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- Interview Maurizio Pugliesi
« J’aurais aimé faire des gosses plus tôt »
Si Higuaín a fait tomber le record de buts et Buffon celui d’invincibilité, le record le plus chouette est celui établi par le troisième gardien de l’Empoli. Titularisé lors de la dernière journée, il est devenu le plus vieux débutant de l’histoire de la Serie A à 39 ans, 4 mois et 18 jours.
Ciao Maurizio. Comment as-tu été mis au courant de la possibilité de battre ce curieux record ?Je l’ai su il y a un mois quand les supporters de l’Empoli ont lancé un hashtag #unminutoperPugliesi (une minute pour Pugliesi) pour me faire jouer. À partir de là, il y a eu des articles et j’ai vu que j’avais la possibilité d’établir un nouveau record. D’ailleurs, je pense que ce sera difficile d’aller me chercher.
En toute sincérité, tu y accordes vraiment de l’importance ?Ça fait toujours plaisir de finir dans les almanachs, on se rappellera de moi pour ça, je l’ai pris comme une récompense pour ma carrière et je ferai en sorte de le rappeler dès que possible.
Tu connaissais le Brésilien Amical Barbuy de la Lazio, le précédent détenteur ?
Non, et je ne me suis pas informé, j’avais autre chose à penser durant la semaine, disons que le fait d’avoir battu un record de plus de 80 ans est une satisfaction supplémentaire. En revanche, je connais très bien le troisième de ce classement, Alessandro Cesaretti qui avait débuté avec Messina en 2007, on a évolué ensemble à Pescara quelques années plus tôt et on se disputait la place de second gardien.
Comment as-tu appris que tu allais disputer ce match contre le Torino ?Lors d’une conférence de presse du coach en semaine, suite à la question d’un journaliste, Giampaolo a fait comprendre qu’il m’aurait fait jouer au moins cinq minutes. Ensuite, on en a parlé ensemble, et il a confirmé son intention, mais il ne savait pas encore s’il devait me titulariser.
L’approche de ce match ne devait pas être simple.C’est quelque chose que j’attendais depuis deux ans, il y a eu une forte émotion, mais surtout ce qu’on appelle de la « tension saine » . Je me suis préparé comme pour les matchs précédents et ça a parfaitement fonctionné.
Tes coéquipiers ont bien dû te préparer quelque chose, non ?Avant la rencontre, ils ont fait une vidéo dans laquelle chacun me souhaitait bonne chance, c’était vraiment une belle attention, et après, on a fêté ça dans les vestiaires, ainsi que la 10e place. Je n’ai pas eu le temps de leur payer un resto, car on était direct en vacances, donc je le ferai l’an prochain !
Et tes amis ?
Mes potes sont venus au stade et ont déroulé une belle banderole sur laquelle était écrit : « Finalement, le rêve s’Accomplit » avec le « A » de Serie A en majuscule. Ils ont même lancé les chants pendant le match, je ne m’y attendais pas du tout. Pas mal d’anciens coéquipiers m’ont appelé pour me féliciter et aussi des amis que j’ai laissés dans les autres villes où j’ai joué, parfois des gens dont je n’avais pas de nouvelles depuis un moment. Ça veut dire qu’ils continuent à me suivre malgré les années qui passent et ça me fait très plaisir.
Tu fais plutôt un bon match avec plusieurs parades et 6,67 de moyenne selon les trois quotidiens sportifs.C’est vrai que j’ai fourni une belle prestation, j’ai aussi été chanceux avec un poteau et une barre, mais même si je suis un petit vieux, je m’entraîne toujours à 100 % et j’étais prêt. D’ailleurs, à mon âge, tu savoures mieux ce genre d’événement.
Tu touches en tout 41 ballons, le premier ?(Il réfléchit) Ça doit être une passe en retrait, mais je n’avais aucune appréhension, une fois que l’arbitre a sifflé, c’était un match totalement normal du point de vue de la concentration.
Autres stats, 52% de passes réussies et pas moins de 11 longues passes loupées, on ne voudrait pas être sévère, mais ce n’est pas terrible !(rires) Disons que c’est un peu faussé parce qu’il y a les dégagements aux six mètres et si ce n’est pas un coéquipier qui remporte le duel aérien à la réception, ça compte comme une passe manquée !
C’est tout de même une belle récompense sachant que tu pensais prendre ta retraite il y a deux ans…Après ma dernière saison à Pise, j’étais sans club, et je dois remercier ma famille qui a fait passer la pilule. Avec ma femme, on prenait le camping-car et on allait en bord de mer pour oublier un peu tout ça, puis l’Empoli a lâché son troisième gardien le dernier jour du mercato et m’a donc appelé.
Tu estimes faire partie de ces joueurs italiens de Serie B/C négligés par les dirigeants de club de Serie A ?
Je n’avais jamais eu aucun contact avec un club de l’élite auparavant. Je ne vis pas de regrets, mais c’est clair que lorsque je jouais avec continuité en Serie B à Rimini, je me serais attendu à un coup de fil, mais chacun a ce qu’il mérite. Si je suis arrivé si tard, c’est que ça devait se passer comme ça.
À Rimini justement, tu as fréquenté un certain Handanović.Il avait 21 ans et était déjà très fort avec une grosse personnalité. D’ailleurs, la seule année où j’ai joué peu de matchs dans ce club, c’est parce qu’il était là. Ça se voyait qu’il allait aller loin.
On a parlé de ton premier match en Serie A, mais ton premier match chez les pros, c’était comment ?Un Livorno-Pontedera en 1995-1996 en quatrième division, c’est un derby, hein ! Je l’ai vécu totalement différemment, car j’étais un gamin insouciant, je ne pensais pas aux conséquences, j’étais très serein contrairement à dimanche dernier où la tension était forte.
Tu es toscan comme Buffon et Storari, deux autres gardiens qui se distinguent aussi par leur longévité, c’est quoi votre secret ?La bouffe et les vins toscans qui forment notre écorce ! Plus sérieusement, c’est l’état d’esprit qui fait la différence, j’y inclus aussi Totti, on a la gnaque et l’envie de faire les choses au max.
10e place et 46 points, c’est mieux que l’an passé où vous aviez fait 15e avec 42 points, qui l’aurait prédit après le départ de Sarri ? C’est vrai, personne ne pouvait penser à un maintien aussi tranquille après la fin du cycle Sarri, mais on avait vraiment une forte équipe cette année avec des gars comme Paredes et Zielinski. On a pris 30 unités lors de la phase aller, malgré un coup de mou au retour, on fait 46 points, c’est un très joli score pour une équipe comme Empoli.
Giampaolo pourrait finir sur le banc du Milan, que peux-tu nous dire sur lui ?
Une grande personne et un excellent coach, il est loyal et te dit les choses en face. C’est quelqu’un qui a beaucoup de mérite, car il s’était fait oublier, il est quand même redescendu en troisième division, mais il a montré que sa place était parmi l’élite. S’il signe dans un grand club, ce serait tout à fait mérité.
Il y a une autre chose que tu as faite tardivement ?Peut-être des enfants, j’ai attendu 29 ans avant d’avoir ma première fille, si j’avais su comment allait se passer l’histoire avec ma femme, j’aurais fait des gosses plut tôt.
Tu comptes t’arrêter sur ce record ?Je suis en fin de contrat, j’aimerais rester, je me trouve bien à Empoli, je suis prêt à resigner. Dans le cas contraire, pourquoi pas continuer ailleurs…
Dernière chose, les vacances arrivent, tu saurais nous conseiller un endroit sympa en Toscane qui sort un peu des circuits habituels ?Allez chez moi, dans la Valdera, il y a ces collines toscanes typiques, mais c’est beaucoup moins touristique. Je viens d’un bourg de 1200 habitants qui s’appelle Santo Pietro Belvedere et il y a des gîtes ruraux où on mange divinement bien !
Propos recueillis par Valentin Pauluzzi