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Jean Djorkaeff : « Banks a marqué son époque »
Sous le maillot de l’équipe de France, Jean Djorkaeff a croisé deux fois la route de l'Angleterre de Gordon Banks en 1966 et 1969. Deux défaites sans un seul pion des Bleus (2-0 et 5-0), dont une en phase de poules de la Coupe du monde remportée par les Three Lions. L'ancien défenseur français a accepté de partager ses souvenirs du mythique portier anglais.
Quels souvenirs gardez-vous de Gordon Banks ? Je ne vais rien vous apprendre, mais il a été un des tout meilleurs en Angleterre.
À notre époque, c’était un gars extraordinaire. Un gardien formidable. Ça fait toujours quelque chose d’apprendre le décès de quelqu’un qu’on a eu l’occasion de fréquenter sur un terrain de foot. Quand je pense à lui, je l’associe toujours à Lev Yachine, le gardien de l’URSS de la même époque. C’était vraiment deux très grands à leur poste.
Vous souvenez-vous du 20 juillet 1966 ? Oui, c’était la Coupe du monde en Angleterre ! Bien sûr !
Ce jour-là, vous faites partie de l’équipe de France qui affronte l’Angleterre de Gordon Banks, en phase de poules. C’est la première fois que vous croisez le portier anglais, avant de le retrouver trois ans plus tard en amical (défaite de la France 5-0). Oui oui, je m’en rappelle. Déjà, l’équipe anglaise était très impressionnante en 1966. C’était une des meilleures équipes au monde. Je me souviens qu’on avait beaucoup souffert, et qu’on avait perdu (2-0). Forcément, on retient Banks, car il faisait les différences permettant à son équipe de remporter des matchs.
Et il aura fallu attendre la demi-finale pour le voir encaisser un but contre le Portugal d’Eusébio, après 442 minutes d’invincibilité. (Rires.) Bah oui, c’était très costaud ! Ça montre bien qu’il faisait partie des meilleurs. Je ne sais pas si on peut dire qu’il était le meilleur au monde… Comme je l’ai dit, il y avait aussi Yachine, c’était la même génération. Puis il faut quand même dire que si Banks était très fort, il avait aussi une défense très solide. Une vraie bonne équipe autour de lui.
Forcément, quand on parle de Gordon Banks, on pense tout de suite au fameux arrêt du siècle devant Pelé à la Coupe du monde 1970.Oui, c’est normal ! Ça fait partie des moments marquants dans l’histoire du foot. Surtout que c’était face à Pelé, l’idole de tout un peuple. Peu importe l’âge ou le temps passé, il y a des images qui restent.
Mais ça serait dommage de le réduire seulement à cet arrêt. Quel style de gardien était Gordon Banks ?C’était un gardien capable de contrer un adversaire à tout moment, il pouvait faire des différences à chaque match. Il avait une certaine facilité de réaction, des réflexes extraordinaires. Mais attention, il était aussi nickel dans les sorties aériennes. Il était complet.
En dehors du joueur, comment était l’homme ? Aviez-vous pu échanger avec lui, avant ou après une rencontre ?C’était quelqu’un de très simple, malgré toutes les qualités et l’aura qu’il pouvait avoir.
Dans mes souvenirs, il était très discret. Ce n’était pas une grande gueule comme on dit, il avait vraiment l’air d’être un bon mec. Je dis ça, mais je ne le connaissais pas trop, on avait juste échangé quelques mots. Mais il suffisait de le saluer pour comprendre que c’était un bon mec.
On entend surtout parler de ses prouesses en sélection. Mais il a aussi marqué ses clubs, Leicester et Stoke City.C’était compliqué de voir toutes les images à l’époque, mais je pense qu’il n’avait pas ses qualités qu’en équipe nationale. C’est normal. Il faisait partie des gens qu’on n’entend pas beaucoup, mais qui se démarquent dans leur façon de jouer. Je trouve que c’est ça, la classe de Banks.
Quel héritage laisse-t-il au football ?Déjà, celui d’avoir gagné la Coupe du monde à la maison !
C’est quelque chose de formidable pour l’Angleterre, et c’est la première chose qu’on va retenir. Mais au-delà de son pays, il aura marqué son époque au niveau international. Pour moi, il fait partie des trois meilleurs gardiens de l’histoire du foot.
Et quel héritage aura-t-il laissé à son poste ? Quel gardien actuel pourrait lui ressembler, selon vous ?(Il réfléchit.) Qui pourrais-je vous dire ? Il y a de très bons gardiens aujourd’hui, mais je pense qu’on ne peut pas comparer. C’était une autre époque, le football a beaucoup évolué. C’est devenu plus physique, c’est différent. Ce n’est pas évident de faire la comparaison, on demande d’autres choses aux gardiens maintenant. Les conditions ont carrément changé. En fait, je trouve ça mieux de ne pas jouer à comparer. On avait des joueurs extraordinaires à l’époque et il en faisait partie, ça ne changera pas.
Propos recueillis par Clément Gavard