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« Je ne suis pas revenu à Mulhouse pour m’occuper des buvettes »
Ce lundi 18 janvier, c'est l'anniversaire de Bernard Genghini. En 58 ans, la moustache du carré magique de l'équipe de France a consacré une bonne partie de sa vie au football. Et ce n'est pas près de s'arrêter.
Vous avez troqué votre ancienne moustache contre un bouc beaucoup plus sobre. Qu’est-ce qui se passe, c’est la maturité ?Oh ça fait longtemps qu’il est là, le bouc ! Mais elle est toujours là, la moustache, hein. Elle est juste accompagnée d’un bouc maintenant, c’est vrai, mais il commence à blanchir (rires).
Plus sérieusement, qu’est-ce que vous devenez ? Comment ça s’est terminé avec le FC Sochaux ?En début d’année 2015, je suis parti du FC Sochaux, j’ai trouvé un accord avec le club et Peugeot. Comme je savais que le club allait être repris, j’ai préféré prendre les devants et partir avec un plan de départ.
Comment ça, prendre les devants ?Ce changement de propriétaire impliquait forcément quelque chose. J’ai senti qu’il ne manifestait pas d’intérêt pour ce que je faisais. Et aujourd’hui, ces repreneurs font partir des gens. Récemment, ils ont licencié Bernard Maraval, qui occupait un poste que j’occupais il y a quelques années, responsable du recrutement. Et moi, je voulais éviter ça, je ne voulais pas partir dans une procédure comme ça arrive avec certaines personnes du club.
Entre nous, qu’est-ce qui se passe à Sochaux depuis quelques années ?Le club traverse une période très compliquée. Ça faisait déjà quelques années qu’on flirtait avec la Ligue 2, mais on parvenait toujours à se maintenir. Chaque année, le club a eu un peu moins de moyens, les bons joueurs partaient, et le recrutement n’a pas toujours été à la hauteur pour compenser. Du coup, on n’a pas pu éviter la descente, malgré les bonnes périodes et les bonnes générations qu’il y avait avant. C’est dommage, puisqu’on restait sur des bons classements en Ligue 1 sur les 15 dernières années avec trois finales de Coupe, dont deux victoires.
À Sochaux, vous avez tout fait. Vous avez joué, vous avez été adjoint, vous avez été à la formation, à la cellule de recrutement, directeur sportif… Pourquoi ne pas avoir franchi le cap d’être entraîneur ?Ça ne s’est pas présenté. À un moment donné, quand Frédéric Hantz a été limogé, ça se jouait entre Jean-Luc Ruty et moi pour assurer l’intérim, et finalement la direction l’a choisi, lui.
Ensuite, Francis Gillot est arrivé. L’autre opportunité, c’est quand Baždarević a été limogé au mois de mars 2012, mais c’est Éric Hély qui a repris la main, et j’ai été choisi pour le seconder en tant qu’adjoint. Mais sinon, je n’ai jamais vraiment eu l’occasion d’être le numéro un.
On dit que c’était votre choix, que vous vouliez rester protégé…Non, c’est juste qu’on ne me l’a jamais proposé, c’est tout. J’ai eu plein de fonctions au club, je suis resté 16 ans, j’ai tout fait. Et je n’ai jamais voulu me cacher.
Vous avez fait une croix sur le métier d’entraîneur ?C’est difficile, maintenant. Je n’ai pas un parcours d’entraîneur Quand j’ai arrêté ma carrière, j’ai entraîné le FC Mulhouse pendant trois ans, j’étais très jeune, j’avais 34 ans. Après, j’ai un peu entraîné les jeunes et la CFA à Sochaux. Aujourd’hui, à 58 ans, je n’ai pas un parcours d’entraîneur qui peut attirer des clubs. Je ne suis pas un numéro un, j’ai plus un rôle de dirigeant.
Aujourd’hui, vous êtes retourné à Mulhouse, au comité directeur. C’est quoi exactement votre rôle ?Oui, oui, c’est tout récent, ça date d’il y a quinze jours ou trois semaines. Le président souhaitait que j’entre au comité directeur. Mais bien sûr, je vais prendre en charge le côté sportif. Je ne suis pas revenu à Mulhouse pour m’occuper des buvettes. Malheureusement, ça fait plus de 15 ans que le club végète en CFA. Il n’arrive pas à passer un cap pour déjà rebondir en National. Alors que Mulhouse a fait un long parcours en Ligue 2, même avec deux passages éclair en Ligue 1. Donc l’objectif, c’est de leur filer un petit coup de main de par mon expérience pour les faire sortir de CFA. Pas cette année, parce que les premiers, Grenoble, ont déjà seize points d’avance. Mais on va bien préparer la saison prochaine. Et puis, j’habite Mulhouse, je suis de la région. Au mois de juillet, j’ai aussi pris la présidence d’un petit club de promotion d’honneur, d’où je suis originaire. Le club a fusionné avec deux autres clubs. Les maires des communes concernées ont souhaité que je prenne la présidence de ce tout nouveau club pour que le projet se réalise. Donc, ça m’occupe aussi quelques soirées dans la semaine, c’est bien.
Vous avez rejoint votre fils qui joue à Mulhouse. Vous étiez déjà ensemble à Sochaux. Vous êtes inséparables, tous les deux.Oui, il joue à Mulhouse depuis un an et demi maintenant. Mais non, non, on est pas inséparables, parce que je vous avoue qu’à Sochaux, ce n’était pas l’idéal. Si c’était à refaire, je ne le referai pas. Je l’avais fait venir à Sochaux parce qu’il y avait plusieurs clubs qui voulaient l’engager quand il avait 14-15 ans. Et je me suis dit qu’en le faisant venir, je pourrais le surveiller, le guider.
Pourquoi vous ne le referiez pas ?Parce qu’on ne peut pas empêcher les gens de parler. Tant qu’il était dans les équipes de jeunes, ça allait. Mais dès qu’il a commencé à toucher à la CFA et à l’équipe pro, les gens disaient qu’il était là parce que son père avait un poste important dans le club. Et même pour lui, pour son bien-être et pour sa progression, ce n’était pas un bonne chose. C’est déjà dur d’être le « fils de » , et c’est encore plus difficile lorsqu’on est dans le même club.
Vous pensez que ça a pu nuire à sa carrière ?Un petit peu oui. Après, est-ce qu’il avait vraiment toutes les qualités pour jouer au plus haut niveau ? Je ne suis pas sûr. Mais, il aurait pu faire un peu mieux, il aurait pu évoluer jusqu’en Ligue 2, je pense. Finalement, il s’est orienté vers le National : Gueugnon, Strasbourg.
Est-ce que le foot, c’était mieux avant ?Financièrement, non (rires). Aujourd’hui, le bon joueur gagne des sommes phénoménales.
Alors que dans les années 80-90, avec l’arrivée de Tapie, Lagardère, etc., les sommes avaient déjà bien augmentées et on disait que ça n’irait jamais plus haut. Maintenant, le joueur assure son avenir et celui de ses descendants. En revanche, au niveau du jeu, c’est différent. Je trouvais qu’à mon époque, le jeu était plus ouvert, plus technique, plus tourné vers l’avant. Le championnat de France notamment était moins fermé. Je préférais.
C’est quoi les chances de l’équipe de France pour l’Euro 2016 ?On va voir. Il se sont déjà qualifiés pour le Mondial et ont été éliminés par l’Allemagne, une équipe logiquement au-dessus et qui a fini championne. C’est pas mal. Quand on a gagné l’Euro en 1984, c’était un peu la même configuration. On sortait d’un bon Mondial qu’il fallait confirmer. 2016, ça va être différent, c’est chez nous, c’est à domicile. Il ne faut pas se rater. En tout cas, Didier Deschamps est un compétiteur, un gagneur, il va préparer son groupe pour l’emporter. Ce sera son objectif, c’est sûr. Et puis il y a forcément des facteurs aléatoires. Nous, on a bénéficié de certaines choses en 1984. La demi-finale était difficile, mais il y a eu ce renversement de situation. La finale, on la gagne alors qu’on finit à dix. De toute façon, les grands matchs, à partir des quarts, ça se joue à peu de choses. Après, il faut avoir les bons joueurs qui peuvent faire la différence et vous faire gagner le match. À l’Euro 84, il y avait Platini et tous ses buts. Il était au-dessus de tout le monde, même s’il y avait de bons joueurs à côté. Lui, il était au summum de ce qu’il savait faire.
Vous pensez qu’ils y sont ces joueurs-là, actuellement ?Non, il n’y en a pas. Il n’y a pas de Platini ou de Zidane. Il faut qu’ils fassent autrement, il faut qu’ils jouent autrement. Tous les pays ont connu ça. Quand il n’y a pas de grands joueurs, il faut jouer différemment. Mais, avec l’engouement qu’il y aura à domicile, c’est possible. Et puis, les garçons ont l’habitude de jouer dans des grands clubs tous les week-ends, la pression ne sera pas un handicap pour eux.
Vous parliez de Michel Platini, il faisait déjà les poches dans les vestiaires à l’époque ?C’est pas beau, c’est pas beau ce que vous dites ! Ce qu’il lui arrive aujourd’hui, c’est qu’il a voulu s’attaquer à Blatter. Et il s’est attaqué à un trop gros morceau. La seule chose qu’on peut lui reprocher, c’est de ne pas avoir un vrai contrat par rapport à la mission qu’il a accomplie et par rapport à sa rémunération. Si aujourd’hui, il avait un contrat en bonne et due forme, tout ça ne serait pas arrivé.
Qu’est-ce qu’on peut vous souhaiter pour votre anniversaire ?La santé. Voilà.
Propos recueillis par Benjamin Asseraf et Kevin Charnay