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« Je me sentais chez moi à Anderlecht »
Pär Zetterberg est une légende à Anderlecht. L'homme idéal pour parler un peu, avant ce Suède-Belgique.
Si vous parlez de Pär Zetterberg à un supporter anderlechtois qui l’a vu évoluer sous le maillot des Mauves, il ne vous en dira que du bien. Les chiffres parlent pour le Suédois : douze saisons dans la capitale belge, six titres de champion, une Coupe de Belgique, deux Souliers d’or, le brassard de capitaine, des amours de coups francs. Mais plus que son palmarès et ses pions, ce sont surtout son esprit – il a remporté six prix du Fair-Play à titre individuel – et son amour pour le RSCA que les Bruxellois n’ont pas oublié. L’inverse est vrai. Avant le Suède-Belgique de ce mercredi, personne d’autre ne pouvait mieux nous parler cette rencontre. L’occasion d’évoquer avec « Mister Z » les critiques envers Zlatan, le talent de Tomas Brolin, la mythique équipe suédoise de la Coupe du monde aux States, son combat contre le diabète, les débuts de Vincent Kompany, de ses larmes au Parc Astrid.
Salut Pär. Bon alors qu’est-ce que tu deviens tout d’abord ? Comment ça se passe après ta vie de footeux ?Ça va. Je travaille dans une école privée à Falkenberg chez moi en Suède. J’entraîne des jeunes qui ont entre 12 et 16 ans. Pas forcément tous très talentueux. Douze entraînements par semaine. Je m’amuse à travailler avec eux, à leur apprendre des choses et j’ai beaucoup en retour. Tu vois le plaisir dans leurs yeux. Peut-être qu’un jour, je serai tenté d’aller entraîner plus haut, mais pour l’instant, je me sens bien. J’aime aussi suivre mon fils et ma fille qui jouent tous les deux au foot.
Tu as passé presque vingt ans en Belgique. J’imagine que ce match Suède-Belgique, tu vas le regarder avec attention.C’est un match un peu spécial, mais je suis pour les Suédois. Ils ont toujours une chance de passer, ils devront pour cela faire mieux au niveau du jeu.
Un nul contre l’Irlande (1-1), une défaite contre l’Italie (0-1), c’est pas folichon pour le moment… Ils sont pas mal critiqués en Suède ?En effet, je les ai trouvés très faibles contre l’Irlande, un peu mieux contre l’Italie. Contre les Belges, s’ils veulent l’emporter, ils devront améliorer leur niveau de jeu de 50 à 60% par rapport au match contre la Squadra Azzurra. Ce qui fâche surtout les Suédois, c’est qu’en 180 minutes, on n’a pratiquement pas eu un tir cadré. C’est pas mal derrière, mais on ne crée rien devant à part quelques contres… Ça manque de mouvement sur les côtés ou au milieu…
« Maintenant, il faut qu’il arrête l’échauffement » , s’est moqué le quotidien Dagens Nyheter à propos de Zlatan… Je ne le connais pas et je n’ai jamais rencontré Zlatan parce qu’il est arrivé en sélection juste après moi… Ce que je sais, c’est qu’on lui en demande beaucoup. C’est le patron, c’est normal qu’il soit critiqué, mais que font les autres quand Zlatan a le ballon ? Il faut aussi qu’on lui donne de la profondeur, que les autres créent du mouvement. Il faut que ce soit fait ensemble, et pour l’instant, ça ne marche pas.
Comment as-tu fait pour poser tes valises en Belgique ?J’avais 16 ans et je participais à un tournoi avec l’équipe nationale de Suède quand on m’a proposé un test, puis un contrat au Sporting. Mon rêve c’était d’être pro, je me moquais du reste.
Dès que tu arrives ici, on te diagnostique un diabète. Là, tu te dis que c’est terminé pour toi, le football professionnel ?C’était en 1989-1990, l’année de la finale de la Coupe des coupes contre la Sampdoria. J’étais professionnel dans le noyau de l’équipe A quand on m’a dit que j’avais du diabète. Je me suis dit : bon ben donnez-moi des médicaments, ça va aller. J’ai dû évidemment voir un médecin et j’ai compris que ça ne se passait pas vraiment comme ça. Il m’a dit qu’il fallait faire des piqûres. Je ne savais pas ce que c’était, je ne savais pas s’il était possible d’être pro ou même de continuer à jouer au football avec cette maladie. La chance que j’ai eue, c’est d’avoir rencontré le docteur Harry Dorchy à Bruxelles. C’était mon mentor.
Est-ce que tu avais un régime particulier à suivre ?Non. Je mangeais la même chose que les autres. En revanche, je ne devais jamais manger plus tard que quatre heures avant le match, car j’avais mes piqûres d’insuline quatre heures avant. De cette façon, l’insuline disparaissait avant le match. Si je faisais ça une ou deux heures avant le match, l’insuline était toujours dans mon organisme et je risquais donc de faire une hypoglycémie. J’ai aussi écouté les signes que m’envoyaient mon corps. Tu le sens différemment quand tu es diabétique. Tu sais, par exemple, si tu vas être malade dans les prochains jours.
Aad de Mos, le coach de l’époque à Anderlecht, n’avait pas été cool avec toi à l’époque…C’est lui qui a annoncé que j’étais atteint de diabète dans une interview accordée à La Dernière Heure. Avant même qu’il m’en parle. La nouvelle avait déjà circulé dans le vestiaire. Tout le monde était en doute à l’époque et il a dit que ma carrière était finie. Ça m’a fait très mal, mais ça m’a surtout donné envie de me battre pour lui prouver le contraire.
Tu crois que la maladie t’a aidé dans ta carrière ?C’est dur à dire. Ça m’a aidé dans certains moments, mais j’aurais peut-être été encore meilleur sans ça aussi.
Il paraît que tu as failli signer à Monaco.Oui, j’avais rencontré Arsène Wenger dans un hôtel à Bruxelles qui me disait qu’ils étaient intéressés par mon profil, mais ils ont pris Enzo Scifo. Dommage, mais à l’époque, j’avais été prêté à Charleroi et je ne m’étais pas encore imposé à Anderlecht. C’est ce que j’ai fait. Je voulais laisser une empreinte.
Tu aurais pu aussi partir au Standard de Liège, l’ennemi des Mauves.Oui, ils m’ont fait une offre quand j’étais également en prêt à Charleroi. Je n’ai aucun problème avec eux, mais ça aurait été quand même compliqué de signer à Liège alors que je venais d’Anderlecht. Et puis, je le répète, je voulais d’abord prouver ma valeur à Bruxelles. Le Sporting, c’est mon club.
Quand t’as débarqué à Bruxelles, t’aurais imaginé rester aussi longtemps au Plat Pays ?J’étais tellement bien à Anderlecht, j’adorais les supporters, la façon dont on jouait, les dirigeants… Je me sentais à la maison. J’aurais pu partir, j’avais des offres, je pouvais gagner plus. La vie au Sporting était plus importante.
Si je te dis Zulte Waregem… Tu as quand même eu le droit à vingt minutes d’ovation.C’est assurément mon plus grand souvenir… C’était mon dernier match, pour le titre, pas un match banal ou pour faire le spectacle. On gagne 3-0, il faisait beau, on est champions ce jour-là… c’est un moment inoubliable. Et puis, il y a la fin avec les supporters…
Il paraît que le jour où tu as reçu la proposition pour partir à l’Olympiakos, tu as pleuré au téléphone…Oui, j’étais très ému. J’étais en vacances en 2000 et je reçois une offre de l’Olympiakos. Elle était tellement bonne qu’il était quasi impossible de la refuser. J’ai appelé le président Roger Vanden Stock pour lui expliquer. Même lui m’a dit : « Je comprends si tu pars. Mais si tu quittes Anderlecht, Pär, je sais que tu reviendras. » Ce que j’ai fait…
Il avait déclaré que tu étais le plus grand numéro 10 de l’histoire d’Anderlecht. Il disait qu’il te considérait comme son fils. Il y avait une très grande relation de confiance entre lui et moi. On pouvait parler de tout, c’est comme ça qu’on forge une relation. Avec du respect.
Tu suis encore Anderlecht depuis la Suède ?Je ne peux pas voir tous les matchs, mais j’essaye en streaming, au moins ceux de la Ligue des champions ou de Ligue Europa, mais c’est vrai que je les suis moins qu’avant.
Tu as joué avec Vincent Kompany à ses débuts. Tu as vite vu que c’était un grand ?Oui… Directement. Il avait tout. La présence, la technique, le physique, la mentalité… Je n’ai pas été surpris quand j’ai vu qu’il s’imposait au niveau international. C’était un gars exceptionnel à cet âge. Il manque énormément aux Diables rouges, c’est un patron, un gars en qui tu as confiance, qui peut mettre l’équipe en place quand ça va moins bien…
Tu as fait partie de la plus belle équipe suédoise avec Kennet Anderson, Tomas Brolin, Martin Dalhin, Thomas Ravelli, Henrik Larsson… Comment t’expliques la réussite suédoise de l’époque par rapport aux autres ?On avait un bon coach, on s’entendait bien, on avait une grosse équipe, la plupart jouaient dans des grands clubs en Europe. En fait, un peu comme les Belges maintenant.
Le plus fort, c’était qui pour toi ?Tomas Brolin. Il avait d’ailleurs fait partie de l’équipe type de la Coupe du monde 1994.
De ton côté, tu as raté le Mondial américain à cause d’une grave blessure. Dur quand on sait que la Suède ne s’est pas qualifiée ni pour l’Euro 1996, ni pour la Coupe du monde 1998…Oui, j’étais toujours sélectionné dans le groupe pendant les qualifications. Je dirais que j’étais le 11e ou 12e homme dans son esprit, mais j’ai raté le tournoi, car je me suis fait les ligaments croisés en février. Je me suis fait ça dans un derby contre Molenbeek. Je courais derrière un joueur et lui a tourné à gauche. J’ai voulu le suivre, mais mon pied est resté bloqué dans la boue et j’ai pivoté. Les ligaments croisés ont pété. Fin mai, j’ai rejoué quelques minutes en finale de la Coupe de Belgique contre Bruges, mais j’étais trop juste. Jusqu’à la fin, j’avais des contacts avec le sélectionneur qui m’a dit que la porte était ouverte. Je lui ai dit de ne pas me prendre.
C’est une décision compliquée. En tout cas très courageuse et altruiste.Je n’avais tout simplement pas le niveau, il valait mieux prendre quelqu’un d’autre. J’ai juste été réaliste.
Tu as joué contre la belle génération des Bleus aussi ?Oui, j’ai joué contre la France avant le Mondial 98 au Parc des Princes (1-0 pour les Bleus) et c’était très fort. Zidane, c’était le top, c’est le meilleur joueur contre qui j’ai joué. Je me souviens que Patrick Vieira était entré en jeu. C’était une de ses premières sélections, je crois. Karembeu, je le connais bien aussi, puisque j’ai joué avec lui à Athènes, c’est un ami.
Pour finir, un classique, ton prono pour ce Suède-Belgique ?Pour le cœur, je dirais un nul. Je ne vois pas la Suède gagner. Je pense que ce sont les Belges qui vont l’emporter. Je ne vois pas l’équipe de Wilmots, en revanche, remporter l’Euro. Ce sera en tout cas très dur pour eux. Avec Lombaerts et Kompany peut-être, mais là, il leur manque quand même une bonne partie de leur défense.
Propos recueillis par Jacques Besnard