- Mort de Jean-Fournet-Fayard, ancien président de la FFF
Jean Fournet-Fayard, le pharmacien qui ne sut soigner le foot français
Jean Fournet-Fayard est mort hier. L’homme, qui a consacré une grande partie de sa vie au foot, fut pendant près de dix ans président de la FFF. Malheureusement, il s’agit plutôt d’une décennie noire pour le ballon rond dans l’Hexagone, entre le drame de Furiani, VA-OM et l’élimination des Bleus face aux Bulgares en 1993. À l’histoire de juger si ce fut ce brave notable lyonnais qui n’était pas à la hauteur des nouveaux enjeux ou l’époque qui se révéla un injuste et cruel concours de circonstances.
Commençons par ce qui caractérise souvent les grands dirigeants de son temps (ceux issus des Trente Glorieuses), Jean Fournet-Fayard fut d’abord un footballeur. Un amateur. Mais suffisamment doué pour être international junior, puis signer un petit contrat pro au SCO d’Angers. Rien de mirobolant, ce qui explique qu’il ait si bien su rebondir après un pépin de santé l’obligeant à renoncer à l’idée de vivre de ses crampons. Il deviendra donc pharmacien puis patron dans l’industrie du médoc. Une trajectoire classique d’ascension sociale dans les années 1950-1960 (le diplôme en guise de porte d’entrée vers un destin de petit notable dans le commerce de province). Pour le reste, il gravira les échelons de la Fédération en s’appuyant sur un petit fief lyonnais où alors aucun grand club ni Aulas ne peuvent lui faire de l’ombre.
Au mauvais endroit au mauvais moment
Avec en guise de consécration, en remerciement de son engagement et de son entregent au sein du conseil fédéral, son élection à la présidence de la Fédé en décembre 1984. La situation semble idéale, si ce n’est prometteuse. Les Bleus ont enfin brisé la malédiction internationale en remportant l’Euro au Parc des Princes. Certes aucune liesse populaire n’enflamma les rues de Paris, toutefois le foot tricolore ne faisait plus pitié, y compris chez nous, et même au contraire, porté par une génération bénie, il parvenait même deux fois, en 1982 et 1986, dans le dernier carré du Mondial. Jean Fournet-Fayard a de l’or entre les mains et de quoi faire fructifier ce qui constitue la principale vitrine (et fonction) de la FFF auprès de l’opinion.
C’est pourtant le début du cauchemar. La sélection nationale empile les contre-performances, et même la nomination de Michel Platini à sa tête ne suffira pas à conjurer ce mauvais cycle. Ce dernier finira même par démissionner faute du soutien et des réformes qu’il demandait, comme le passage à une L1 composée seulement de 18 pensionnaires pour hisser son niveau et moins fatiguer les potentiels capés. Davantage qu’un désaccord, il pointa l’impuissance de son N+1 à s’imposer face à la LFP ou prendre les décisions qui fâchent. Ce reproche de « centrisme » alors que la situation semble exiger des remèdes de cheval reviendra régulièrement ternir son image de bon gestionnaire – il obtient d’accueillir la Coupe du monde 1998 (il sera président du comité d’organisation bien que Platini en sera le véritable maître d’œuvre). Ce sera particulièrement évident lors du drame de Furiani – la Coupe de France étant l’autre fleuron de la FFF – avec à la clé un long procès dont il sortira avec un non-lieu, mais pas absous aux yeux des familles de victimes. Son cas sera un des révélateurs de la difficulté à repérer et sanctionner les diverses responsabilités dans la chaîne des causalités d’une telle tragédie.
De l’intendance à l’argent roi
Enfin, Jean Fournet-Fayard fut le spectateur des transformations économiques, et de mentalités, d’un foot pro hexagonal soucieux désormais de rivaliser avec ses homologues italiens, allemands, espagnols, voire anglais. L’avènement de Bernard Tapie offrit peut-être aux Olympiens, et à la France, son unique triomphe en Ligue des champions. Sauf que la contrepartie, cette grand-guignolesque affaire VA-OM, devait lui sembler aussi désastreuse qu’incompréhensible. Les principales évolutions lourdes du foot français semblent alors lui échapper, que ce soit la montée du phénomène ultra et supporters ou encore la fragilisation des petits clubs amateurs face aux questions de société (sans parler du foot féminin). Lorsqu’il démissionne après l’élimination tragique pour la Coupe du monde 1994, il confesse plus son désarroi face a son époque qu’il n’accable l’erreur de David Ginola, avouant être « lassé des coups reçus en première ligne pour le compte d’un football d’élite qui a explosé ces dernières années sous la poussée de l’argent et d’intérêts divers » .
Jean Fournet-Fayard avait voulu être le président d’un foot français gouverné entre gens honnêtes autour d’une bonne table entre bons amis du même monde. Il a été plutôt efficace dans ce registre. Ce n’était clairement pas suffisant.
Par Nicolas Kssis-Martov