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- Bordeaux-AS Monaco (0-4)
Jardim, la quête de l’excellence
Comme prévu, la voilà de retour sur son trône. Facilement victorieuse à Bordeaux samedi (4-0), l’AS Monaco va passer la soirée en tête de la Ligue 1 et pouvoir continuer à vivre avec ses rêves. Reste que si Leonardo Jardim est aujourd’hui regardé avec respect par tous, son comportement raconte un peu plus que l’histoire d’un homme qui aime se contenter de peu.
Un repère. Le 17 août 2014. Seul face aux juges de l’instant, Leonardo Jardim refuse l’inquiétude. Il sait qu’au moment de faire les comptes, il sera jugé à l’aune de ce qu’il ramène, pas ce qu’il raconte. Les mots ont un sens et valent pourtant souvent plus qu’une pile de statistiques. Le Portugais n’est arrivé à Monaco que depuis quelques semaines, mais il est regardé, scruté, attendu surtout. Le Français déteste souvent ce qui brille et l’ASM brille alors par ses millions, son projet fou, difficilement lisible par moments, mais retravaillé pour gagner. Alors, forcément, quand elle tombe dès la deuxième journée d’un championnat où elle entend compter, il pose son jugement comme s’il devait être définitif. Cette soirée d’août, l’embryon du Monaco de Jardim était tombé à Chaban-Delmas (4-1) après avoir mené à la mi-temps.
Le nouvel entraîneur monégasque avait alors été interrogé, décortiqué. Critiqué ? Oui, comme pour annoncer la teneur des mois futurs où certains l’accuseraient de « tuer le football » . Le supporter de foot est impatient, c’est humain. L’observateur doit apprendre à ne pas l’être. Ce soir-là, Jardim avait alors assuré « ne pas être inquiet. Il faut que nous continuions à travailler, à croire en nous » . Puis, Bordeaux était devenu sa bête noire. Plus de deux ans après, Leonardo Jardim est revenu, et tout a changé. Le décor, l’ambiance, l’histoire aussi beaucoup. Et son Monaco est beau, doux, soyeux, et s’est imposé avec violence au Matmut-Atlantique (4-0) grâce à un triplé d’un Radamel Falcao qui avait inscrit son premier but en France lors d’un match à Bordeaux en août 2013. Comme quoi.
Le football parfait
Leonardo Jardim n’est plus le même, son Monaco non plus. La France s’y est maintenant habituée, mais il faut le voir évoluer maintenant. L’ASM est ce soir en tête de la Ligue 1, en attendant le PSG-Nice de demain, a la meilleure attaque d’Europe – pas mal pour un entraîneur criminel – et enchaîne « les tartines » comme le concède, admirative, sa victime du soir, Jocelyn Gourvennec. « C’est le très haut niveau. On n’a pas été à la hauteur de cette rencontre et on ne peut pas se le permettre quand, en face, l’équipe récite un football parfait où les joueurs ne se trompent jamais. » Samedi, les Monégasques ont une nouvelle fois brillé avec grandeur, violence et autorité par virtuosité et savoir-faire.
Le Virage Sud du Matmut-Atlantique continuant de chanter pendant la partition, la voir se dérouler n’en était alors que plus agréable. « Oui, c’est une belle soirée. On a su mettre une grosse pression dès les dix premières minutes et empêcher l’adversaire de respirer. On est plus efficace cette année, meilleurs aussi forcément. Ce championnat est équilibré, c’est bon pour la France, mais, nous, on peut encore progresser. Il y a toujours des choses à améliorer, le groupe est jeune. Un joueur a toujours besoin de progresser. La vie est faite comme ça, donc cette progression est une ambition individuelle et collective » , a posé Jardim après la rencontre, coincé dans une veste grise qui pose l’homme et ses idées. Une certaine vision de la liberté et du football qui vit.
Des chiffres et des lettres
Il faut surtout le voir pour le comprendre. Voir comment il s’agite lorsque son équipe mène 3-0 et ne concède rien. Voir comment il peut jouer avec sa zone technique et le quatrième arbitre pour toujours préciser, détailler, guider même en période de totale maîtrise. Voir, aussi, la manière avec laquelle il peut exulter sur un anonyme penalty qui pose son équipe à 4-0 alors qu’il se contente de frotter ses mains sur un deuxième but en cinq minutes. Jardim représente une certaine idée de l’excellence, de la remise en question constante, du refus de se satisfaire de l’instant. Une vision anti-française, aussi, et c’est ce qui en a longtemps dérangé certains. Aujourd’hui, Leonardo Jardim a été accepté et a déjà laissé une trace visible dans les mémoires, la trace écrite n’est toujours pas évoquée. Les prochaines semaines, les prochains mois doivent servir à ça.
Peut-être qu’on va une nouvelle fois trop vite, mais certains signes ne trompent pas : il faut profiter de cette AS Monaco, généreuse et respectueuse, brillante et insouciante. Ce n’est qu’une victoire de plus, trois points qui serviront sûrement plus tard, mais la manière importe plus que le fait. C’est aussi l’histoire des mots sur les chiffres. Comme quoi, parfois, il faut savoir se taire et écouter, digérer avant de juger. Profiter sans s’enflammer, car la récompense n’en sera que plus belle. Personne ne sait où terminera ce Monaco, mais voilà qu’il continue de dessiner une certaine idée de l’approche. Celle où l’excellence brûle les auto-satisfaits.
Par Maxime Brigand, au Matmut-Atlantique