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Javier Irureta : « Au Barça, Setién est au bord d’un précipice »
Entraîneur du Superdepor avec qui il a notamment soulevé une Liga en 2000, Javier Irureta, a eu sous ses ordres Ernesto Valverde, mais aussi Quique Setién. Et le Basque est formel : son ancien capitaine au Racing Santander a les épaules pour supporter la pression du Barça.
Vous avez eu Quique Setién sous vos ordres. Quel souvenir en gardez-vous ?J’ai été son entraîneur à Logroñes, mais aussi au Racing Santander, où il était mon capitaine.
C’était un grand joueur. Il adorait cajoler le ballon et que l’équipe le fasse tourner. Comme il avait une bonne vista, je l’ai placé au milieu du terrain, pour qu’il joue un peu à la manière de ce que peut faire Busquets au Barça. Setién avait beaucoup de ballon, d’ailleurs à l’Atlético, il évoluait en tant que milieu offensif, plus proche de la surface adverse, mais j’avais besoin d’un joueur avec beaucoup de personnalité dans cette zone du terrain et il a donné entière satisfaction. Il avait beaucoup d’influence sur les autres joueurs, c’était un bon capitaine.
Est-ce qu’il avait un style Barça ?Ce qui est sûr, c’est que c’est un entraîneur qui ne s’est pas assis sur les principes de jeu qui étaient les siens lorsqu’il était joueur. Quique a toujours aimé jouer vers l’avant. Au Racing, il jouait devant les trois centraux, mais sa préoccupation était toujours de bien relancer, de donner le ballon juste pour que l’équipe puisse créer des situations d’attaque. Il fait partie de ces footballeurs qui pensaient très bien le jeu. Quand il avait le ballon, il savait parfaitement quoi en faire, et quand il ne l’avait pas, il savait très bien comment s’y prendre pour le récupérer. Il a toujours eu une très belle lecture de jeu et il a montré qu’il était un bon pédagogue puisque les équipes qu’il a dirigées se caractérisaient par leur lecture du match. À Lugo, par exemple, il a fait des choses extraordinaires (l’équipe était surnommée « le Barça de deuxième division » , N.D.L.R.). Là-bas, il était très heureux de pouvoir montrer qu’il était un coach qui n’avait pas mis ses principes de joueur de côté. Certains peuvent se dire : « Oui, mais ce n’est que Lugo. » Peut-être, mais c’est toujours plus difficile de donner une véritable identité de jeu à une équipe modeste.
Vous aviez décelé qu’il pouvait être un bon coach à l’époque ?Il n’en parlait jamais, mais je voyais qu’il avait les qualités pour le devenir.
J’ai entraîné beaucoup de joueurs qui sont devenus entraîneurs par la suite. J’ai même entraîné Valverde (au Sestao, N.D.L.R.), mais c’est vrai que Quique avait beaucoup de personnalité. Quand on discutait, on voyait bien qu’il avait les idées claires sur ce qu’il aimait voir sur un terrain. Il adorait théoriser sur le football, en parler. Sincèrement, je ne sais pas pourquoi il a attendu autant de temps avant de devenir entraîneur. Peut-être qu’il avait d’autres passions. À l’époque, je me souviens qu’il était fou d’échecs. Pendant son temps libre, il voyageait dans toute l’Espagne juste pour assister à des parties de grands joueurs d’échecs.
Vous n’avez pas peur qu’il se fasse manger par le vestiaire du Barça ?Ses années à Las Palmas et au Betis l’ont fait mûrir, mais bon, entraîner Piqué ou Messi, c’est une autre paire de manches. Malgré tout, je pense qu’il est prêt à relever le défi d’entraîner le Barça. Il a la personnalité, les connaissances, et l’énergie nécessaire pour s’imposer dans ce club.
Est-ce qu’il faut absolument être fan de Cruyff comme Setién pour entraîner le Barça selon vous ?Le Barça évoque toujours l’héritage de Cruyff, l’importance qu’il donnait au style, aux jeunes du centre de formation… Le fait que Setién ait toujours évoqué son admiration pour Cruyff va le faire entrer du bon pied dans le club. C’est un plus, disons, mais on n’est plus à l’époque de Cruyff. Avec tout le respect que j’ai pour cet immense entraîneur, le jeu a évolué. Setién est dans une position difficile, car Valverde lui laisse une équipe qui est leader de Liga et qui a fini première de son groupe en Ligue des champions. Si l’équipe ne continue pas en C1 et perd sa première place en championnat, ce sera compliqué pour Setién. Si on schématise la chose, Quique se trouve au bord d’un précipice. Il faudra qu’il trouve le moyen de ne pas tomber dedans. Avec la qualité et l’expérience qu’il a, je suis sûr que ça n’arrivera pas. Je l’espère en tout cas.
Propos recueillis par Aquiles Furlone