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Jan Kounen : « Au fond, je suis pour la beauté du jeu »

Propos recueillis par Christophe Gleizes
Jan Kounen : «<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>Au fond, je suis pour la beauté du jeu<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>»

Longtemps fan de l'Ajax, le Franco-Néerlandais Jan Kounen n'a pas mis les pieds au stade depuis une éternité. Entre deux bouffées de cigarette électronique, le réalisateur de Dobermann et 99 francs accepte toutefois de partager ses souvenirs de foot préférés. Avec beaucoup de Johan Cruyff, une pincée de Zidane et pas mal de Cantona dedans.

Salut Jan, t’en as pensé quoi du dernier France-Pays-Bas ?J’ai pas regardé. En ce moment, je suis occupé par la promo de mon nouveau film, Vape Wave. C’est un documentaire fiction sur le monde de la vape. Bouger de ville en ville pour des projections, cela me prend 95% de mon temps. Je suis allé à Perpignan, au Mans, à Rennes, à Lons-le-Saunier… C’est la croisade. Je me sens comme un hobbit, parti à l’assaut du Mordor qu’est l’industrie du tabac.


Tu n’aimes plus le foot ?

Quand ça devient chaud, la pression monte et le football réapparaît dans ma vie, que je le veuille ou non.

J’ai un rapport assez détaché. Je regarde les matchs seulement pour les grands évènements. Bien sûr, j’ai regardé l’Euro, notamment le match contre l’Allemagne. Quand ça devient chaud, la pression monte et le football réapparaît dans ma vie, que je le veuille ou non. Il y a tellement d’engouement autour de moi, j’ai besoin d’être à la page pour maintenir un semblant de vie sociale et professionnelle.

En tant que franco-néerlandais, tu es pourtant l’héritier d’une grande tradition…Quand j’étais jeune, j’étais plus à fond. Mon équipe, c’était l’Ajax. J’ai vu Cruyff jouer contre Cannes, lors d’un match amical. Ils ont mis 7-0, un truc comme ça. Ce que j’aimais chez Cruyff, c’était son côté rock and roll, son aspect créatif. Le foot, avec lui, c’était un ballet. C’était un génie du football, un saltimbanque. L’autre gars qui m’a marqué, c’était Beckenbauer. Pour un défenseur, le mec était quand même brillant. Je l’ai vu jouer avec le Cosmos quand j’avais seize ans, lors de vacances aux États-Unis.

Les gens étaient pas trop foot dans ta famille ?Si, au contraire. Mon père étant hollandais, j’ai connu pas mal d’ambiances hystériques. Les deux finales de Coupe du monde qu’on a perdues, par exemple, c’était douloureux. Mais il y a eu des bons moments. Je me souviens en particulier d’un but d’Arie Haan, lors de l’édition 1978 en Argentine. Le mec a tiré de quarante mètres contre l’Italie. Poteau rentrant. C’était la folie à la maison. Derrière, à chaque fois qu’un défenseur passait la ligne médiane, tous les mecs criaient « schiet ! » ( « tire » , ndlr). Le lendemain, il y avait une photo dans le Time, je m’en souviens bien : Dino Zoff en l’air, avec le ballon qui rentre et le buteur tout petit au fond du terrain avec la jambe croisée. Magnifique.


C’est quoi le dernier match que tu as vu des Pays-Bas ?Cela remonte à quelques années. C’était Hollande-Brésil, à la Coupe du monde 1998, à Marseille. J’étais invité. Dur.

Et de la France ?Je ne sais plus. Mais je me souviens bien de la finale de la Coupe du monde 98. On était chez moi, à l’époque, j’avais invité quelques potes pour profiter de mon super rétro-projecteur. Il y avait Jean-Pierre Jeunet, Albert Dupontel, Gaspard Noé et Alain Cavalier. C’était complètement surréel. À la fin, quand on a gagné, Aimé Jacquet crache sa souffrance face caméra, après avoir été trahi par la presse. Je me souviens qu’Alain Cavalier n’arrêtait pas de dire : « Mais non, Aimé, pardonne ! Aimé, pardonne ! » (Rires) C’était un beau moment.

Dans les deux cas, ça fait quand même presque deux décennies. T’aimes pas aller au stade ?

Le meilleur dans le foot, c’est tout ce que tu ne vois pas à la télé. La précision, la vitesse, les changements d’axe à 45 degrés, la taille des cuisses…

Si, au contraire. Le meilleur dans le foot, c’est tout ce que tu ne vois pas à la télé. La précision, la vitesse, les changements d’axe à 45 degrés, la taille des cuisses… Mais le truc qui m’a le plus choqué, c’est la distance. À la télé, le terrain semble faire douze kilomètres, tout semble lent, aseptisé, alors qu’en réalité, les gars jouent dans un mouchoir de poche. Les joueurs sont tellement proches, tu sens la précarité de la situation. Ils se passent le ballon au milieu, tranquille, alors qu’à moins de deux mètres, tu as un molosse prêt à bondir pour leur prendre la balle.

Pourquoi t’es-tu détaché du football alors ?À cause d’un petit traumatisme. Un jour, je me suis retrouvé dans les tribunes lors d’un match entre le PSG et la Juve, au début des années 90. Il y a eu de grosses embrouilles. J’étais à côté de la tribune des visiteurs, les Italiens avaient été hyper violents. Je me suis retrouvé face à des types accrochés aux grilles, qui hurlaient qu’ils allaient tuer quelqu’un. Ces mecs, c’est des fous. Ce jour-là, je me suis dit : « Je vois pas ce que je fais ici. » Je ne suis plus jamais retourné dans un stade, sauf pour la Coupe du monde.

C’est dommage…Avec l’âge, je suis moins à fond dans le foot, tout simplement. Maintenant, je suis pour l’équipe qui joue le mieux, qui prend des risques, qui ne se protège pas. Au fond, je suis pour la beauté du jeu.

Tu as tourné une pub sur le football, il y a longtemps…Ouais, c’était en 1994, à la veille de la Coupe du monde. À l’époque, je bossais en Angleterre. Adidas m’a contacté pour faire un spot publicitaire pour les Predator. J’ai tourné au stade de Sydney, c’était compliqué. Filmer du foot, c’est vachement complexe. Le pitch était assez simple : un petit Anglais se retrouve sur le terrain contre une horde d’Argentins. Il enfile les chaussures et d’un coup, il se met à danser, à dribbler et à jouer comme un Brésilien. À un moment, il se fait faucher. Coup franc. Le mec tire, le ballon contourne le mur, tape le poteau, puis la barre, rebondit sur le gardien, puis repart en l’air. Là, le petit fait une reprise de volée qui arrache à la fois le gardien et les filets. Un vrai coup de billard. Moi, j’étais très cartoon à l’époque, en mode BIM BAM BOUM.

Vidéo


Goal II, 3 zéros, Les Seigneurs et j’en passe… En tant que cinéaste, comment expliques-tu la relative nullité des films sur le foot ?
Je n’ai vu aucun de ces films, donc je ne peux pas trop dire. Mais à ma connaissance, il y a quand même de bons films sur le foot.

Tu nous conseilles quoi ?À mort l’arbitre, de Jean-Pierre Mocky, c’est un must. Il y a aussi Coup de tête de Jean-Jacques Annaud, un film magnifique avec Patrick Dewaere, qui jouait dans Les Valseuses. J’ai aussi entendu parler du film Zidane, un portrait du XXIe siècle, de Douglas Gordon et Philippe Parenno. Dix-sept caméras braquées sur lui pendant juste un match contre Villarreal. C’est très étonnant comme procédé, ça m’intéresserait de le voir. Ce n’est pas une fiction. Tout l’enjeu, c’est de capter l’art du football, la grâce de Zidane. Tu mets tous les moyens du cinéma non pas pour filmer une action de football, mais filmer le mouvement d’un joueur. C’est très novateur comme procédé.


Vibroboy, 99 francs, Dobermann, Blueberry… Tu es connu pour faire des films très particuliers qui divisent la critique, en mode 50-50. Est-ce qu’il y a un footballeur que tu prendrais volontiers comme acteur dans un de tes films ?
Oui, Cantona. J’avoue, c’est facile, il est déjà acteur. Il a même joué avec Ken Loach. Mais bon, ce mec, il me plaisait déjà quand il était joueur. C’est une nature. C’est difficile de jouer la comédie, mais il a une telle personnalité… Tu sais que si tu le mets devant une caméra, il va exister, il y aura de la présence. Actuellement, je ne vois pas d’autres joueurs avec un tel charisme. En même temps, je me trompe peut-être. Je ne connais pas assez bien le milieu.

Tu ne trouves pas de point commun avec celui du cinéma ?

Récemment, je suis allé dans une école, la première question que te posent les jeunes, c’est combien ça gagne un réalisateur ?

Le fait est, je trouve, qu’on est dans un monde qui expose trop la valeur de l’argent. Je préférais une époque où les joueurs n’étaient pas des valeurs marchandes, en tout cas exposées comme telles, de manière publique. C’est pareil dans le cinéma, avec les cachets des acteurs… Récemment, je suis allé dans une école, la première question que te posent les jeunes, c’est combien ça gagne un réalisateur ? À leur âge, ça ne me serait jamais venu à l’idée de poser cette question.

À quoi ressemblerait un film de Kounen sur le foot ?À Shaolin soccer, mixé avec le Dobermann, en un peu plus sanglant.

Il arrive quand ?Je ne sais pas. Si quelqu’un venait me voir avec une histoire spécifique au foot, ça serait parfait. Je ne suis pas fermé, mais il faut une histoire qui me parle. Par exemple, j’ai fait un film sur l’histoire d’amour entre Coco Chanel et Igor Stravinsky. À la base, je connaissais rien du monde de la mode, ni du sacre du Printemps. Mais quand une histoire me fait vibrer, elle résonne dans mon imaginaire et je me plonge volontiers dans l’univers. J’adore découvrir de nouveaux mondes.

Tu vapes sur une cigarette électronique, tu roules en skate électrique, tu es végétarien et en plus tu es passionné de réalité virtuelle. On peut dire que tu as déjà un pied dans le futur. Peux-tu nous dire, devant témoins, qui va gagner la Coupe du monde en 2018 ?
La Corse. Vous le savez pas encore, mais l’Europe, qui se fout de notre gueule, va exploser à cause des revendications du monde de la vape, qui est un enjeu sanitaire majeur (un monde actuellement menacé par la nouvelle directive européenne sur le tabac, ndlr). Du coup, les territoires vont être redéfinis, de nouvelles ligues vont être créées, l’équilibre du monde va être chamboulé. Dans ce contexte, la Corse sera indépendante, et plutôt bien placée. Les mecs s’entraînent déjà sur des casques occulus et comptent bien s’imposer en bourrinant, grâce notamment à l’utilisation de nouvelles drogues de synthèse indétectables.

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Propos recueillis par Christophe Gleizes

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