et j’ai trouvé ça vachement intéressant. Deschamps, on sait pas où il va, mais il y va. Pour moi, nos métiers se rejoignent. Quand on choisit nos métiers, c’est pour rassembler, gérer quinze émissions et des types qui ont des ego surdimensionnés. D’ailleurs, Bernard Laporte le dit bien : (il reprend l’accent du sud) « Un entraîneur, ça doit être entraînant. »
Propos recueillis par Théo Denmat