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Jean Denizot : « Deschamps, c’est vraiment un metteur en scène »

Par Matthieu Rostac
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Habitué « à poser des questions plutôt qu'à donner des avis très tranchés », le réalisateur Jean Denizot, dont le film La Belle Vie est sur les écrans depuis le 9 avril dernier, a quand même accepté de se confronter à l'exercice du Culture foot. Où il est question d'identité footballistique française, des Qataris, de l'inutilité de la domination de Lyon et de... Bernard Diomède.

Est-ce que vous supportez un club en particulier ?

Pendant longtemps, je n’ai pas supporté de club. J’ai supporté le PSG dans les années 90, quand j’étais au lycée. La grande époque du PSG : Alain Roche, Paul Le Guen, des mecs comme ça. Et comme après, la grande domination lyonnaise a commencé, je trouvais que ça n’avait pas grand intérêt. Oui, j’ai jamais trouvé dans cette décennie lyonnaise un quelconque intérêt. C’est là que je me suis totalement désintéressé du foot. Bon, je suivais quand même les matchs des Bleus. Et ensuite, je ne vais pas répéter tout ce que tout le monde a dit, mais le championnat de France a pris des couleurs avec le nouveau PSG. Ça pose des questions, quand même. C’est à l’image de l’Angleterre que de recevoir des gens qui viennent du monde entier, de n’avoir plus qu’un seul Anglais dans son effectif. C’est très anglo-saxon comme tempérament. Nous, ce n’est pas tout à fait notre culture. Du coup, ça va changer l’avenir du championnat de France et de l’équipe de France. Mais c’est l’avenir, je le sais.

Changer, d’accord. Mais en bien ou en mal ?

Je ne sais pas. C’est très excitant de voir un mec comme Zlatan mettre des buts incroyables, et de nombreux buts ! D’avoir une équipe résolument offensive, quoi. Mais la France va se retrouver avec des équipes de mercenaires. C’est le foot moderne. C’est bien, ça donne du niveau. C’était triste de voir depuis des années des équipes françaises buter en quarts de finale en Coupes d’Europe.

Vous avez dit ne pas trouver d’intérêt à Lyon. Pourquoi ?

C’est une équipe sans véritable aspérité. Il y avait les brésiliens, mais bon, c’était d’un ennui… Après, c’est l’enchaînement des victoires qui fait l’ennui, le manque d’adversaire. Lyon n’y est pas pour grand-chose.

C’était plus plaisant en Ligue des champions, peut-être ?

Oui, encore qu’ils n’ont jamais vraiment dépassé les quarts de finale. C’est dur de dire ça, mais je me pose toujours la question de la personnalité des clubs. Ça se passe à pas grand-chose : à un bon avant-centre, un bon stoppeur, à un gardien de but charismatique. Et Lyon, c’étaient des joueurs lisses, plutôt timides. Alors qu’avec le PSG de maintenant, d’abord ils sont très performants et ensuite, ils ont des personnalités incroyables. L’Argentin, l’Uruguayen… C’est sexy ! Après, c’est troublant parce que Blanc parle toujours des « gens du Qatar » . Qu’est-ce que ça veut dire « les gens du Qatar » ? Ce sont des gens qui, tout petits, partent en Angleterre faire des études. Ce sont des gens qui connaissent sans doute mieux la France que moi. Donc ça ne veut rien dire. Ce sont des investisseurs au service d’un pays – je ne dirai pas nation parce qu’il n’y a pas de nation qatarie. Le PSG défend le blason d’un pays étranger.

Ils défendent surtout les intérêts d’un consortium. Ils installent une marque, non ?

C’est vrai. J’ai rencontré un Qatari cet été en Roumanie, il faisait du tourisme. Je lui ai dit que je venais de Paris et le mec m’a dit : « Ah oui, le PSG, c’est une grande fierté pour nous ! » Ça m’a fait tout drôle. Pour lui, c’était comme un cheval de Troie, comme si le Qatar avait acheté Paris. Alors qu’on ne verra jamais un Russe dire qu’il est fier qu’un milliardaire de son pays ait acheté un club de foot. La fierté, elle est ailleurs chez les Russes. C’est un peu étrange. C’est la marque d’une puissance financière. Ils ont acheté un nom, par la même occasion une ville. Une ville-lumière, de surcroît. C’est du business.

C’est l’avenir du football, en quelque sorte ?

Oui, à moins d’une crise, d’une raréfaction. D’ailleurs, je me posais la question : est-ce que ça a encore beaucoup de sens de faire encore des équipes nationales ? L’équipe de France, pour la plupart, ils ne jouent plus en France, n’habitent plus en France, ils vont faire toute leur carrière comme ça, à moins que le PSG rachète quelques joueurs pour les ramener. Pendant longtemps, la France était une vitrine de la formation. C’était une fierté.

Vous savez que le centre de formation qui possède le plus de joueurs au haut niveau actuellement, c’est Lyon ?

Parce qu’ils ont eu une très forte période de succès pendant longtemps. C’était un cercle vertueux. Mais ça va se terminer. C’est quelque chose auquel j’ai pensé après la Coupe du monde 2010. C’était la défaite d’une équipe de mercenaires alors que pendant longtemps, c’était une fierté d’être en équipe de France. C’était l’acmé, on payait le prix. Quand je vois Zidane ému aux larmes de voir son fils sélectionné chez les jeunes en équipe de France comme pouvait l’être son père dans les années 90, je me dis que c’est quelque chose qui se perd.

Vous croyez toujours en l’équipe de France ?

Oui. Déjà, j’adore Deschamps. J’adore son esprit, son humilité. Pour moi qui suis réalisateur, c’est vraiment un metteur en scène. Quelqu’un qui se met au service des autres, qui réconcilie les gens et puis, quelqu’un qui a tout gagné. J’aime bien ce qui se passe avec les jeunes comme Pogba. Des travailleurs, des mecs qui la ramènent pas. Mais bon, est-ce que ça fait sens d’avoir une équipe de France ? Un jour, les dirigeants de club diront : « Pourquoi laisserait-on partir nos joueurs ? Ce sont nos employés ! Si ça valorise le bonhomme, d’accord, mais s’il se blesse ? Moi, j’ai un calendrier lourd, etc. » Comme c’est le cas en basket américain avec Tony Parker qui ne peut pas partir en équipe de France à cause de son club. Je dis ça aussi parce qu’à l’époque, l’équipe de France, c’était la sélection des meilleurs joueurs du championnat de France. Maintenant, ce sont des gens qui ne se connaissent, qui ne jouent jamais ensemble, sauf pendant des stages par-ci par-là. Ils n’ont pas de passé ensemble, de culture de jeu commune. À moins de faire une équipe européenne qui affronterait les autres pays. Du type Europe contre Argentine. Bon maintenant, est-ce que l’Europe, ça a du sens ? Et quelle Europe ? Celle de l’UEFA ? Celle de l’UE ? Non, en fait, ce serait un sacré merdier. Ça serait pas une bonne idée !

Vous avez mentionné le grand PSG des années 90, mais pas les joueurs les plus sexy, puisque vous avez parlé de Roche et Le Guen. Pourquoi ?

Parce que j’étais défenseur quand je jouais au foot. J’aimais bien la rigueur de ces mecs, leur régularité. Après, c’est vrai que les flamboyants, c’étaient Djorkaeff, Ginola. Et puis Raï. J’adorais Raï. D’un coup, il y avait cette étrangeté d’avoir des Brésiliens sur le terrain. C’est eux, avec Marseille, qui ont donné les premières touches de couleur d’une mondialisation du football en France. Je reviens sur Djorkaeff parce qu’un mec pareil, assez décrié, qui a trente ans en 1998, se retrouve à jouer la finale de la Coupe du monde et la gagne. Pareil pour Guivarc’h, un avant-centre qui ne plante pas un seul but, quand même ! Même le copain de Zidane, là, Dugarry. Et même Franck Lebœuf qui s’est, finalement, révélé très tard.

Et Bernard Diomède…

Attention, on dit pas du mal de Bernard Diomède ! C’est un mec de Saint-Doulchard, à trente kilomètres de chez moi ! Je ne sais pas qui d’autre est connu dans le département du Cher… C’est la seule star de mon département donc faut bien que je le soutienne. (rires)

Y a-t-il un joueur qui vous inspire dans votre travail de réalisateur ?

Oui, je peux le dire. En tant que réalisateur, j’essaie toujours de travailler sur le rythme et je repense toujours à ce que disait Zidane là-dessus. Le rythme, c’est pas une histoire de vivacité, de rapidité, mais de tempo. Il faut tout le temps alterner la rapidité et la lenteur pour casser les jambes de l’adversaire, pour le surprendre. C’est un génie du rythme qui raconte une histoire en tapant dans un ballon.

Un storyteller du pied, en quelque sorte ?

Et de la tête, aussi ! Doublement ! (rires)

La Belle Vie de Jean Denizot, avec Zacharie Chasseriaud, Solène Rigot et Ncolas Bouchaud. Sortie le 9 avril.

Totò Schillaci, pour une nuit éternelle

Par Matthieu Rostac

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