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Jamie Webster : « Liverpool est désormais l’équipe à rattraper »
Il est le fan le plus hype du Merseyside. Passé de guitariste de bar à égérie des supporters de Liverpool, Jamie Webster vit depuis deux ans un véritable rêve éveillé. Et le titre acquis par les Reds n’est qu’une ligne supplémentaire à son ascension délirante, malgré le gâchis provoqué par la crise sanitaire. C’est installé peinard dans le canap’ de ses parents que le musicos de 26 ans répond à nos questions, à peine perturbé par les passages de son père torse poil devant la caméra de son smartphone.
Salut Jamie. Explique-nous comment tu as suivi le titre de ton club ?Je l’ai vécu chez moi, en connexion avec le live de BT Sport (de nombreux fans de Liverpool étaient filmés en direct depuis leur domicile pendant le match entre Chelsea et City, N.D.L.R.). Honnêtement, je ne pensais pas qu’on serait champions ce jour-là. Je ne voyais pas City perdre au Bridge. Mais ils ont de nouveau démontré à quel point ils craignaient défensivement. Du coup, mon excitation n’a fait que grandir au fil des minutes… avant la délivrance.
Être champion dans ces conditions, ça fait quoi ?C’était bizarre, même si j’étais trop chaud au coup de sifflet final. Je voulais téléphoner à tous mes potes, mais, comme je te l’ai dit, mon smartphone était connecté à BT Sport, je devais donc attendre la fin du live. On voyait ma gueule à la télé.
T’as fêté ça comment ?Je suis allé à Anfield, aux abords du stade. Mais pas de la manière que tu crois, je suis resté à distance de la foule, histoire de rester responsable en ces temps de crise. Mais ce que j’ai vu cette nuit, c’était totalement fou. Ça fait trente ans qu’on attendait ça, merde !
Ça représente quoi, ce titre, pour un fan comme toi ?Everything ! J’ai 26 balais. Ça veut donc dire que ça fait 26 ans que j’attends ce moment. C’est ce que tout le monde attendait. On a beau avoir gagné la Ligue des champions, la FA Cup, la League Cup au cours des trente dernières années, ce qu’on voulait tous, c’était le titre en championnat. Tous ceux qui nous ont chambrés pendant tout ce temps nous reconnaissent enfin à notre juste valeur. On est désormais « the team to catch ».
On suppose que sans cette saloperie de Covid-19, tu aurais fêté ça en grande pompe.Ouais, j’étais censé jouer aux quatre coins du monde cet été. Plusieurs concerts étaient également prévus avec la Boss Night (concerts créés par le magazine Boss et dédiés aux fans de Liverpool, N.D.L.R.), notamment après le dernier match de la saison à domicile, contre Chelsea. Je devais aussi prendre part à la fête organisée par le club pour le staff et les joueurs, comme ce fut le cas l’an dernier après la victoire en Ligue des champions. Malheureusement, ce ne sera pas le cas, du moins pas pour tout de suite. Mais bon, le principal c’est que cette épidémie s’arrête le plus tôt possible afin qu’on puisse retrouver une vie normale. Nous ne saurons pas célébrer le titre comme nous l’aurions voulu, mais bon, il faut faire avec. Il y a des choses plus importantes dans la vie.
Tu mentionnes des shows partout dans le monde. C’est vrai qu’on t’a déjà vu jouer en Grande-Bretagne, en Irlande, à Madrid, aux États-Unis ou même à Dubaï dans le cadre de la Boss Night. Ton ascension est complètement dingue.Mec, j’ai rien vu venir. Je joue de la musique depuis que je suis gosse. Vers l’âge de 16 ans, j’ai arrêté de jouer dans mon groupe parce que je voulais suivre les matchs de Liverpool en tant que supporter. Dans ces déplacements, je me suis fait plein de connaissances dans la fanbase du club et, rapidement, les gens ont compris que je composais et que je chantais. À ce moment-là, je me faisais de l’argent de poche en reprenant des covers dans les bars de Liverpool. Un de mes potes m’a alors poussé à tenter ma chance dans les Boss Nights organisées avant et après les matchs dans le centre-ville. J’y ai fait mes débuts il y a dix ans. Et lors de chaque soirée, ma popularité au sein des supporters grandissait. Mais je ne pensais pas que ça deviendrait aussi dingue que maintenant.
Oui, car tu es véritablement devenu le chanteur numéro 1 du club.C’est assez fou de se le dire, mais oui. Je pense que l’ère Brendan Rodgers a changé un peu les choses. Les supporters ont commencé à reprendre des classiques pour les chanter à la gloire des joueurs. Et ça marchait plutôt bien. C’était du pain béni pour un chanteur comme moi. Peu après l’arrivée de Jürgen Klopp, j’ai été contacté par LFC TV, la télé du club. Ils m’ont proposé d’enregistrer une vingtaine de chants de Liverpool dans le cadre d’un documentaire sur l’origine de ces chansons. À partir de là, tout s’est emballé.
C’est-à-dire ?J’ai acquis une certaine crédibilité devant les fans. Des vidéos ont commencé à tourner sur internet et certaines sont devenues virales. À tel point que j’ai joué devant des milliers de fans dans le Parc Shevchenko avant la finale contre le Real Madrid en 2018, à Kiev. Les réseaux sociaux ont joué une grande part dans mon ascension. Derrière, j’ai été convié à prendre part à la tournée estivale du club aux États-Unis. En gros, je devais jouer pour les supporters américains dans les bars des villes traversées. Puis, un jour, lors d’un de ces concerts, Jürgen Klopp s’est pointé dans le pub où je jouais. Ça a été mon premier contact avec lui et c’est ce moment qui m’a permis de me faire connaître à l’étranger.
Le train était lancé ?Oui, car les gens ont commencé à me reconnaître dans la rue. Après cette tournée, j’ai continué à travailler avec le club. J’ai notamment joué de la gratte avec Alisson Becker pour LFC TV. Le tout en continuant mes concerts devant les supporters. Mais le point d’orgue de cette aventure, c’est le concert à Madrid, l’année dernière avant la finale de la Ligue des champions. Kiev, c’était déjà énorme, mais à Madrid, on a encore atteint une autre dimension. Avec les mecs de Redmen TV et de The Anfield Wrap (deux médias indépendants consacrés à l’actualité du Liverpool FC, N.D.L.R.), on n’en revenait pas. Je ne pense pas que ce genre de moment sera un jour égalé dans le monde du foot. C’était irréel. (La vidéo du concert a été vue plusieurs millions de fois sur Youtube, N.D.L.R.).
Puis le fait de gagner une sixième Ligue des champions a rendu les choses encore plus belles.Oui, surtout que j’ai eu la chance d’animer la soirée du staff et des joueurs après le match. C’est inoubliable. Le fait de partager ces moments avec les joueurs actuels ou certaines légendes, c’est incroyable pour un fan de Liverpool. Des gars comme John Aldridge, Robbie Fowler, Ian Rush ou Jamie Carragher étaient adorables.
Et Jürgen Klopp, il est comment ?Comme à la télé. C’est juste un mec fantastique. J’ai eu la chance de boire des pintes avec lui et son staff en dehors de l’animation des médias, lors de ma deuxième tournée américaine avec le club (été 2019, N.D.L.R.). Il était hyper décontracté, en fringues de ville, rien de relatif au club et on a tapé la causette. Il ne joue pas un jeu devant la caméra. C’est juste un type normal, un type bien.
Tu mentionnais les chants des supporters. Tu en as écrit quelques-uns. Celui sur Mo Salah par exemple ?Pas exactement. En fait, je donnais un concert après un match et je chantais « Sit Down » de James. Ce jour-là, Salah avait marqué trois ou quatre buts. Et pendant que je jouais, quelques mecs ont commencé à crier « Mo Salah » au lieu de « Oh Sit Down ». Du coup, j’ai bredouillé un truc que j’ai commencé à jouer à la guitare sur cet air et ça a pris directement.
Ce n’est pas la seule chanson que tu reprends et qui devient un hit auprès des fans.Non, c’est vrai. Un autre gros succès était « Allez allez allez » . Ce chant fut créé par les fans en déplacement à Porto, dans le métro. Je ne l’ai pas écrit, mais on va dire que je lui ai donné du tempo en le reprenant dans mes concerts. Depuis, ça marche à fond. Idem pour la chanson de Virgil van Dijk, sur l’air de « Dirty Old Town » des Pogues. J’avais donné un concert pour la Boss Night à Dublin. En rentrant à Liverpool, j’ai commencé à écouter plein de folk irlandaise. Lors d’un déplacement en bus pour un match à Huddersfield, on a commencé à reprendre « Dirty Old Town » avec quelques potes en changeant les paroles. C’est comme ça qu’est née la chanson sur Virgil van Dijk. Elle me plaît beaucoup parce que Liverpool a un gros héritage irlandais dans son histoire.
Comment tu expliques ton succès ? Tout simplement par le fait que je suis un fan de Liverpool et que je joue pour des fans de Liverpool. Quand ils me voient sur scène, les gens se reconnaissent. Et quand je les vois dans le public, je m’y reconnais aussi. Il n’y a aucun artifice, aucun fake. C’est aussi simple que ça.
Ton succès coïncide avec le succès de Liverpool en Ligue des champions et en championnat, depuis deux ans. Tu as le sentiment d’avoir joué un rôle dans ce retour des Reds au premier plan ?
Je ne peux pas dire si j’ai quelque chose à voir avec le fait que l’équipe joue bien. Je n’ai aucune influence là-dessus. En revanche, je pense qu’en tant que fan, je fais partie de toute cette atmosphère que Klopp a réussi à créer autour de son groupe. Dans ce sens-là, je crois que tous les supporters ont joué un rôle dans la forme de notre club. Le titre récemment acquis est le résultat de toute cette symbiose. Et dès que le coronavirus sera derrière nous, je peux te dire que Liverpool sera en liesse comme jamais.
Propos recueillis par Antoine Billa