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Jay One : « Le sport d’hommes, c’était le foot »
Le moins que l'on puisse dire que, c'est que les liens entre la culture foot et hip-hop n'étaient pas évidents, au départ, en France. Un très beau livre sorti récemment, Mouvement (éditions 1980), raconte, tout en photos d'époque, la genèse du rap, du graff et du break dance dans l'Hexagone. L'occasion de demander à l'un des acteurs cruciaux de cette époque, le graffeur Jay One, grand passionné du ballon rond et des bombes aérosols, de nous raconter ces années-là !
Tu étais présent lors des premiers pas du hip-hop à Paris, surtout sur le versant graff. Existait-il une connexion ou un intérêt quelconque pour le foot, ou les années 80 sentaient trop les nuques longues, Johnny Hallyday et le punk rock?
Le basket n’était pas encore trop populaire… Le foot était numéro un et il le restera à tout jamais. Ce n’était pas la ferveur londonienne, beaucoup de Parisiens aimaient des équipes comme l’OM ou les Verts. L’équipe de France, c’était pas trop ça non plus… On lorgnait plutôt sur les championnats étrangers ou les coupes d’Europe : Liverpool, Hambourg, Juventus, Nottingham Forest, Torino, Anderlecht… C’est vrai que le hip-hop a changé un peu la donne avec son attirance pour les cultures US. Mais pas avant 90/91 et l’avènement de Michael Jordan.
Pour ta part, tu vivais donc ta passion pour le foot en parallèle ? Tu as dû faire ton outing ?
Plutôt le contraire. Le sport d’hommes, c’était le foot, surtout pas le tennis ni même le basket.
Quelles étaient les figures des débuts de la scène les plus branchées par le foot ? Parmi les graffeurs, qui allait au stade ?
Nest One, qui est reparti en Argentine, est fan de Boca. Il va encore dans le kop. Stomi Bugsy, Kool Shen aussi. Les IZB, qui habitaient St-Ouen juste derrière le Stade Bauer… Mais bon, entre faire des tags et aller au Parc, il fallait faire un choix. Je connais pas mal de tagueurs qui se rendaient soit à Boulogne ou Auteuil, surtout Auteuil… À New-York, le père d’un des graffeurs les plus connus au monde (TKid 170) a joué à l’Alianza de Lima. Un autre gars, toujours à NY, qui fait partie des TC5, a monté son propre club. Spike Lee kiffe le foot, son fils joue en club, je crois… Il y a une flopée de mec du hip-hop qui adorent le foot… Mode 2 suit les performances d’Arsenal de très près. Je suis allé pas mal de fois voir le Hertha Berlin quand j’habitais là-bas avec des graffeurs allemands.
Comment expliques-tu que le fossé ne se soit jamais comblé entre ces deux cultures ?
Le hip-hop est une culture à pratique active, t’es comme un sportif quand t’es hip-hop. Ça te laisse pas beaucoup de temps pour autre chose. Mais de là à parler de fossé… Les deux sont du « populaire » , donc on ne peut faire sans, surtout si tu viens d’une cité. En France, la culture du foot n’existe pas vraiment. Elle s’installe tout doucement, mais c’est encore très timide…
Tu portes quel regard sur les graffs ou les banderoles dans les tribunes ?
Le graff a fait son apparition dans les stades très rapidement, d’abord à Amsterdam – le stade de l’Ajax était graffé dans sa partie tifo -, ensuite en Allemagne et aujourd’hui, un peu partout dans le monde, il existe des banderoles graffées. Mon pote Nest One de Boca a peint dans la Bombonera… Par contre, pour les slogans, ici en France, ils sont un peu naïfs et répétitifs. Les mecs pourraient s’inspirer des phrases des rappeurs. Ils sont à la ramasse, ils connaissent pas l’Egotripping ou quoi ?
Est-ce qu’il existe un stade qui pourrait t’inspirer ?
Un stade ? Je n’aime pas les nouveaux stades! Les architectes n’en ont rien à foutre du foot de clubs…
Mouvement (éditions 1980) Site web
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