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« Je n’ai pas l’impression qu’on me fait payer mon statut »

Propos recueillis par Valentin Pauluzzi
« Je n’ai pas l’impression qu’on me fait payer mon statut »

À 33 ans, Marina Rinaldi est devenue le premier entraîneur transgenre de l’histoire de foot italien. De ses débuts dans l’équipe de la paroisse de son village à l’Ogliarese, elle ne se ferme aucune porte, ni même celles de la Serie A.

Fille de footballeur ?Oui, mon papa a longtemps joué chez les amateurs et même jusqu’au niveau semi-pro avec la Battipagliese, une équipe de la province de Salerne. Mes parents m’ont énormément soutenu dans mon parcours.

Vous avez aussi joué au foot ?Avec les jeunes de l’Ogliarese, jusqu’à mes 20 ans, j’évoluais au poste de gardien de but. C’est l’équipe que j’entraîne aujourd’hui, j’ai donc réalisé un petit rêve. Mon club de cœur est en revanche la Salernitana. Salerne est à quelques kilomètres de mon petit bourg, c’est mon équipe et je lui reste fidèle peu importe la division qu’elle fréquente. Je suis une vraie Granata.

C’est le traitement hormonal qui vous a contraint d’arrêter ?

Une fille ne peut pas jouer avec les garçons tout simplement, et puis je n’avais pas envie de continuer.

Pas seulement. Une fille ne peut pas jouer avec les garçons tout simplement, et puis je n’avais pas envie de continuer. Je veux dire, c’est comme si vous endossiez une perruque vert émeraude pour vous rendre au siège du journal où vous travaillez, tout le monde se moquera. Chaque instant de la vie a une importance particulière, et le moment de me mettre en accord avec moi-même pour trouver une certaine sérénité était arrivé. Je me suis toujours senti femme intérieurement, il me manquait quelque chose, je me suis fait opérer le 11 juillet 2013 à Bangkok, c’est comme un second anniversaire pour moi.

Comment est née l’idée d’entraîner ?Après mon changement d’identité, je ne pensais pas retourner sur les terrains. À San Michele Rufoli, j’ai aidé à former l’équipe paroissiale qui évolue au dernier niveau national. Les résultats n’étaient pas bons et les sacerdoces, que je connais très bien puisque j’enseignais le catéchisme, m’ont demandé de donner un coup de main. J’ai accepté sans hésiter et on est passés de la dernière à la 6e place avec 10 victoires, 3 nuls et 3 défaites. Ça, c’était l’an dernier et ça m’a valu l’appel de l’Ogliarese qui dispute aussi le championnat de Terza categoria. C’est une très belle sensation, je me sens responsable, jour après jour, je donne la plus belle partie de moi qui est mon expérience humaine.

Avez-vous un modèle d’entraîneur et un style de jeu ?À Salerne, on a été marqué par Delio Rossi qui a fait monter le club en Serie A en 1999.

J’ai un staff composé de trois personnes et je m’occupe personnellement de la tactique, j’en raffole.

J’ai toujours eu beaucoup d’estime pour lui, c’est un technicien rigoureux et extrêmement incisif. Toutefois, je n’ai pas repris son 4-3-3, car je m’adapte au matériel humain à disposition. J’ai un staff composé de trois personnes et je m’occupe personnellement de la tactique, j’en raffole, je pourrais vous en parler pendant des mois. J’aime exploiter les côtés avec des stratégies de jeu bien précises, mais l’important est de garder un bon équilibre. De ce point de vue, le 4-4-2 offre les meilleures garanties.

Une femme qui entraîne des garçons dans un contexte aussi machiste, cela ne vous a créé aucun problème ?Je ne suis pas du tout d’accord, c’est peut-être valable pour le foot de haut niveau et son argent qui corrompt tout être humain, mais au niveau amateur, je ne perçois pas ça, c’est un cliché. Il y a bien quelques sourires en coin, mais j’ai les épaules larges de toute façon. Je n’ai pas l’impression qu’on me fait payer mon statut, au contraire, j’ai trouvé beaucoup d’affection, d’écoute. En fait, on se construit souvent des stéréotypes dans notre propre cerveau.

Aucune expérience négative ?Mes joueurs m’adorent et leurs parents me connaissent, puisque je fréquente le comité paroissial depuis longtemps. De toute façon, si vous voulez être une femme, il suffit de se comporter comme telle et de ne pas s’habiller n’importe comment par exemple.

Selon une récente enquête, avec la Hongrie, l’Italie est le pays européen où la discrimination envers les transgenres est la plus élevée.J’ai une chance, je crois très fort en Dieu et je ne fais pas attention à ce que l’on peut dire de moi.

Je ne fais pas attention à ce que l’on peut dire de moi.

Ma foi m’a sauvé la vie, l’avis des êtres humains m’intéresse relativement peu en fait, je les regarde avec tendresse. Le Seigneur m’a appris à pardonner et à ne pas regarder le brin de paille dans l’œil de mon voisin, mais la poutre dans le mien.

Cette forte croyance alors que l’Église n’est pas réputée pour être tolérante, paradoxal non ?Je ne pense pas que ce soit vrai, en tout cas, pas me concernant. La diversité, c’est aussi la volonté et l’œuvre de Dieu. On m’a toujours bien accueillie, je prends part aux sacrements comme tout le monde.

Vous ne vous sentez pas du tout concernée par la bataille pour les lois LGBT ?Maintenant, et heureusement pour moi, je suis une femme à tout point de vue, même sur ma carte d’identité. J’ai fait partie de ce monde durant ma période de transition, disons que je me suis renfermée sur moi-même, c’est une fois opérée que je me suis remise à me sociabiliser. On tend souvent à s’auto-exclure. Alors oui, les lois sont mal faites, mais c’est aussi le cas pour les familles, les enfants. Il y a des problèmes plus graves dans la vie quotidienne des Italiens. L’Italie est un pays à la dérive, et les politiciens devraient tous être renvoyés, ils n’ont aucune dignité.

On a l’impression que vous n’avez pas forcément envie d’être érigée en exemple.Parce que je déteste enfermer les personnes dans des catégories. Je veux tout simplement être moi-même, je suis mon propre exemple au quotidien. Si quelqu’un veut prendre exemple sur moi, j’en suis honorée et j’espère tout simplement qu’il réussira à faire mieux que moi.

Avez-vous un intérêt particulier pour le football féminin ?Je donne un coup de main à mes amis de l’équipe féminine de la Salernitana. Je renfile volontiers mes gants pour disputer quelques matchs amicaux.

Foot féminin et masculin sont beaux à voir, mais ce sont deux sports différents.

Cela dit, pour des questions de posture, de structure, de musculature, le foot est un sport masculin, à partir du moment où vous l’appliquez aux femmes, le rendement est différent au niveau de la rapidité, du rythme, de la génialité, des stratégies de jeu. Sur une échelle footballistique l’homme est à 1000, la femme à 1. Foot féminin et masculin sont beaux à voir, mais ce sont deux sports différents.

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Propos recueillis par Valentin Pauluzzi

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