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« Il y a des gars en district qui s’attendent à voir Clément Turpin tous les week-ends »
Jeune papa, jeune agriculteur et tout récent vainqueur de la Coupe de France des arbitres à 29 ans, Jean Darolles sera honoré sur la pelouse du stade Pierre-Mauroy de Lille avant la finale de la Coupe de France entre le PSG et l’Olympique lyonnais. Arbitre depuis 11 ans, il nous apporte un regard sur la situation de l’arbitrage en France.
Tu es lauréat de la deuxième édition de la Coupe de France des arbitres La Poste, est-ce que tu peux nous expliquer en quoi ça consiste ?
Les premiers tours ce sont des quiz, à la maison, interactifs. L’an dernier, il y avait pas mal de QCM, des vidéos avec des situations à visionner, sur le principe de réponses à choisir. Il fallait décider s’il y avait carton ou pas, sa couleur, s’il y avait hors-jeu… Il y a eu plusieurs tours et ceux qui réussissaient le mieux passaient à la phase terrain. On allait arbitrer un match de notre catégorie, et on faisait notre match avec un observateur neutre pour arbitrer un duel entre les deux arbitres. Et selon la grille de notation de la compétition, tel arbitre remplit plus les critères que l’autre, voilà comment on était départagés.
Grâce à ça, tu vas avoir l’opportunité de faire un stage avec François Letexier…
Alors, je devais faire un stage avec François Letexier, à partir de vendredi dernier, mais j’ai une sortie de maternité à assurer ! Je me rendrai seulement sur Lille samedi pour la remise des récompenses, mais je ne peux pas faire le stage en immersion. En revanche tous les quarts-de-finalistes ont gagné un stage de deux jours à Clairefontaine en septembre lors du rassemblement des arbitres Elite. On a aussi eu des cadeaux, pour nous et nos clubs. (Il est rattaché à celui de l’US De Bérat, NDLR.)
4 678 𝘪𝘯𝘴𝘤𝘳𝘪𝘵𝘴, 1 𝘴𝘦𝘶𝘭 𝘷𝘢𝘪𝘯𝘲𝘶𝘦𝘶𝘳… 🥇
Félicitations à 𝗝𝗲𝗮𝗻 𝗗𝗮𝗿𝗼𝗹𝗹𝗲𝘀 (@LigueFootLFO), désigné grand 𝗩𝗔𝗜𝗡𝗤𝗨𝗘𝗨𝗥 de la 2e édition de la 𝗖𝗼𝘂𝗽𝗲 𝗱𝗲 𝗙𝗿𝗮𝗻𝗰𝗲 𝗱𝗲𝘀 𝗮𝗿𝗯𝗶𝘁𝗿𝗲𝘀 𝗟𝗮 𝗣𝗼𝘀𝘁𝗲 ! 🙌
Il recevra son trophée, avec… pic.twitter.com/cnUOOnfgjB
— FFF (@FFF) May 24, 2024
Arbitre de Régional 3, jeune papa et aussi agriculteur, il faut trouver le temps pour arbitrer dans ton emploi du temps !
Oui ! Surtout que dans mon cas, je suis agriculteur « double actif », c’est-à-dire que j’ai un métier à côté pour payer mes factures. Donc on jongle un peu, mais on arrive à trouver du temps, à trouver un équilibre, mais quelques fois ce n’est pas facile.
Tu dois vraiment aimer l’arbitrage pour y consacrer autant de temps. Qu’est-ce qui t’attire là-dedans ?
Je me suis toujours retrouvé dans le rôle de l’arbitre. Quand j’étais joueur, j’étais gardien de but, un poste individuel dans un sport collectif. Et il y a un parallèle à faire avec l’arbitrage parce qu’on forme un collectif avec les adjoints, mais on est quand même un peu tout seul face à ses propres responsabilités et à sa prise de décision, comme pour un gardien de but.
La situation des arbitres, leur rôle, leur place dans le jeu sont beaucoup évoqués. Comment juges-tu cette considération ?
Moi, je trouve qu’il y a un manque d’éducation du grand public et des joueurs à des comportements, des façons d’être… Je suis abonné au Stadium de Toulouse, il y a des fois, on entend des choses en tribunes alors que le gars sur le terrain a pris la bonne décision. Il ne pouvait pas faire mieux, mais il se fait incendier parce que les gens ne connaissent pas ou ne comprennent pas les points de règlement. C’est dommage qu’il n’y ait pas plus d’éducation sur ces points. Pendant une année où j’étais blessé, je me suis occupé du coaching d’une équipe de jeunes de mon club, j’avais une approche pédagogique sur les lois du jeu auprès des petits.
<iframe loading="lazy" title="En immersion avec Jean Darolles, arbitre amateur, lors de son 8ème de finale de CDFArbitres La Poste" width="500" height="281" src="https://www.youtube.com/embed/e5yWKW_CtG4?feature=oembed" frameborder="0" allow="accelerometer; autoplay; clipboard-write; encrypted-media; gyroscope; picture-in-picture; web-share" referrerpolicy="strict-origin-when-cross-origin" allowfullscreen></iframe>
Concernant l’éducation possible du grand public, est-ce que tu penses que la sonorisation des arbitres peut y contribuer ?
Ça peut l’être dans certains cas, mais ce qui pourrait être intéressant, ce serait de faire comme au rugby, qu’on entende tout, mais vraiment tout. Ça pourrait être bénéfique pour les joueurs, les téléspectateurs aussi. Mais est-ce que les joueurs sont prêts à être entendus ? Est-ce que les arbitres sont prêts à être écoutés ? Les échanges entre arbitres lors de l’intervention de la vidéo, entendre les avis qui divergent ou pas, ça pourrait être intéressant à mettre en place.
On parle aussi des incivilités en recrudescence jusque dans le monde amateur. Tu le ressens, ça aussi ?
Oui. Je suis membre de la commission départementale d’arbitrage de ma région, je suis les dossiers quand ils passent, et c’est vrai que ça se multiplie. Des petites choses, mais qui commencent à faire beaucoup. Insultes, menaces, on ne va pas dire que c’est quotidien, mais presque. L’année dernière, on a eu une agression physique très violente en Haute-Garonne, moi ça ne m’est jamais arrivé à ce point.
Tu as déjà eu peur, toi ?
Sur le terrain non, mais parfois dans le vestiaire, ça m’est déjà arrivé de me dire : « Comment je vais arriver jusqu’au parking ? » Souvent, on reste au vestiaire, on attend un peu que la situation se calme, que les spectateurs partent, et on sort. La région Occitanie a mis en place des interventions arbitrages dans certains clubs, ça permet d’avoir des discussions hors terrain avec les acteurs du foot, avec des questions pertinentes, et quand on prend le temps d’expliquer, tout va mieux. Il y a des gars en cinquième division de district qui s’attendent à voir Clément Turpin ou Benoît Bastien tous les week-ends, eh bien non, quand on est en bas de l’échelle on a les arbitres qui correspondent, il faut leur laisser le temps, tout le monde peut se tromper, ça fait partie de l’apprentissage.
Est-ce que tu as un message à faire passer aux aspirants arbitres ?
Ceux qui n’ont encore jamais sauté le pas, faites-le, allez-y. Essayez, faites une formation, prenez un sifflet, même si ça ne plaît pas, ça ne dure pas, c’est toujours une éducation. Je connais beaucoup de gens qui ont tenté, ils ont arrêté parce que ce n’était pas fait pour eux, mais a posteriori on sent une amélioration dans le jeu, sa compréhension, leur approche… ça leur a apporté quelque chose, du bonus, il faut être curieux.
Propos recueillis par Maxime Verhille