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Jardim, un surdoué sans expérience à Monaco

Par William Pereira
Jardim, un surdoué sans expérience à Monaco

C'est officiel, Leonardo Jardim remplace Claudio Ranieri sur le banc de l'AS Monaco. Inconnu en France, l'entraîneur portugais fait beaucoup de sceptiques sur le Rocher. Il faut dire que malgré une ascension fulgurante couronnée par une excellente saison avec le Sporting, le natif de Madère n'a toujours rien gagné au plus haut niveau...

Enfin. Après plusieurs semaines d’attente, l’AS Monaco tient son nouvel entraîneur. Et sans surprise il s’agit de Leonardo Jardim. À défaut de susciter crainte et respect, le nom du transfuge du Sporting a suffisamment circulé pour que la Ligue 1 comprenne qui est le bonhomme au moment de sa signature. Car à la base, Jardim est un inconnu. S’il avait débarqué un mois plus tôt sur le Rocher, la phrase-clé de sa conférence de présentation aurait pu être « je connais la Ligue 1, mais la Ligue 1 ne me connaît pas » . C’est d’ailleurs ce point qui rend l’éviction de Ranieri d’autant plus étrange, lui à qui on a montré la porte car sa renommée ne collait pas avec les ambitions de Dmitri Rybolovlev. Une décision aussi incompréhensible qu’irrespectueuse envers un homme qui, n’oublions pas, valait bien mieux que la Ligue 2 au moment où il a repris l’ASM. Un homme qui va finir par maudire le Portugal du fond de son âme. Avant Jardim, c’était un autre entraîneur-hype, José Mourinho, qui l’avait poussé vers la sortie alors qu’il venait de terminer deuxième de Premier League et d’atteindre le dernier carré de la Ligue des champions avec Chelsea. Sauf que Leonardo Jardim n’a pas réalisé de doublé C3-C1 en plus d’avoir raflé un bon nombre de titres nationaux. De fait, le natif de Barcelone (Venezuela) n’a jamais rien gagné si ce n’est le championnat de D2 portugaise avec Beira-Mar en 2010. C’est peu, très peu.

Leonardo Jardim, ce surdoué

Si l’on s’attarde uniquement sur ses statistiques, on pourrait qualifier le Portugais et ses agents d’escrocs (ou de génies, selon les préférences). Mais à y regarder de plus près, on se rend compte qu’il a laissé l’Olympiakos en tête du championnat grec avec une dizaine de points d’avance sur le deuxième, qu’il a failli gagner la Liga Sagres avec Braga devant le FC Porto et Benfica, qu’il a fait remonter Beira-Mar en D1 avant de lâcher le club d’Aveiro en cours de saison (Beira-Mar occupait alors une place européenne) et bien sûr, qu’il a permis au Sporting de ressusciter d’entre les morts avec un budget d’austérité. Le tout dès la première année. Pour comprendre Jardim, il faut citer Darwin. « Les espèces qui survivent ne sont pas les espèces les plus fortes, ni les plus intelligentes, mais celles qui s’adaptent le mieux aux changements. » Le Madeirense est une sorte de Will Hunting du football, un type qui comprend tout, tout de suite, obligé de voler de club en club sans jamais rester plus de deux saisons au même endroit pour ne pas sombrer dans l’ennui. Un type qui a préféré réaliser son rêve plutôt que d’embrasser ces longues études qui lui tendaient les bras, lui l’élève appliqué. Bref, Jardim est un homme de choix et de défis. Et ça tombe bien, car l’AS Monaco constitue pour lui un challenge inédit sur bien des points.

Nouveau championnat, nouvelle problématique

Marié à une psychologue, Leonardo Jardim semble avoir assimilé les connaissances de sa femme en ce qui concerne la motivation des joueurs et la gestion des égos. Partout où il est passé, il a laissé à ses troupes l’image d’un meneur d’hommes discret mais ambitieux, un autoritaire à l’écoute de ses hommes. Encore un sacré paradoxe. Une question subsiste néanmoins. Sera-t-il capable d’en faire de même dans un vestiaire qui coûte sans doute plus cher que tous ses précédents effectifs réunis ? À Monaco, il aura l’occasion de tester ses talents de psy sur des égos comme Falcao (double vainqueur de l’Europa League), Berbatov (tête brûlée passée par Manchester United), Ricardo Carvalho (ancien bras droit du Mou qui a envoyé Paulo Bento paître) et Jérémy Toulalan (un type qui fait écrire des lettres à son avocat au fond d’un bus). Bref, du très lourd. Mais gérer des melons ne sera pas le seul souci de Jardim (sinon l’ASM aurait engagé un primeur). Le sens de l’adaptation du Portugais sera également mis à l’épreuve. Passer de la Liga Sagres à la Ligue 1, c’est changer de monde. C’est passer d’un jeu léger, raffiné et technique à un championnat plus rigoureux physiquement, tactiquement et défensivement. Le football français va obliger Leonardo Jardim à évoluer, même s’il est vrai que son Sporting était tout sauf frêle et indiscipliné.

Avec Rojo et William Carvalho dans ses valises ?

De Slimani à Rojo en passant par William Carvalho et Adrien Silva, le Portugais disposait au Sporting d’une colonne vertébrale solide, capable de faire le boulot pour récupérer le ballon tôt au sol ou dans les airs avant de déployer un jeu propre qui passait bien souvent par des ailiers à qui revenait la tâche de percuter, d’entrer dans la surface ou de centrer pour l’excellent joueur de tête qu’est Slimani. Si Jardim réussit à reproduire ce schéma de jeu en l’adaptant au football hexagonal, Radamel Falcao pourrait bien terminer la saison avec 20 buts de la tête et James Rodríguez avec autant de passes décisives. Mais pour y arriver, le vice-champion de France devra muscler sa défense, trop perméable, et son entrejeu, efficace à la récupération, mais trop moyen à la relance à l’image de Toulalan et Kondogbia. Ça tombe bien car Jardim a de la suite dans les idées. Il compte prendre l’Argentin Marcos Rojo ainsi que le crack portugais William Carvalho dans ses valises. Le premier apporterait beaucoup de fraîcheur dans une charnière passée de date depuis bien trop longtemps, tandis que le second constitue un excellent compromis entre puissance physique et qualité de passe. Mais rien ne dit que les deux gamins poseront pied sur le Rocher cette année. Si Valence semble être le seul adversaire des Monégasques sur le dossier Rojo, toute l’Europe souhaite s’attacher les services de William Carvalho. C’est sans doute pour faire monter les enchères que le président du Sporting a refusé hier une offre de 33 millions de la part de l’ASM pour son milieu de terrain. Entre son divorce et le mercato, Dmitry Rybolovlev devrait sortir de l’été les poches légères…

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