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Jean Butez : « J’ai pris une autre dimension dans mon but »

Propos recueillis par Julien Denoël, à Anvers
10 minutes

Dans un championnat sponsorisé par une marque de bière et réputé pour la formation de ses gardiens de but, c’est pourtant un Français qui incarne ce qui se fait de mieux actuellement en Belgique. À l’Antwerp depuis 2020, Jean Butez est à 27 ans prêt à franchir une étape supplémentaire et à rejoindre un grand championnat. Avant l’équipe de France ?

Antwerp's goalkeeper Jean Butez, Eintracht's Sam Lammers and Antwerp's Dorian Dessoleil pictured in action during a soccer game between Belgian Royal Antwerp FC and German Eindracht Frankfurt, Thursday 30 September 2021, in Antwerp, on the second day (out of six) of the Europa League group stage, in the Group D. BELGA PHOTO KRISTOF VAN ACCOM
Antwerp's goalkeeper Jean Butez, Eintracht's Sam Lammers and Antwerp's Dorian Dessoleil pictured in action during a soccer game between Belgian Royal Antwerp FC and German Eindracht Frankfurt, Thursday 30 September 2021, in Antwerp, on the second day (out of six) of the Europa League group stage, in the Group D. BELGA PHOTO KRISTOF VAN ACCOM By Icon Sport

Tu as déjà signé un 23e clean sheet cette saison. Est-ce qu’on peut dire objectivement que tu es le meilleur gardien de Belgique ?

(Rires.) Statistiquement oui, mais c’est toujours difficile de répondre à cette question. C’est vrai qu’avec ces stats, on est de loin la meilleure équipe au nombre de clean sheets, mais ce n’est pas uniquement grâce au gardien de but, il y a tout un travail collectif bien avant ça. Il faut voir aussi la statistique d’une équipe qui concède le moins d’occasions, ce qui aide à faire plus de clean sheets. Savoir si je suis le meilleur gardien de Belgique, c’est difficile pour moi de me positionner.

L’an dernier, tu avais signé 16 clean sheets. Qu’est-ce qui explique cette progression sur un an ?

Déjà, on se connaît tous déjà plus en tant qu’équipe, même s’il y a eu des arrivées cette saison, dont des joueurs d’expérience qui amènent plus de stabilité dans l’équipe. On a plus la possession du ballon, ce qui nous permet de concéder moins d’occasions et d’être plus loin de notre but. Personnellement, j’ai pris une autre dimension dans mon but, que ce soit par la confiance, le leadership ou par mon jeu en général.

Dans ces joueurs d’expérience, on peut citer l’ancien international belge Toby Alderweireld. Tu sens la différence avec lui ?

Oui, dès le départ, on a senti toute son implication dans l’envie d’aller chercher toutes les victoires. Tous les matchs sont importants avec lui. C’est notre capitaine, et il est très important pour nous. Rien que son nom fait aussi peur à l’adversaire. C’est quelqu’un avec une carrière exceptionnelle et on commence à avoir un lien intéressant en tant que gardien et défenseur. L’été à l’Antwerp a été très ambitieux. Il y a eu l’arrivée d’Alderweireld dans le groupe, mais aussi celles de Van Bommel à la tête de l’équipe et de Marc Overmars comme directeur sportif.

Comment le groupe a-t-il perçu ça ?

Avec ambition. L’arrivée de concurrence à certains postes n’a fait qu’améliorer la qualité du groupe. Pour certains joueurs, cela a été plus difficile de rester et de garder leur place, mais ça fait partie du jeu quand on a des ambitions en tant que club. Le président (Paul Gheysens) a décidé de prendre un virage assez intéressant en prenant Overmars, puis Van Bommel, avec une touche un peu plus hollandaise, mais c’est de la qualité, et on le voit actuellement avec notre finale de coupe et la troisième place en championnat et les play-off qui sont atteints, ce qui reste un objectif assez important dans une saison.

Quel genre de coach est Mark van Bommel ? Il est différent du joueur qu’on connaissait ?

C’est un caractère totalement opposé à ce qu’on avait l’habitude de voir sur le terrain, et c’est une force chez lui aujourd’hui de savoir rester très calme. Il est très proche de ses joueurs dans le vestiaire. Il sait parler à chacun de la bonne manière, avec la bonne psychologie propre à chaque personne. On ne va pas parler de la même façon à Toby Alderweireld qu’à Arthur Vermeeren (l’espoir de 18 ans, NDLR) ou qu’à Ritchie De Laet (le vétéran qui a fait le tour de l’Angleterre avant de revenir dans son club formateur, NDLR). Le coach l’a très bien compris et le fait très bien. Il sait tirer le maximum de chaque joueur et les piquer quand c’est nécessaire. C’est un coach très intelligent et aussi très compétent sportivement.

Dans ta carrière, tu as déjà eu des coachs de plein de nationalités différentes : Danois, Belges, Français, Allemands… Est-ce que tu sens une touche néerlandaise avec Van Bommel ?

Je n’avais jamais connu de coach hollandais auparavant et je ne regarde pas beaucoup leur championnat, donc je ne peux pas vraiment dire ce qu’est la touche hollandaise. C’est vrai qu’il y a un staff technique presque exclusivement néerlandais, mais à part ça… Avec lui, il y a un jeu de position, un jeu offensif avec l’envie de marquer beaucoup de buts tout en étant très solide défensivement, ce qui fait la force d’une grande équipe. On travaille dans les deux surfaces en essayant de repartir proprement de derrière, en trouvant des lignes de passes intéressantes et l’homme libre.

Le poste de gardien peut sembler ingrat pour certains, mais il n’est que plus beau quand on réussit à être décisif dans un match.

Jean Butez

Comment devient-on gardien ? A priori, ce n’est pas le poste qui fait le plus rêver quand on est gamin.

Pour moi, ça a été un peu un concours de circonstances. J’étais à la fois gardien et joueur de champ dans mon club de village (le FC Merris, NDLR) et j’ai été recruté par le LOSC (à 8 ans, NDLR) tant comme gardien que comme joueur, ayant fait les tests aux deux postes. Mais c’est comme gardien que je me suis fixé à Lille. Le choix d’être joueur ne s’est plus posé, et c’est parti de là, même si j’avais déjà des aptitudes pour ce poste. Avoir été joueur m’a peut-être permis d’avoir un peu plus de facilité dans le jeu au pied et d’être plus à l’aise dans ce domaine. Voilà comment ça s’est fait, ce n’est pas vraiment explicable d’aimer ce poste. Ça peut sembler un poste ingrat pour certains, mais il n’est que plus beau quand on réussit à être décisif dans un match.

Comment s’est passée ta formation à Lille ?

Génial. Pas toujours facile, mais j’en garde de sacrés souvenirs avec des coachs performants. On était déjà dans les détails sur tout ce qu’on faisait, très travailleurs, et ça me plaisait beaucoup. Je ne suis pas parti avec le maximum de chances dans chaque catégorie d’âge, mais j’ai toujours réussi à passer les étapes. C’était un parcours semé d’embûches, mais ce sont des bons souvenirs, à Luchin notamment. C’est une chance d’avoir eu cette formation dans l’un des meilleurs centres de France.

Pourquoi n’as-tu pas percé en équipe première ?

Il y a un certain Mike Maignan qui est arrivé. (Rires.) Non, mais je n’étais pas prêt à cette époque-là, il faut savoir le dire. Je n’avais pas forcément le recul pour me l’avouer, mais c’était une période où je n’étais pas encore prêt mentalement et physiquement à jouer en équipe première, ce qu’était Mike Maignan quand il est arrivé du PSG. J’ai été un petit peu son numéro 2 pendant 6 mois avant de venir en prêt à Mouscron. Ce qu’il m’a manqué, ce sont quelques mois, peut-être une année. J’aurais pu revenir après Mouscron, mais la place était bouchée. Ça a été un très bon choix de m’expatrier en Belgique, à Mouscron (en prêt en 2017-2018, puis transféré en 2018, NDLR), puis à l’Antwerp (à l’été 2020, NDLR).

 

BELGA PHOTO YORICK JANSENS / Photo by Icon Sport
BELGA PHOTO YORICK JANSENS / Photo by Icon Sport

Quand on te parle de Mouscron pour un prêt, tu penses quoi ?

Il n’y avait pas encore le projet de faire de Mouscron le club satellite du LOSC. Je suis même allé faire un test, car en étant un gardien français un peu inconnu, en Belgique, ils avaient besoin de références. Le test a été concluant, mais je n’avais même pas démarré la saison comme numéro 1, parce que Logan Bailly était arrivé du Celtic, et je m’étais battu avec lui, puis Olivier Werner, avant de prendre la place et de ne plus la lâcher jusqu’à ce que je signe à l’Antwerp. Ce fut énormément d’apprentissages.

En signant à l’Antwerp, tu as appris à prononcer le nom de la ville correctement en français ?

Oui, c’est ça, au début je disais « Envers », et puis on m’a vite repris (le « s » final d’Anvers se prononce, NDLR), et le réflexe est venu plus rapidement que prévu. (Rires.)

Tu te sens prêt à franchir une nouvelle étape et à rejoindre un plus grand championnat cet été ?

Oui, complètement. Ça discute un peu, comme à chaque mercato. Il y a des convoitises et de l’intérêt de certains clubs, pas que pour moi. Ça fait partie du football et c’est plutôt bien. Maintenant, c’est toujours compliqué de parler de ça quand on a encore plein de choses à jouer ici cette saison.

Dans l’hypothèse où il y aurait des offres et que tu recevrais ton bon de sortie, est-ce qu’il y a un championnat qui te ferait rêver ?

C’est aussi le style de l’équipe qui compte. L’Allemagne me fait bien rêver, parce qu’on pourrait comparer ça un peu à la Belgique, mais j’aime aussi beaucoup la France parce que je suis français et que je n’ai jamais pu jouer dans cette ligue-là. L’Espagne également, car c’est un jeu de possession qui peut convenir à mon jeu au pied.

C’est plus intelligent de ma part de d’abord penser à jouer dans un club d’un championnat du top 5 européen avant de prétendre à l’équipe de France.

Jean Butez

Tu conseillerais aux Français de venir se lancer en Belgique ?

Oui, complètement. J’ai l’impression qu’en France, surtout, on sous-estime et on ne regarde pas trop en Belgique, alors que c’est un championnat très intéressant. Aujourd’hui, les clubs belges font mieux que les clubs français sur la scène européenne. Il y en a encore trois (Union, La Gantoise et Anderlecht) contre un seul français (Nice). C’est un championnat avec un niveau intéressant et pour un jeune joueur qui ne preste pas en France, je lui conseillerais avec beaucoup d’entrain de venir en Belgique, dans n’importe quel club.

En mars, il y a eu la sélection de l’équipe de France. Avec les retraites de Lloris et Mandanda, tu pensais dans un coin de ta tête pouvoir être appelé ?

J’étais très déçu, oui… Non, je déconne ! (Rires.) On m’en a parlé, et c’est vrai qu’il y a eu un papier dans L’Équipe citant mon nom, mais je n’imaginais aucunement Didier Deschamps faire appel à moi. C’est plus intelligent de ma part de d’abord penser à jouer dans un club d’un championnat du top 5 européen avant de prétendre à l’équipe de France.

Mike Maignan, que tu as connu à Lille, a été choisi comme nouveau titulaire. Que penses-tu de ce choix ?

Ça va peut-être paraître prétentieux, mais j’ai toujours dit depuis que je l’ai connu à Lille que ce serait le futur numéro 1 de l’équipe de France. C’est un gardien qui a tout, qui a beaucoup évolué depuis son passage avec Christophe Galtier et qui fait maintenant partie des meilleurs du monde. Ses performances ont montré que c’était le bon choix pour les prochaines années. Je lui souhaite tout le meilleur et je suis certain qu’il ira le chercher. C’est un travailleur, il a le charisme, il a tout, il est complet. C’est aussi un exemple pour moi.

Étant là depuis 2017, tu pourrais aussi demander la nationalité belge. Tu penses aux Diables rouges ?

Non, je ne peux pas encore parce que j’étais encore résident français quand je jouais à Mouscron. Je vivais toujours à Lille. Je ne suis résident belge que depuis que je suis à Anvers, donc il faudrait attendre encore un peu. (Rires.) Au-delà de ça, je n’y ai jamais pensé. Il y a peut-être des chances que je reste encore assez, car mon contrat va jusque 2026. On verra bien si je suis encore là. Les Diables rouges, pourquoi pas. Mais je reste encore bien français et fier de l’être, donc jouer pour la Belgique, ce serait quand même difficile.

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Propos recueillis par Julien Denoël, à Anvers

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