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Jardim, du maintien à la redescente
Monaco pourrait pratiquement acter dans les têtes son maintien en cas de victoire ce samedi soir, au Roudourou. Un soulagement certain qui laisserait cependant place au vide et à la réelle mission qui attend désormais Jardim.
Jusqu’au week-end dernier, il était de bon ton de saluer les effets probants du retour de Jardim. À juste titre. Si les éléments – recrues, retours de blessures, faiblesse de la concurrence dans la course au maintien – l’ont poussé autant qu’ils l’avaient fait reculer en début de saison, il faut bien admettre qu’il y a mis son souffle. En faisant éclore une dynamique jusque-là étouffée dans un terreau de peur comme l’ASM n’en avait plus connu depuis 2012, il a soigné sa résurrection et lavé les pêchés qu’on pouvait à raison ou à tort lui attribuer quelques mois en amont. Il l’a fait à la Jardim : avec malice et pragmatisme. En ne reniant pas le maigre héritage de son éphémère successeur (l’installation de Badiashile dans l’axe de la défense) et en réaffirmant ses propres fondations (une équipe basée sur la verticalité et dépendante de l’inspiration de ses individualités offensives), il a presque atteint l’objectif plus vite que prévu. Pourtant, dimanche dernier, au stade Louis-II, le rappel à la réalité a été maussade. Face au néant caennais, ce qu’il restait d’adrénaline s’est évanoui, et le vide a fait son apparition. Monaco n’a plus peur de ce qui se passe derrière et prend doucement conscience de son horizon sans relief.
Ni rêve ni cauchemar
Il serait aisé de se raconter une petite histoire, un brin excitante, un brin effrayante. Après tout, Monaco n’a que trente points, et le Roudourou a toujours été une terre hostile pour les princes du Rocher. Ils y ont perdu un titre de champion en 2003, tandis que le sort de Ranieri et les espoirs d’une Coupe de France qui échappe à l’ASM depuis 1991 s’y étaient scellés lors de la demi-finale en 2014. Le 29 janvier dernier, pour l’acte un de la seconde ère Jardim, les Monégasques y ont aussi broyé leur rêve improbable et pourtant accessible d’embrasser le frisson européen une sixième saison consécutive.
La peur n’est jamais très loin pour un club qui a un jour réussi l’exploit de descendre avec 44 points. Mais les rêves enterrés surpassent désormais sans peine le réveil hypothétique du cauchemar. La plaie pansée par l’urgence du quotidien s’est sans doute rouverte samedi dernier en jetant un œil furtif à cette finale de Coupe de la Ligue, certes peu emballante, mais qui suffit au bonheur de tous ses vainqueurs. Le club du Rocher sera bientôt sauvé, mais il n’aura pas réussi à sauver sa saison. Dans la grande dépression qu’est la saison de l’AS Monaco, le retour réussi de Leonardo Jardim aura en quelque sorte rempli le rôle de phase maniaque ou euphorique. Ses effets vont peu à peu se dissiper et ils ne résolvent en rien les questions que pose cette ASM en mutation forcée.
Assumer le pouvoir
Puisque l’actuelle n’a plus grand intérêt, s’il faut déjà songer à la saison qui s’annonce, la véritable prouesse de l’entraîneur portugais – bien plus que se maintenir avec une équipe qui pourrait concourir pour le podium – serait de peser positivement sur la politique sportive de son club. Il serait naïf de croire que l’AS Monaco puisse changer de modèle. C’est le sien, elle l’a presque inventé, il a formidablement marché et c’est le seul qui vaille pour sa survie dans l’élite du football européen. La nature du modèle restera une solution, mais son degré d’application est devenu un problème.
Il est toujours bon de rappeler que la saison qui a fait de l’ère Jardim un cru inoubliable est celle où l’on s’était félicité du mercato de Monaco non pas pour ses transferts spectaculaires, mais pour ses achats utiles. En faisant porter la totale responsabilité de l’échec à Vasilyev, en rappelant Jardim, en lui présentant carrément des excuses privées et publiques, en lui délivrant un blanc seing pour la dernière ligne droite du mercato hivernal, et en le laissant – depuis des années – s’opposer à chacun de ses directeurs sportifs, Rybolovlev a implicitement accordé un crédit illimité à son entraîneur portugais. Reste désormais à observer si Jardim aura le courage de s’en servir ou s’il se complaira, une nouvelle fois, à jouer les faiseurs de miracles.
Par Chris Diamantaire