- Coupe de la Ligue
- Quarts
- PSG-Guingamp (1-2)
Je rame, Thuram, ils gagnent
Drôle de soirée que celle vécue mercredi par Marcus Thuram, 21 ans. Des trois penaltys obtenus par Guingamp pour éliminer le PSG en quarts de finale de Coupe de la Ligue, il aura été l'un des acteurs. En loupant le premier, en délaissant le deuxième, puis en marquant le troisième alors que le rideau était sur le point de tomber. Circus Marcus.
C’est à croire qu’il avait volontairement fait traîner sa douche. Après un match, au Parc des Princes comme ailleurs, les journalistes prennent un ascenseur les amenant des tribunes latérales aux coursives souterraines du stade. Là, il faut serpenter. Louvoyer entre les vigiles, montrer patte blanche aux propriétaires des lieux, les plus curieux s’arrêtant un instant à la vue du profil de Nicolas Sarkozy se détachant au bout d’un couloir, puis faire un choix. À gauche, la salle de conférence de presse ouatée du PSG, à la lumière douce et aux sièges rouge et blanc.
Jocelyn Gourvennec y précédera Thomas Tuchel dans quelques minutes, comme toujours. Les invités d’abord. Et puis à droite, la zone mixte, sorte de grand S où les joueurs viennent délivrer leurs premières réactions d’après-match, quartier autrement plus agité. Aller à l’un prive généralement de l’autre, sauf lorsque, de temps en temps, un traînard attend minuit pour se pointer devant les caméras. Ce gamin aux yeux doux, visiblement peu pressé de remonter dans le bus, s’appelait hier Marcus Thuram. Et là, drôle de ballet.
« Il s’est passé quelque chose d’anormal »
On pourrait jurer qu’il avait rarement vu tel accueil : ruche bourdonnante de plaisir à la vue de celui qui avait marqué le penalty de la gagne, la presse fond sur lui, les bras se tendent, les micros aussi, le bruit métallique des « Rec » qui s’enclenchent précédant ceux de ses premiers éclats de voix. Plus grave que celle du papa. Thuram, dans ce zigzag médiatique, s’est arrêté quatre fois pour répondre à des questions. C’est au moins deux fois plus que tous ceux qui l’ont précédé, de Lucas Deaux à Marco Verratti. À la presse télévisuelle française, il a raconté que Neymar est venu lui parler alors qu’il hésitait encore à prendre pour lui le penalty de la victoire, à la 92e minute. Une demi-heure plus tôt, à la 61e, il avait loupé celui de l’ouverture du score. Il sourit : « Il m’a dit qu’il fallait que je tire. Il m’a dit que j’étais un bon joueur et que pour devenir un très bon joueur, il fallait de la personnalité.(…)Il m’a poussé à aller tirer, je ne sais pas s’il voulait que je le loupe. (Rires.) » Dans la foulée, une équipe de télévision brésilienne l’accoste. « Vous pouvez répondre en anglais ? » Réponse du gamin, accent impeccable : « Je peux même répondre en brésilien si vous voulez ! Non je blague. » La vanne a fait marrer les intéressés.
Ce serait hors de propos que de dire que le Thuram d’hier est devenu hier un grand joueur. Qu’il ait fait preuve de personnalité, en revanche, ça oui. Qu’il soit un gamin pétri de talent presque capable de s’émanciper du nom du père, pareillement, on le savait déjà. Il n’en reste pas moins que ses deux faits d’armes de la soirée résident en deux penaltys et rien d’autre, la prestation du bonhomme ayant été vidée de tout son suc par la tactique du soir de Jocelyn Gourvennec, lui-même comme sonné en conférence de presse. Heureusement, il a précisé à son auditoire qu’il était « très heureux » . Après quelques minutes de discussion, les témoins de la scène commençaient à en douter. « Je pensais que Yéni(Ngbakoto)allait tirer le dernier penalty, a-t-il avoué. Marcus s’est imposé, il a pris ses responsabilités. C’est un jeune joueur qui a besoin de s’affirmer, c’est bien que ça passe par des moments comme ça. » Et d’enchaîner : « J’avais dit avant le match que pour qu’on passe, il fallait qu’il se passe quelque chose d’anormal. Il s’est passé quelque chose d’anormal ce soir. » À commencer par ça : en première période, le PSG n’a cadré aucune frappe.
Soupirs
Il paraît que Thuram n’avait jamais loupé de penalty dans sa jeune carrière. Il paraît aussi qu’il a « vieilli pendant le match » , enfin ça c’est ce qu’il affirme. Il paraît, enfin, qu’il fallait bien que « cette série s’arrête un jour » , évoquant-là les 44 matchs consécutifs de Coupe remportés par le PSG depuis une défaite 2-1 à Montpellier en janvier 2014, pour les seizièmes de finale de la Coupe de France. Drôle de soirée, décidément. Éric Rabésandratana, habitué du Parc, en a soupiré d’incompréhension à plusieurs reprises, macaron caramel au beurre salé entre les doigts : « Comment tu peux siffler le deuxième… »
Comble, le prédateur du soir portait mercredi une casquette avec un imprimé tigre. Thuram arrive au bout du S, voilà dix minutes qu’il est là. C’est long. On annonce : « C’est fini pour Guingamp » , plus personne ne viendra. La dernière fois que le PSG avait été éliminé d’une coupe nationale, c’est l’EAG qui avait soulevé le trophée. « Une jolie boucle » , comme l’a nommée Gourvennec une poignée de minutes plus tôt. Alors là, au moment de partir, on ne sait pas si c’est à cause de sa douche à rallonge ou non, mais il flotte décidément une chouette odeur dans le sillage de Marcus Thuram.
Par Théo Denmat, au Parc des Princes