- France
- Ligue 1
- 33e journée
- Nice/PSG (1-3)
Javier Pastore, une affaire de cœur
Un doublé, un second but débuté par des jongles dans la surface adverse, des prises de balle gracieuses, un trophée du joueur du mois en poche et une prolongation qui se fait attendre. 2015, ou comment Javier Pastore est (re)devenu indispensable au PSG.
Il y a des choses que l’on ne peut pas expliquer dans la vie. Les sentiments en font partie. Pourquoi aimer cette femme plutôt qu’une autre ? Ce tableau. Ce film. Cette chanson. Ce paysage. Cette paire de pompes. Ce pinard. Javier Pastore appartient à cette catégorie. Le joueur s’adresse aux sentiments et non aux statistiques qui régissent actuellement le monde du football. Quand certains se tiennent debout à coups de « pourcentage de passes réussies » , « key pass » et « passes décisives » , Javier Pastore tutoie les plus grands par son extérieur du pied. Oui, l’Argentin a des statistiques que l’on peut qualifier de « bien, mais pas top » (5 buts, 6 passes en 28 matchs). El Flaco a toujours été en marge des chiffres. Ce n’est pas son truc. C’est sans doute pour cela que l’Argentin a toujours été clivant. Il divise car il n’est pas décisif, marche souvent, perd des ballons, se complique parfois la vie, préfère la louche à la passe latérale, l’extérieur au plat du pied, la passe dans l’intervalle à la conservation. Javier Pastore joue à l’instinct. Et ça, ça n’a pas de prix.
Entre arrogance et romantisme
À Nice, l’éclair est venu deux fois de ses godasses. Un doublé – le premier depuis sa formidable prestation sur la pelouse de Montpellier en septembre 2011 – qui permet aux Parisiens de relever la tête après la gifle barcelonaise. Sur le second but, le numéro 27 jongle dans la surface niçoise pour s’emmener la gonfle sur son pied droit avant de frapper. Entre arrogance et romantisme. Il y a à la fois, chez lui, l’innocence d’un môme qui joue au football et la maîtrise d’un maestro. Sauf que le joueur sait, de temps en temps, jouer utile. Comme cette saison. Au point d’être passé en un an du statut de pestiféré à celui de maître à jouer. Avec Marco Verratti, l’ancien de Palerme est sans doute le joueur le plus régulier de la saison parisienne. Une nouveauté pour celui que l’on avait jusque-là rangé dans la catégorie « choisit ses matchs » .
Dans un football dominé par les machines CR7 et Lionel Messi, qui banalisent l’extraordinaire, Pastore a ce côté humain. Le mec est capable d’être nul contre Lorient et de briller à Chelsea sans qu’aucune explication scientifique ne soit envisageable. Simplement parce que le football de Pastore se situe dans la notion de « plaisir » . Le garçon est là pour donner du kiff. Pour régaler. Pour envoyer du jeu. Des frissons. De l’orgasme. Aucune statistique ne peut quantifier cela. Aucune. On commence seulement à se rendre compte de la chance d’avoir sous nos yeux un joueur de ce calibre. Un joueur intemporel qui aurait brillé dans toutes les décennies du football : 70s, 80s, 90s et 2000s. Le plaisir voyage sans encombre. Surtout quand il est constant.
« Le meilleur joueur au monde, le plus excitant »
Et cette constance commence même à se propager en dehors du championnat de France. Lors d’une conférence de presse donnée à Shanghai, Éric Cantona s’est exprimé sur le cas Pastore. Et comme souvent avec Canto, il y a des mots doux et peu de modération. « Pour moi aujourd’hui, le meilleur joueur au monde, le joueur le plus excitant, c’est Javier Pastore. Pourquoi ? J’ai regardé deux matchs juste pour voir jouer Pastore, pour le voir faire des passes. Il a quelque chose de spécial. Le football est un jeu interactif, c’est l’une des raisons de sa popularité, et Pastore fait des choses qui vous surprennent toujours. Pas en marquant des buts exceptionnels, mais grâce à ses passes. C’est un joueur très créatif, le plus créatif au monde aujourd’hui. C’est pourquoi je pense qu’il est le meilleur du monde. J’adore ce genre de joueurs. » C’est un avis comme un autre. Mais il est toujours bon de séduire un garçon comme Éric Cantona. Quoi qu’on en dise, Javier Pastore partira toujours avec un avantage dans la vie, celui d’être un meneur de jeu argentin. Un poste qui fascine et a toujours fasciné les romantiques du football. Qui n’a jamais pris du plaisir devant Diego Maradona, Juan Roman Riquelme, Pablo Aimar, Marcelo Gallardo ou encore Ariel Ortega ? L’Argentine et ses meneurs de jeu, c’est une histoire de passion irrationnelle.
En 2013, Mathieu Bodmer, ancien partenaire de Pastore au PSG, parlait également de l’Argentin avec passion dans les colonnes de France Football : « Moi, j’aime bien Javier, car il est capable à tout moment de faire une passe décisive ou de marquer un but sur un éclair. Alors, certes, il ne court pas beaucoup. Ça peut être énervant pour ses partenaires, mais quand il a le ballon, il sait toujours quoi en faire. Et moi, j’aime bien les joueurs comme ça, les meneurs de jeu argentins, comme Riquelme et Aimar. Quand on a joué Villarreal avec Lille, Riquelme était en face. Il est arrivé sur le terrain, ses lacets n’étaient pas faits. Je me suis dit: « Le mec, il ne nous respecte pas ».Mais quand il a pris le ballon, j’ai compris ce qu’était le foot. Il nous a fait un récital » . Samedi après-midi, Javier Pastore a fait un récital. Une première période compliquée, entre pertes de balles et choix ratés. Une seconde lumineuse et brillante. Inconstant et brillant. Schizophrène jusqu’au bout. On pourra toujours se réfugier dans les statistiques d’après-match, sur son repli défensif parfois léger, sur ses gestes superflus, mais comme au jeu du cirque, c’est la plèbe qui a toujours raison. Et à Nice, les gens ont applaudi. Il est là, au fond, le curseur adéquat pour juger le niveau de Javier Pastore. Dans le cœur des gens.
Par Mathieu Faure