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« Je ne supporte pas l’AC Ajaccio, mais je suis fan de Benjamin Leroy ! »
Un autographe de Leo Messi, Cristiano Ronaldo ou Kylian Mbappé ? Très peu pour Jordan Granier. Cheminot de 23 ans résidant en Haute-Savoie, ce passionné de football vibre pour une seule et unique personne : son idole Benjamin Leroy, actuel gardien de l’AC Ajaccio. Ou comment un entraînement de football peut amener à la naissance d’un fanatisme, et d'une belle amitié.
Comment est née ta passion pour Benjamin Leroy ? C’était lors de l’été 2014, peu après sa signature à Évian Thonon Gaillard, club dont j’étais supporter. L’équipe faisait un stage d’oxygénation à Combloux-Megève, situé à trois kilomètres de chez moi. J’allais les voir s’entraîner dès que j’avais un moment et en tant que gardien de but, j’aimais bien rester derrière les cages pour observer les séances spécifiques au poste. À la base, je venais surtout pour échanger avec Bertrand Laquait, car je ne connaissais pas vraiment Benjamin. À la fin de la semaine, j’ai demandé à l’entraîneur des gardiens si je pouvais faire une photo avec eux. Ils les appellent, et trois arrivent pendant que le quatrième était en train de faire une autre photo. En attendant, Benjamin est venu me parler : « Je t’ai vu toute la semaine derrière la cage, tu dois être gardien aussi ! Tu viens pour le match amical contre Bastia, ce week-end ? » Nous avons commencé à discuter ensemble et il m’a promis que si je venais, il me donnerait ses gants après le match. Pour un gardien, c’est le plus beau cadeau possible !
Et alors ?Juste après l’entraînement, je suis allé au boulot. Là, mon patron me dit qu’il a modifié le calendrier et que je devais bosser ce week-end. Ça tombait pile au moment du match… C’était mon premier emploi, donc je n’ai pas osé expliquer la situation. J’ai contacté Benjamin par les réseaux sociaux pour le prévenir, puis j’ai demandé à mon voisin de se rendre au match pour récupérer les gants à ma place. Plus tard dans la saison, Benjamin est passé de remplaçant à titulaire dans l’équipe, et tout le monde s’est rapidement rendu compte qu’il dégageait un gros potentiel. Quand il est passé numéro un, j’étais comme un dingue ! Je lui mettais un mot d’encouragement avant chaque match, sur Twitter. Même si je le trouvais déjà super sympa, notre relation était à ce moment-là très classique, comme elle peut exister entre un supporter et un joueur.
Quand est-ce que cela s’est mis à changer ? Quand l’ETG est mort, j’ai pris conscience qu’il était mon joueur préféré de l’histoire du club. Benjamin est parti à Dijon, et je me suis dit que j’allais continuer à le suivre. Malheureusement, il jouait très peu. Après lui avoir demandé si les entraînements étaient ouverts au public, j’avais décidé de prendre des jours de congés pour aller les observer là-bas et c’était sympa de pouvoir discuter à nouveau avec lui. Pendant toute l’année, je parvenais à gagner les lots qu’il mettait en jeu : une paire de crampons, un de ses maillots de gardien à Dijon… Là, il commençait vraiment à comprendre que j’étais un fan absolu. Comme il savait que j’avais déménagé à Lyon, il m’a offert deux places pour aller voir OL-DFCO en fin de saison sans que je lui demande.
Durant l’été, il s’engage avec l’AC Ajaccio… Pendant ce temps-là, j’ai changé de boulot et je suis rentré en Haute-Savoie pour travailler à la SNCF. Comme il était devenu titulaire, je regardais tous ses matchs à la télé.
Durant le mois de février, je préviens Benjamin et je décide de me prendre une semaine de vacances pour aller seul à Ajaccio sans connaître personne excepté lui. Là-bas, j’ai eu le temps de poser mes affaires au Airbnb et de faire une balade. Puis, j’ai reçu un message vocal de la femme de Benjamin qui me proposait de venir boire le café à la maison avec les enfants. Je ne m’y attendais pas du tout ! J’y suis allé, j’ai passé un bon moment, et notre relation est devenue amicale. En plus, le hasard faisait que l’OL affrontait Barcelone en Ligue des champions dans la semaine. Comme Benjamin savait que j’étais également supporter de Lyon, il m’a proposé d’aller le regarder ensemble dans un bar ! Nous nous sommes revus autour d’un plat de tapas en compagnie du deuxième gardien, François-Joseph Sollacaro, qui connaissait les bars sympas. On parlait de Ter Stegen, ils le respectaient beaucoup. J’étais en plein rêve.
Tu as pu profiter d’un match de Ligue 2 ? Oui, il y avait Ajaccio-Auxerre en fin de semaine. Avant de partir, il m’avait bien dit : « Surtout, n’achète pas ta place, c’est moi qui t’invite. » J’étais content de l’issue du match, car Ajaccio avait gagné 1-0. Ce n’était pas arrivé beaucoup de fois, le club était en lutte pour le maintien. J’attends Benjamin après la rencontre, et au moment de partir, il me dit de l’accompagner jusqu’à sa voiture. Il a ouvert son coffre pour m’offrir son maillot du match de la semaine précédente contre le leader Metz, où il avait réussi à ne pas encaisser de but. Le lendemain, je suis reparti chez moi avec plein de souvenirs en tête.
Tu n’en es pas resté là : Le Dauphiné Libéré explique que tu as effectué neuf déplacements pour voir ses matchs en Ligue 2, le vendredi soir… Qu’est-ce qui te pousse à aller le voir autant ? En août dernier, Ajaccio se déplaçait à Grenoble pour la deuxième journée de championnat (victoire 1-0 d’Ajaccio, N.D.L.R). Ce n’était pas très loin de chez moi, j’y suis allé avec un pote, mais on a payé nos places sans prévenir Benjamin. Après coup, il m’a expliqué que j’aurais dû le prévenir. Et que pour toutes les prochaines fois où je voudrais le voir, il me prendra des invitations.
Sur le chemin du retour, je me suis dit que je pouvais multiplier ces déplacements : je ne bosse pas le week-end, donc j’ai juste à poser mon vendredi, je voyage gratuitement car je suis cheminot et je suis logé grâce à couchsurfing. En clair, je ne paie que la nourriture et les bières ! (Rires.) Dans le même temps, ça me fait connaître des villes de France. Voilà comment j’ai fait Châteauroux, Auxerre, Lorient, Guingamp, Chambly, Niort, Caen et Orléans où j’ai même pu rencontrer ses parents ! Si le virus n’était pas apparu, j’en serai à quatorze déplacements. Je ne supporte pas Ajaccio, mais je suis fan de Benjamin. Quand je me déplace pour le voir, c’est comme si j’allais voir un pote. En fait, ça fait bizarre d’être ami avec quelqu’un que j’admire ! J’appréciais beaucoup le sportif, je connais maintenant l’homme qui est encore plus génial et accessible.
Qu’est-ce qu’il va se passer, quand il annoncera sa fin de carrière ? Ah, ça va me faire quelque chose ! J’espère qu’on pourra quand même continuer à se voir en toute amitié. Depuis que le confinement est arrivé, nous avons pu échanger par messages pour savoir si tout allait bien. À vrai dire, j’espère qu’Ajaccio organisera un barrage d’accession à la Ligue 1, car Benjamin le mériterait. Il est le gardien avec le plus de clean sheet du championnat (16 en 27 journées, N.D.L.R), et il établissait le record du club détenu par son entraîneur actuel (Thierry Debès, 18 en 2010-2011, N.D.L.R) sans le confinement. Très clairement, il était en train de réaliser la meilleure saison de sa carrière ! J’espère que bientôt, il retrouvera le meilleur niveau national.
Propos recueillis par Antoine Donnarieix