- C1
- 8es- Tottenham-Dortmund (3-0)
Jan solo
L'Angleterre attendait l'envol de Jadon Sancho, elle l'aura finalement vu sombrer face à l'expérience de Jan Vertonghen, titulaire surprise sur le flanc gauche de la défense de Tottenham, puis auteur d'un but et d'un caviar pour Son. Yes sir, si les Spurs sont déjà presque qualifiés, c'est de son fait. Alors bilan ? Pari réussi.
Depuis un an, la main gauche dans le caleçon et une montagne de pop corn recouvrant la droite, Jan Vertonghen regarde jouer Dortmund pour son pote Axel Witsel. « Quand vous connaissez plusieurs joueurs chez un adversaire, vous allez automatiquement suivre davantage cette équipe. C’est arrivé lorsque Axel Witsel a rejoint Dortmund cet été. Nous sommes coéquipiers chez les Diables et nous parlons souvent du football allemand. » Parole délivrée en avant-match par le défenseur belge et confirmation : ce gars-là savait ce qui l’attendait. Une déclaration, après coup, terriblement annonciatrice du coup de tonnerre de ce mercredi soir, car alors que Tottenham recevait le Borussia sans Harry Kane, les Spurs se sont sortis de la mélasse allemande par un but et une passe décisive de leur défenseur central. Aussi incompréhensible que mathématiquement implacable.
Le sang-froid face à Sancho
Au coup d’envoi, pourtant, Lucien Favre a dû froncer les sourcils : Vertonghen arrière gauche ? Un central sur l’aile pour combler les absences de Rose et Davies et surtout contrer Jadon Sancho ? Pourquoi pas, après tout, il le fait déjà avec les Diables rouges. La suite, c’est celle-là : une masterclass délivrée sur plus d’une heure trente, dans laquelle le prodige anglais s’est comme retrouvé sur les bancs d’une université qu’il n’a jamais fréquentée, histoire d’apprendre comment surpasser défensivement et offensivement un adversaire que le monde encense. Pourtant, ce mercredi soir, l’événement était annoncé comme le retour d’un boxeur star dans son premier gymnase : venez voir le retour de l’enfant star ! Jadon pose les crampons à Wembley, sur ses terres, pour expliquer son football à qui doute de son efficacité, et compte bien rejoindre la Ruhr avec une manche aller remportée sous le bras comme Agüero rapatrierait le ballon du match après un triplé. Raté.
Le bonhomme a non seulement disparu des radars en seconde période après un premier acte pourtant prometteur, mais a également essuyé une leçon de football offensif de la part de son vis-à-vis, un gars de 31 ans qui facture tout de même 110 sélections en équipe nationale belge, un record. Car des bonnes actions des Spurs, il aura pratiquement toujours été acteur : l’enchaînement éclair contrôle poitrine-volée de Lucas en début de match découle de l’une de ses montées, pour ce qui constitue la seule percée notable des Anglais en première période. Ensuite, c’est L’Amour est dans le pré, sans les vaches, mais avec une passion XXL pour les râteaux : son centre pour Son est une merveille, du genre tendu, du genre placé, du genre parfait. Le Sud-Coréen, au passage, marquait là son premier but cette saison en C1, le neuvième de sa carrière contre le BvB, sa victime préférentielle. Puis Vertonghen a continué de marcher sur son monde, écrasant là Dahoud comme Gulliver poserait l’orteil sur Lilliput, se permettant même de filer seul au but à l’heure de jeu en oubliant Lucas.
Invité – évidemment – à s’exprimer pour Tottenham en conférence de presse avant la rencontre, le Belge avait assuré ceci : « On peut battre n’importe qui. » Alors imaginez le sort réservé à un Borussia privé de certaines de ses pièces maîtresses pour cause de gastro, à savoir Reus, Alcácer, Piszczek ou même Weigl. Bild rapportait d’ailleurs que Sancho et Diallo avaient oublié leurs passeports chez eux avant le voyage en avion, et avaient donc dû rentrer chez eux pour les récupérer. Rien à voir, ou peut-être que si, on en revient à la jeunesse.
Volée pas volée
L’an dernier, les Spurs avaient déjà affronté le BvB en phase de poules, repartant de cette double confrontation avec six points dans la musette (3-1, est 1-2). Cette saison, c’est avec la satisfaction d’avoir quasiment brisé tout suspense à l’aller que Mauricio Pochettino prendra l’Eurostar, notamment grâce au but de son pari du soir, Vertonghen. Sa volée à la 83e minute est quasiment un copié-collé du premier but, le BvB ayant complètement été débordé sur ses ailes et Serge Aurier réussissant d’ailleurs probablement là sa seule bonne passe du soir.
De quoi parler d’homme du match ? Sans aucun conteste. Et à la surprise générale, oui, le bonhomme ayant tout simplement loupé treize matchs cette saison pour cause de claquage tendineux récalcitrant, aux ischio-jambiers et à la cuisse. « Je me sens enfin de nouveau footballeur à part entière, confiait-il début janvier à la presse. Il me reste juste à retrouver la forme de la saison dernière, et ce sera parfait… » Allez, on peut le dire : Top Chef reprenait ce soir sur M6, mais Philippe Etchebest a assurément loupé le plus beau plat revisité de la soirée.
Par Théo Denmat