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« Je n’ai pas encore prévu mon pot de départ »

Propos recueillis par Gaspard Manet
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Après 24 années passées à arpenter les stades de France et d’Europe pour Canal Plus, Grégoire Margotton a décidé de s’en aller à l’issue de la saison. Et si la voix la plus célèbre du foot hexagonal ne veut toujours pas dire quelle sera la suite de sa carrière, il a accepté de revenir sur ces deux décennies passées au sein de la chaîne cryptée. Un entretien presque nostalgique, entre foot, JO, mousse à raser et Liverpool.

Devenir commentateur, ça a toujours été une évidence pour toi ?
À partir du moment où j’ai mis les pieds à Canal Plus, oui. Après, j’ai également le souvenir de copains qui me disaient, lorsque l’on était gamins, que je les saoulais, car je commentais tout. Disons que j’avais la tchatche, même si je peux être un taiseux parfois. Pour la petite anecdote, Vincent Radureau, mon copain avec qui je suis arrivé à Canal, expliquait l’autre fois à L’Équipe qu’à nos débuts nous avions fait un essai en cabine pour commenter un match, et si lui s’est très vite rendu compte que ce n’était pas son truc, il a vu que pour moi c’était assez naturel et surtout que j’y prenais énormément de plaisir. Et puis j’ai eu la chance de partir commenter mon premier match, un Inter-Sampdoria, le 8 novembre 1992, la veille de mes 23 ans, c’est un match dont je me souviens très bien alors que j’ai oublié la plupart de ceux qui ont suivis. Derrière, de fil en aiguille, j’ai commencé à enchaîner les matchs, car la chaîne couvrait alors énormément de matchs étrangers, c’était une chance incroyable de tomber à Canal dans les années 90, ça a réellement été ma chance absolue. Tout ça a donc commencé en 1992, il y a 24 ans, quels sont les meilleurs souvenirs que tu gardes en tête, après une telle longévité au sein de la chaîne ?
Alors c’est ce que je dis toujours, mon meilleur souvenir ce n’est pas du foot, c’est quand j’ai eu l’occasion de commenter les JO de Pékin en 2008, avec Jean Galfione, Marc Maury ou encore Renaud Longuevre, on a vécu quinze jours en autarcie là-bas et ça reste vraiment comme le meilleur souvenir de ma vie de journaliste. En ce qui concerne le foot, il y en a aussi énormément, comme par exemple le dernier match (Bayern-Atlético, ndlr). Je ne garde pas plus de souvenirs que ça même s’il y a eu beaucoup de moments forts, car j’ai eu la chance d’être là au moment des titres de plein de clubs, à vivre la joie des joueurs. Au final, je ne retiens pas un seul moment, c’est l’ensemble qui est fantastique. Il n’y a pas un moment en particulier qui se dégage ?
Non, pas vraiment, à part peut-être la finale de Ligue des champions en 2005, entre Liverpool et le Milan AC, car ça reste le match de foot ultime. Ce soir-là tout était réuni, car j’étais avec Aimé Jacquet, un homme que j’apprécie beaucoup, avec un scénario de match absolument incroyable et puis comme je suis un fervent supporter des Reds, ça reste la soirée parfaite.

Aujourd’hui les clubs sont beaucoup plus fermés qu’à l’époque et il est beaucoup plus difficile d’avoir des rapports avec les joueurs que dans les années 1990

Tu parles d’Aimé Jacquet, j’imagine qu’au fil des années, tu crées de vrais liens avec les anciens pros devenus consultants, non ?
Au final, ça reste comme dans une équipe de foot, dans le sens où il y en a qui se retrouvent seulement cinq minutes avant la prise d’antenne, sans se voir en dehors, sans s’appeler, et puis il y en a avec qui tu t’entends vraiment bien. Avec la plupart, sauf Olivier Rouyer, j’ai essentiellement gardé des rapports professionnels, mais ça reste quand même des rapports très agréables, avec des gens que j’apprécie énormément. Je n’ai absolument pas fait ce métier pour devenir copain avec des joueurs ou des entraîneurs, ça ne m’intéresse pas plus que ça, ce n’est pas mon truc.

En quoi ça a été différent avec Olivier Rouyer ?
C’est devenu un ami très vite, voilà. Je l’ai rencontré en 1996 et ça a tout de suite fonctionné, à tel point qu’il est le parrain de ma fille. Avec lui, oui, on partait en vacances ensemble, mais c’est le seul. Je garde d’ailleurs un excellent souvenir de son jubilé à Nancy que j’avais commenté pour Canal, au bord du terrain. Duga avait d’ailleurs mis un but magnifique, pour la petite histoire. Ça, ça reste un merveilleux souvenir, même s’il ne devait pas y avoir beaucoup de téléspectateurs (rires).

Comme je suis né à Lyon, tout le monde dit que je supporte Lyon, mais ce n’est pas le cas

Et avec les joueurs en activité, les rapports restent donc vraiment très professionnels ?
Tout à fait. D’autant qu’aujourd’hui les clubs sont beaucoup plus fermés qu’à l’époque et il est beaucoup plus difficile d’avoir des rapports avec les joueurs que dans les années 1990. Mais bon, ça ne me dérange pas du tout.


Et en matière de club, justement, on arrive difficilement à savoir quel club tu supportes.
Comme je suis né à Lyon, tout le monde dit que je supporte Lyon, mais ce n’est pas le cas. Au début de ma carrière, j’ai été beaucoup envoyé à Lyon pour suivre l’OL, car j’avais ma famille là-bas, mais en réalité je ne suis supporter de Lyon qu’une semaine par an à l’occasion du derby, pour m’amuser avec mon copain David Berger, qui est dans le même cas que moi avec Saint-Étienne, ça s’arrête là. Je n’ai qu’un seul club, c’est Liverpool, ça c’est vraiment mon club. J’entendais l’autre fois Fred Hermel sur RMC qui disait qu’un vrai supporter ce n’est pas celui qui fait la fête quand tout va bien, c’est celui qui est capable de pleurer dans les moments difficiles et une chose est sûre je ne pourrais pas pleurer pour Lyon, mais ça pourrait m’arriver pour Liverpool. J’ai d’ailleurs versé ma larme en lisant Rouge ou mort, la biographie romancée de Bill Shankly. Tu as donc très mal vécu la glissade de Gerrard, il y a deux ans ?
Évidemment, même si quand tu es supporter de Liverpool, tu as appris à ne plus gagner. Il faut attendre des coups d’éclat mémorables, comme la Ligue des champions de 2005, mais tu sais que le titre c’est plus compliqué (rires). Mais ça reviendra, d’autant que je suis un fan absolu de Jürgen Klopp, donc tu imagines bien que l’union des deux est quelque chose d’absolument magique pour moi. Je suis déjà comme un fou pour le match de ce soir (interview réalisée le jour de Liverpool-Villarreal, ndlr), si on passe ça va être un truc de fou.

Lors des premiers titres auxquels j’ai assisté, j’avais l’habitude de me retrouver dans la piscine, complètement à poil

Et parmi tous les stades que tu as fréquentés, lequel t’as le plus marqué ?
La plupart des stades anglais, d’autant que j’ai eu la chance de les connaître en 1992, à l’époque où la Premier League n’en était qu’à ses balbutiements et où la ferveur était encore plus importante. Bien entendu, j’ai un véritable amour pour Anfield. Il y a également le Celtic Park, que j’ai découvert et adoré lors d’un Celtic-Lyon en Coupe d’Europe, avec notamment un You’ll never walk alone absolument fantastique ce soir-là. En France, j’aime beaucoup le Parc des Princes que je trouve très beau. Tu as déjà eu peur dans un stade ?
Oui, une fois c’était à Florence, lors d’un Fiorentina-Juve il y a quinze ans. L’ambiance était chaude – comme toujours entre ces deux clubs – et je me suis retrouvé au milieu d’une charge de CRS avec des types en scooter qui chargeaient également en face, c’était top (rires). Et puis il y a eu aussi des moments terribles, comme lorsque j’étais à Lisbonne le jour où une barrière du premier étage du stade s’était effondrée et qu’il y avait eu des morts, c’était en 1995, car je me rappelle que c’était le jour de l’élection de Jacques Chirac. Et puis il y a des moments fabuleux, comme voir Mandela dans un stade, regarder Michael Jordan à l’entraînement, ça fait partie des immenses privilèges de ce métier. Dans les moments agréables, tu parlais des sacres de certaines équipes, il y a une soirée particulière qui te revient en tête ?
Lors des premiers sacres auxquels j’ai assisté, javais l’habitude de me retrouver dans la piscine, complètement à poil, ça je ne les compte même pas. Je me souviens de Benzema qui m’asperge de mousse à raser, ou une autre fois où je ne sais plus quel joueur m’avait attaqué à l’extincteur ce qui n’était pas très agréable pour le coup (rires). Je me souviens de la marée jaune à la Beaujoire pour le titre de champion en 2001, un moment tout à fait sublime. Il y a plein de beaux moments, comme de se retrouver à picoler des verres de champagne dans les vestiaires deux heures après, alors que les joueurs sont encore là, détendus et heureux. Je me rappelle également de Mickael Landreau qui m’avait filé ses tatanes en plastique après m’avoir flingué mes chaussures dans la piscine, je lui ai d’ailleurs reparlé de cette anecdote quand il est arrivé à Canal et il s’en rappelait très bien (rires). Qu’est-ce qui va te manquer en partant de Canal ?
Rien ne va me manquer, j’ai vécu des moments formidables au sein de cette magnifique chaîne, mais voilà j’ai fait un choix de vie, j’ai envie de faire des choses différentes et on verra bien ce qui s’offrira à moi. Je vais avoir beaucoup d’émotion en partant, mais il ne faut pas exagérer non plus, je continuerai à voir les gens que j’aime.
Tu as déjà prévu ton pot de départ ?
Non, pas encore (rires). C’est d’ailleurs une véritable angoisse pour moi ce truc-là, je ne sais même pas si je vais en faire un officiel, on verra bien. Je ne suis pas sûr qu’on soit obligé d’en passer par là pour dire au revoir aux gens.

Et à l’heure actuelle rien n’est encore officiel, tu ne peux pas nous dire ce que tu vas faire ?
La seule information officielle c’est que je quitte Canal Plus à l’issue de la 38e journée de Ligue 1, c’est tout (rires).

Pierre Sage, coaching perdant

Propos recueillis par Gaspard Manet

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