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« Je suis allé chez Sylvain Monsoreau, c’était fantastique »
Antoine à la batterie, Julien à la guitare, Tim à la basse et Jean-Noël au chant, quatre-vingts ans à eux quatre, forment Last Train, la grosse sensation rock français de 2015. Avant de mouiller le maillot sur scène, où ils ont enchaîné une centaine de concerts dans l'année, c'est sur les pelouses que le quatuor a sué. Et un peu dans les travées du stade Bonal de Sochaux.
Quels sont vos rapports au football ?Tim : J’ai joué pendant dix ans à Aspach, un petit club du Haut-Rhin. On perdait assez souvent, mais plusieurs fois par an, ils nous emmenaient voir des matchs à Strasbourg, quand ils étaient en Ligue 1. Époque Danijel Ljuboja.Jean-Noël : J’ai joué une demi-finale de coupe du Haut-Rhin sous les couleurs du FC Dannemarie. Du coup, j’allais aussi voir jouer Strasbourg. En plus de Ljuboja, on a aussi eu droit à Pagis et Niang, c’était pas mal. Et la Meinau est vraiment un beau stade. Après, lorsqu’on habitait à Montbéliard, où on était tous en BTS audiovisuel, on est allés à Bonal, voir des matchs en parcage avec les supporters strasbourgeois. Les mecs étaient torse nu par -2°C. Dans leur tête, c’était la guerre.
Et toi, Julien, tu es supporter du FC Sochaux-Montbéliard. Comment on en arrive là ?Julien : C’est une histoire familiale. Nous vivions à vingt kilomètres de Sochaux, et mon grand-père s’occupait d’un petit club du coin, l’AS Audincourt. C’est lui qui amenait Benoît Pedretti au centre de formation. Donc enfant, j’allais beaucoup au stade Bonal. L’ambiance, le monde, tout cela me faisait rêver.
Par la suite, tu as suivi le FCSM en déplacement ?Julien : Pas torse nu comme les mecs de Strasbourg, mais ouais. C’étaient des moments assez difficiles. Je me souviens d’un Lyon-Sochaux lors duquel on menait 3-1. Puis Wiltord est entré en jeu, et ils sont revenus à 3-3 dans les arrêts de jeu. Deux minutes avant, on chantait « Mais ils sont où les Lyonnais ? » … J’étais aussi à un match à Nîmes, en Coupe de France. Je m’attendais à une victoire facile. Et là aussi, on a mené 3-1 avant de se faire égaliser, puis éliminer aux tirs au but. En 2003, j’étais au Stade de France, pour la finale de la Coupe de la Ligue contre Monaco. On s’est pris une branlée monumentale (4-1). Antoine : Moi, en revanche, j’étais à la finale contre Nantes, la saison d’après. Celle que Sochaux gagne aux tirs au but. J’étais très content, parce que dans le train, on nous avait distribué des petits trucs à agiter, avec écrit « but pour Sochaux ! » dessus. Et je ne pensais pas autant les utiliser. C’est la finale durant laquelle Landreau a raté sa Panenka face à Richert.
Tu as vingt ans, donc le Sochaux de ton enfance, c’est celui de Pedretti ?Julien : Oui, mais aussi de Monsoreau, Richert, et surtout, le duo Frau-Santos. Et puis Pagis, ensuite. Ça, c’était vraiment de belles années, avec quelques beaux matchs de Coupe d’Europe. Le 4-0 contre Dortmund, le 2-2 contre l’Inter…
Dans ta chambre, il y avait des posters de joueurs de Sochaux ?Julien : Ouais, bien sûr. Mais surtout, ma tante habitait un étage en dessous de chez Sylvain Monsoreau, à Audincourt. Du coup, je suis allé chez lui, une fois. Son appartement était assez simple, ce n’était pas l’opulence. J’étais tout môme, il m’avait fait une dédicace, c’était fantastique.
Dans son dernier album, Booba dit qu’il « préfère jouer à la Play qu’à Sochaux en D2 » . Qu’est-ce que t’as à répondre à ça ? Julien : Il a un petit peu raison, malheureusement. Mais il faut toujours y croire. Supporter un jour, supporter toujours. Mais en ce moment, c’est dur, on est presque relégables.
Tu sais qui est le président du FCSM, depuis que les Chinois ont racheté le club ?Julien : Je connaissais « le gros Plessis » , mais maintenant, je ne sais pas qui c’est (il s’agit du Suisse Ilja Kaenzig, ndlr). En ayant grandi dans le coin, je me suis forcément intéressé à l’histoire du club, et donc à la relation avec Peugeot, avec le stade à deux pas de l’usine. Et c’est vrai que depuis que les Chinois sont arrivés, j’ai un peu lâché. Il y a des gens à qui ça plaît, moi je trouve ça un peu triste. L’équipe perd une grande partie de son identité. Le club d’une ville de 20 000 habitants, supporté par une petite usine locale devenue ensuite une multi-nationale, c’était cool. Sochaux, à la base, c’est un club d’ouvriers qui jouaient en sortant de l’usine.
Quelque chose de culte à Sochaux, c’est cette banderole du fan club de Michaël Isabey, accrochée derrière un des buts. Dis-nous que c’est toi qui l’a posée.Julien : Malheureusement, non. Mais c’est vrai qu’elle est restée très longtemps, cette banderole. Isabey était vraiment un joueur élégant, un de ceux qui ont fait mon enfance. Ses contre-attaques menées avec Pedretti, c’était pas rien ! Quand il montait, avec Frau et Santos sur les côtés, tu savais que ça allait faire mal ! Pedretti avait une grosse qualité de passe, notamment sur les transversales, et c’était un peu la même chose pour Isabey. Il pouvait renverser le jeu d’un coup, c’était assez « fat » .
En ce moment, Francis Gillot donne des interviews dans lesquelles il dit que les critiques envers lui en France ne sont pas justifiées. Tu as envie de le défendre, toi qui l’as bien connu à Sochaux ?Julien : C’est vrai qu’il a fait de bonnes choses à Sochaux, mais j’étais plus fan de Guy Lacombe. Même Hervé Renard occupe une plus grande place dans mon cœur que Francis Gillot. Sa série de matchs durant laquelle il reste quasiment invaincu, c’était super. Après, je soutiens Gillot parce que je soutiens tous les gens qui ont œuvré pour la réussite de mon club.
Aujourd’hui, qu’est-ce qui pourrait sauver le FC Sochaux-Montbéliard ?Julien : Les Chinois pourraient mettre plein de fric. Ça ne serait pas très joli, mais ça permettrait de recruter un peu. Mais le plus important dans le foot, c’est l’état d’esprit. Une petite Coupe de France pourrait ranimer la flamme, mais le plus important, c’est de remonter en L1.
Supporter un club qui lutte pour son maintien en Ligue 2, c’est pas un des trucs les plus rock’n’roll du monde ?Julien : C’est un truc de rock alternatif, ouais. En tout cas, c’est une belle preuve d’amour. Supporter son petit club d’enfance, plutôt que se mettre à supporter le PSG et ses quinze points d’avance, c’est rock’n’roll, ouais.
Propos recueillis par Mathias Edwards