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« Je n’ai jamais rêvé d’être pompier ou policier, mais président du Celta »

Propos recueillis par Antoine Donnarieix, à Vigo
13 minutes
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Allure de grand-père modèle et chandail rouge sur les épaules, Carlos Mouriño reçoit dans ses bureaux, la mine rayonnante. Face aux questions, le président du Celta Vigo prend son temps pour répondre d’une voix posée, les pieds sur terre et la mémoire fraîche. Interview de celui que tout Vigo appelle désormais « le Sauveur ».

D’où vient votre attachement au Celta Vigo ?Je suis né à Vigo en 1943, et je me suis toujours considéré comme celtista depuis tout petit. En vérité, quand mes parents me demandaient ce que je souhaitais faire plus grand, je ne pensais pas à devenir pompier ou policier, comme les enfants le pensent en majorité. J’ai toujours eu l’envie de devenir le président du Celta. Ensuite, j’ai commencé à travailler sur Vigo, je me suis marié et nous sommes partis à Madrid avec ma femme. Les Galiciens sont des gens qui émigrent beaucoup vers d’autres endroits, c’est dans notre histoire. Je suis donc parti vivre au Mexique pendant plusieurs années, mais je suivais toujours avec intérêt ce qu’il se passait autour du Celta Vigo. Quand l’opportunité d’intégrer le club s’est présenté, je n’ai pas hésité. J’étais directeur d’abord, puis j’ai évolué, et aujourd’hui, me voici président.

De quel milieu social êtes-vous issu ? Je viens du centre-ville, du Barrio del Cura. J’ai grandi avec quatre frères, et notre famille est toujours restée unie dans les moments de la vie. Bon, je suis parti un moment au Mexique, donc c’était parfois dur d’être proche d’eux, mais l’ambiance au sein de ma famille fut toujours harmonieuse. À l’école, j’ai étudié au collège Salesiano, où l’on trouvait toujours un moyen d’organiser un football dans la cour de récréation. Il n’y avait pas autant de règlements comme aujourd’hui, c’étaient de vrais moments de plaisir, d’épanouissement. Le choix d’un sport était assez restreint, et le football ne nécessitait pas d’énormes investissements.

Du coup, vous avez tenté le football en club ? Je n’étais pas nul, mais je n’étais pas très fort non plus. J’étais un fan de football et j’aimais jouer. Le souci, c’est que très vite, j’ai dû me faire opérer des deux pieds à mes 17 ans, cela a compliqué la pratique de ce sport. J’ai donc opté pour le handball, un sport que je cherche à développer aussi sur Vigo… Disons que ma vie de footballeur s’est très vite arrêtée, mais celle du passionné continue (rires) !

Bien avant le Celta, vous êtes passé par des directions d’entreprises aux États-Unis comme Nautronica, de la création de produit avec Ivancar et la production de tapis automobiles. Il faut quoi pour être un bon entrepreneur ?Notre groupe d’entreprises à Mexico était diversifié. Nous étions dans la distribution des combustibles, dans la gestion des transports, dans les services aux hôpitaux, dans la construction de terrains de golf… Le but pour nous, c’était d’apporter des idées novatrices, de créer des entreprises. Pendant cette période aussi, nous avons acheté des actions bancaires, mais cela s’est avéré être un très mauvais choix (rires) ! J’ai appris par la pratique que les investissements spéculatifs étaient beaucoup moins fiables que les investissements réels… Une fois revenu en Espagne, nous touchions aussi au vin, à l’aéronautique ou au commerce du bois. En réalité, il y a deux styles d’entrepreneurs : celui qui crée son affaire, la fait grandir et la multiplie ensuite avec d’autres entreprises additionnelles, et l’autre, dont je fais partie. Nous créons une entreprise, mais nous la laissons vivre d’elle-même, avec une direction indépendante et un contrôle exhaustif de tout ce qu’il se passe en son sein. C’est ma politique depuis que j’ai repris le Celta Vigo, elle s’avère assez bonne, donc nous continuons dans cette voie-là.

Vous arrivez en 2003 à la direction du Celta Vigo. Quelle était la situation exacte quand vous avez eu toutes les cartes en main en tant que président, trois ans plus tard ? La toute première chose qu’il faut comprendre, c’est qu’au moment de mon élection, j’étais fier de me retrouver président du club, mais je n’étais pas fier de ma précédente gestion d’entrepreneur. En clair, j’avais tout mon cœur investi dans ce club, mais j’ai oublié d’utiliser ma tête. Une fois président, je devais donc faire face à des comptes dans le rouge et une situation financière très compliquée. La dette s’élevait à 86 millions d’euros… Nous devions la rembourser, et cela nous obligeait à prendre des décisions drastiques dans le domaine sportif. Nous avons dû quitter la Liga pendant un moment et rester en Segunda. Cette régression était très mal perçue par la ville de Vigo, c’est-à-dire les supporters du club, mais aussi les habitants. L’aspect moral devenait donc très important pour nous. Nous savions que nous n’étions pas les seuls responsables de cette situation critique, mais nous n’avons pas perdu nos nerfs, nous avons tracé un plan de redressement, avec un objectif à moyen et long terme.

Quand le public de Balaídos me demandait de quitter la présidence du club, j’étais présent au stade, j’entendais ces chants contestataires. Dans la rue, j’étais insulté. J’aurais pu choisir la solution de facilité et partir.

Quelle était votre solution pour foncer coûte que coûte ?Il fallait faire table rase du passé, se dédier à 100% dans ce projet et rembourser jusqu’au dernier centime. Nous avons pu compter sur une densification progressive des supporters du Celta à Balaídos. Si, aujourd’hui, l’affluence moyenne est d’environ 24 000 personnes, certains matchs de l’époque ne réunissaient que 8000 spectateurs… Inverser cette tendance, ce n’était pas une chose facile. Mais l’essentiel, c’est d’avoir cru au projet. Cela nous a souri. Aujourd’hui, la dette est effacée, notre situation économique est confortable, l’aspect sportif est très bon, et la relation avec notre public est extraordinaire.

Votre arrivée à la présidence donne l’impression d’un traitement en soins intensifs sur un patient en grand danger : il fallait procéder à une opération urgente, enlever le mal à la racine, et faire ensuite le maximum pour voir la douleur s’estomper…C’est vrai, à la différence que lorsque je suis arrivé, il fallait faire un état des lieux complet. Cela prend du temps avant de passer à l’opération. Surtout quand le patient ne souhaite pas se faire opérer, mais qu’il se rend compte que cela est la seule solution pour sa survie. Toute cette période post-opératoire nous a énormément coûté.

En 2007-2008, le Celta Vigo passe à seulement trois points de descendre en Segunda B. Les critiques devaient pleuvoir dans tous les sens… Vous avez pensé à abandonner ? C’était sans doute le moment où la situation sportive du club était la plus mauvaise. Mais en coulisses, nous avions passé des moments bien plus complexes. Les soutiens se raréfiaient, les pressions s’accentuaient. Dans la vie de tous les jours, les repas collectifs commençaient à devenir difficiles à assurer, notre budget était très limité. On cherchait le moindre euro disponible… C’était dur. Pendant cette période, nous sommes restés fidèles au projet commun. Une descente en troisième division aurait certainement changé la donne, nous aurions dû injecter de l’argent à travers d’autres entreprises et envisager un projet à plus long terme encore. Mais jamais, je dis bien jamais, nous n’avons pensé à abandonner. Quand le public de Balaídos me demandait à ce que je quitte la présidence du club, j’étais présent au stade, j’entendais ces chants contestataires. Dans la rue, j’étais insulté. J’aurais pu choisir la solution de facilité et partir. Mais j’ai voulu continuer, parce que certaines personnes proches du club voyaient les efforts fournis dans notre centre de formation, cela apportait du soutien, dans le staff d’abord, puis petit à petit, les jours de match. Cette saison-là, à peu près 40% de nos supporters n’étaient pas venus assister aux matchs de la saison. Mais ils payaient tout de même, pour aider le club. Cela témoigne aussi de leur soutien dans ces temps difficiles.

On imagine qu’après plusieurs années de transition en Segunda, la montée en 2011-2012 vous a donné une grande crédibilité dans votre vision d’avenir…Dans cette période de rééquilibrage des comptes et d’interrogations sur l’avenir, nous étions confrontés à cette même problématique sur le côté sportif. Par exemple, pour diriger notre équipe, les entraîneurs se succédaient, cela pouvait paraître troublant. Ce que nous recherchions déjà, c’était d’instaurer une philosophie de jeu au Celta Vigo, celle que nous possédons aujourd’hui. En deuxième division et sans faire partie des meilleurs, la tâche était difficile. En cela, nous devons remercier la grande confiance d’Eusébio (Sacristan Mena, ndlr) dans notre projet. C’est le premier entraîneur à avoir mis en application notre philosophie à Vigo. Ensuite, Paco Herrera s’est chargé de poursuivre ce travail, suivi par Luis Enrique et aujourd’hui Eduardo Berizzo. L’objectif, ce n’est pas de recruter un entraîneur avec des résultats exceptionnels, mais de donner de la continuité à notre logique de jeu. Prendre un coach porté vers l’offensive une saison, puis le changer pour un coach plus défensif la suivante, ce n’est pas censé. Donner la même vision de jeu à toutes nos catégories, du groupe professionnel aux jeunes de notre centre, c’est censé. Pourquoi ? Parce que si l’on s’amuse à placer un U15 chez les professionnels, même s’il n’aura pas la résistance physique nécessaire pour un match, il saura où se placer sur un terrain et quoi faire du ballon. Nous continuerons à agir de cette manière, pour rechercher le jeu intelligent, pour chercher à marquer des buts. D’ailleurs, cette philosophie déteint sur notre public : même quand nous n’arrivons pas à gagner, les gens applaudissent. Pourquoi ? Parce qu’ils savent que les joueurs donnent tout sur le terrain. Et s’ils donnent tout, on ne peut rien leur reprocher.

Sans aucun doute, Mazinho est le joueur m’ayant le plus marqué. Il faut des joueurs pour alimenter les attaquants, des créateurs pour transformer l’équipe. Mazinho, c’était ça : un directeur au milieu du terrain. Et c’était un champion du monde…

Et avec cette philosophie justement, que peut-on envisager pour le Celta au niveau sportif ? Très honnêtement, je n’aime pas parler du Celta Vigo simplement d’un point de vue sportif. Je pense que grandir sur le plan sportif est largement moins important que grandir sur le plan du club. Avant toutes choses, il est important d’offrir au club un patrimoine. C’est ce que nous souhaitons faire. Par exemple, nous siégeons aujourd’hui dans un bâtiment qui appartient à la ville de Vigo. Nous en sommes locataires, l’accès est limité pour nos supporters. Dans peu de temps, un nouvel édifice sera la propriété du Celta Vigo, il sera accessible à notre public. Tous les mois, nous organiserons une réunion pour que toutes leurs questions soient traitées en long, en large et en travers. Nous souhaitons une transparence maximale dans la gestion du club. Le but, il est simple : si nous agissons d’une seule et même voix, le succès sportif viendra beaucoup plus facilement. Mais là encore, notre succès amènera aussi une autre problématique : si nous devenons plus performants, les jeunes de notre centre auront davantage de difficultés pour intégrer le groupe pro, qui prendra de l’ampleur. Dès lors, il faudra sortir de notre région, aller prospecter dans toute l’Espagne. Paradoxalement, nous possédons l’un des plus petits budgets de Liga, ce qui réduit notre marge d’erreur sur le recrutement. C’est pourquoi il faut être intraitable sur nos choix de recrues. Cela nous permettra de continuer notre progression.

Aujourd’hui, les ventes de jeunes du centre, comme celle de Santi Mina cet été, laissent perplexe sur l’ambition du Celta Vigo. Que répondez-vous aux fans ? Notre centre de formation est un élément essentiel au redressement de la situation du Celta Vigo. Chaque match, une moyenne de 8 joueurs sont intégrés dans le groupe professionnel pour participer à la journée de Liga. La première année où nous nous sommes maintenus dans l’élite (2012-2013, ndlr), nous avions environ 7 joueurs issus de la cantera dans notre groupe. Il faut voir cette filiale comme un ensemble, qui nous sert dans les bons comme dans les mauvais moments. Quand les temps sont durs, les joueurs les plus en vue doivent être vendus : Joselu est parti au Real Madrid en 2009, Denis Suárez à Manchester City en 2011. C’étaient des choix à contre-cœur, mais quand on est président, il faut savoir utiliser sa tête. Nous étions dans une crise financière interne, et ces ventes nous ont partiellement permis de retrouver cette stabilité que nous recherchions. Depuis ce jour, les règles ont toujours été claires avec nos jeunes joueurs : nous les laissons jouer pour l’équipe première, et si un club souhaite les récupérer, ils peuvent partir si le montant de la clause libératoire est versé. Dès qu’on lui laisse le choix, le jeune joue dans un climat de confiance, ses performances sont bonnes et la vente devient possible. C’est le cas de Santi Mina. Le voir quitter ses partenaires prématurément, cela valorise aussi la qualité de notre centre de formation, surtout pour les jeunes de toute la région. Plus leurs aînés signeront dans des clubs professionnels, plus ils souhaiteront intégrer le Celta.

Quand vous voyiez le Celta Vigo des grandes années, avec Karpine, Mostovoï, Makelele, la Ligue des champions… Qu’est-ce que cela vous inspire ? On ne peut pas renier cette période faste, surtout en tant que supporter. Mais d’un point de vue personnel et depuis mon arrivée à la présidence, je ne mettrai jamais en corrélation les finances d’un club avec les réussites sportives et l’obligation de résultats. Je ne le ferai jamais. Si nous grandissons, ce sera en gardant un équilibre financier impeccable. La partie sportive, c’est une branche que je prends moins en compte. Et ma grande force, c’est que j’ai désormais l’appui de la population locale. Elle a compris ma démarche. Elle ne me demande pas des miracles sportifs, elle me demande que nous soyons capables de viser nos objectifs, ceux pour lesquels nous nous battons chaque jour. Aujourd’hui à Vigo, personne ne nous demandera d’oublier la gestion financière et de retomber dans des dépenses massives. Parce que les gens savent où cela mène… Le plus important, c’est la stabilité.

À présent, les habitants de Vigo vous nomment « El Salvador » (Le Sauveur, en VF). Comment est-ce que vous gérez cette hausse de popularité après toutes ces années ? Mon équipe gère la chose comme cela doit se faire, avec la tête froide. Nous savions que nous pouvions remplir un objectif sur le long terme et que les formules magiques n’existent pas. Derrière cela, il y a toute une équipe, mais il y a surtout beaucoup de travail. Je parle de gens qui ne comptent pas les minutes ou les heures, des personnes qui s’investissent à plein temps dans le club. C’est fondamental pour aller de l’avant. La réussite du Celta Vigo, ce n’est pas la mienne, mais le résultat d’un collectif. Nous sommes des gens passionnés, mais notre passion ne prend pas le dessus sur notre travail. Aujourd’hui, les présidents sont souvent supporters parce qu’ils attachent de l’importance à leur équipe. Quand tu regardes un match, tu peux supporter une équipe. Mais quand tu es le président, tu dois laisser cette passion de côté.

Même si vous laissez la passion pour les autres Célticos, quel joueur vous a le plus marqué dans l’histoire du Celta ? Sans aucun doute Mazinho. Je crois qu’en football, il y a toujours des joueurs qui sortent du lot. Karpine sortait du lot, Mostovoï aussi… D’autres joueurs, sans être des immenses stars du football, détiennent un rôle crucial au sein d’une équipe. Les équipes sont belles quand elles marquent des buts, quand elles offrent du spectacle. Mais pour cela, il faut des joueurs pour alimenter les attaquants, des créateurs pour transformer l’équipe. Mazinho, c’était ça : un directeur au milieu du terrain, celui qui initiait les actions de but. Et c’était un champion du monde…

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