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James Wilson, le premier Van Gaal Babe ?
Visage juvénile, maillot soigneusement rentré dans le short et insouciance des débuts, James Wilson est la nouvelle perle issue de l'académie de Manchester United. Aperçu furtivement l'année dernière, l'attaquant anglais, dix-neuf piges au compteur, monte gentiment en puissance. Au point de, parfois, pousser Falcao sur le banc.
À Manchester United peut-être plus qu’ailleurs, les triomphes les plus éclatants se lisent dans les yeux de ceux qu’on a vu grandir. Quand, en 1999, les Red Devils se hissent pour la deuxième fois de leur histoire sur le toit de l’Europe, c’est en grande partie grâce à la fameuse Class of 92 composée de Beckham, Giggs, Scholes, Butt et les frères Neville. Moins d’une décennie plus tard, Sir Alex Ferguson réitère l’exploit face à Chelsea en couchant cinq noms issus de l’académie sur la feuille de match. Depuis, la formation mancunienne peine à retrouver un élan aussi porteur. Le club britannique semble même avoir perdu patience, comme l’été dernier, où presque 200 millions d’euros ont été claqués sur le marché des transferts. Mais c’est la vente de Danny Welbeck à Arsenal, lui, l’enfant pourtant bercé au Glory United, qui a mis en émoi une frange de supporters.
À commencer par Mike Phelan, adjoint historique de Fergie, lequel y a vu le tournant d’une philosophie que beaucoup croyaient intemporelle. « Ils se sont éloignés de la façon de faire de Manchester United, regrettait-il début septembre au micro de la BBC. Maintenant, plutôt que de produire, ils préféreront peut-être acheter directement. Quelqu’un comme Danny Welbeck faisait partie de l’identité de United, et cela est désormais brisé. Que va-t-il se passer à l’avenir ? Personne ne le sait, mais ce fil conducteur a été rompu. » Un Darren Fletcher affaibli, mais garant de la culture du club a également suivi le pas lors du dernier mercato après treize années de bons et loyaux services. Par conséquent, ils ne sont désormais plus que quatre purs produits faits maison : Jonny Evans, dont on se demande encore ce qu’il fait là, Tyler Blackett et Paddy McNair, deux minots encore clairement trop tendres pour les joutes de Premier League. La seule véritable éclaircie dans cet horizon trouble se nomme James Wilson. Un visage juvénile combiné à des jambes de feu. Mais, aussi et surtout, des promesses. Beaucoup de promesses.
Engagé à 7 ans, lancé par Giggs
L’histoire de James Wilson s’apparente au plus près de ces destins déjà presque tout tracés : ceux réservés aux talents précoces. Le gamin de Biddulph, banlieue de Staffordshire, commence à peine à appréhender le ballon rond quand il est repéré par les scouts de United à l’âge de sept ans. Dès son arrivée chez les Red Devils, il va suivre la voie des plus grands en franchissant les paliers rapidement. Bien plus vite que les autres, même. Du haut de ses 14 ans, l’Anglais étrenne sa tunique rouge avec les U18 un soir d’octobre 2010. Une section qu’il ne va plus cesser de squatter au gré de prestations encourageantes, d’où notamment le contrat de professionnel offert à ses 17 piges. En dépit d’une cheville cassée au début de la saison 2011-2012 qui le tient écarté des terrains durant neuf mois, le bambin prend du galon à son retour. Avec comme point culminant le titre de meilleur buteur du championnat des moins de dix-huit ans (14 pions claqués en 18 rencontres) au terme de la cuvée 2012/2013. Wilson n’est qu’un gamin mais est, déjà, perçu comme un exemple. « Des jeunes gars du centre de formation sont venus me demander des conseils, expliquait-il en mai dernier au Guardian. Tout jeune, j’avais l’habitude de regarder les grands quand j’avais leur âge. Les rôles sont désormais inversés et je sais ce que cela fait d’être dans leur situation. »
2013/2014 marque un tournant majeur dans son court, mais prometteur parcours. Alors qu’il est censé découvrir la Premier League U21 pas à pas, le jeune blondinet n’a besoin que de cinq rencontres – pour 4 buts dont un triplé – pour taper dans l’œil du manager en charge de l’équipe première, David Moyes. Sur les conseils avisés de Warren Joyce, manager de la réserve mancunienne, l’Écossais le convoque une première fois contre Newcastle (0-4, 5 avril 2014). Un avant-goût alléchant pour un bonhomme vite gagné par l’impatience : « Chaque fois, je me dis juste : « Je pourrais être en équipe première. » Ce serait bien que j’obtienne quelques minutes sur la pelouse. J’ai besoin de voir comment j’appréhenderais l’atmosphère, la pression et les autres facteurs. » Tellement pressé qu’il s’est vu échoir le surnom de « Chevy » , en référence au sponsor de l’équipe Chevrolet, car celui-ci avait confié à ses compères vouloir disputer assez de matchs afin de bénéficier d’une voiture grâce au club. Il faudra attendre le licenciement de Moyes et l’éphémère passage de Giggs en tant qu’entraîneur-joueur – avec comme adjoints Scholes et Butt – pour le voir effectuer ses débuts sous une nuit étoilée, en mai dernier, à l’occasion de la dernière rencontre à Old Trafford. Lancé d’entrée contre Hull City (3-1), Wilson régale et inscrit deux buts plein d’opportunisme. « C’était un sentiment fantastique, lâchera-t-il euphorique au micro de MUTV au terme du match. Vous ne pouvez le comparer avec aucune autre chose. » Satisfait de sa prestation, Giggsy se permet même de l’adouber publiquement : « James est un buteur, un buteur né, mais il a bien d’autres cordes à son arc. Il peut jouer dos au but ou dans la profondeur. Il est très intelligent. »
Van Gaal : « Je crois en lui »
Dans la foulée de cette entrée en scène réussie, le striker ponctue une saison de toute beauté en signant un quadruplé en finale de Manchester Senior Cup face au rival honni de City (4-1). Sans forcer. De telles promesses qui ont rapidement fait succomber le nouveau boss Louis van Gaal, lequel aurait validé les départs de Chicharito et Welbeck après avoir vu le gaucher à l’œuvre. Joueur élancé, véloce, James Wilson a des faux airs de Michael Owen dans ses courses balle au pied. Et ses performances en réserve ont montré un garçon plutôt adroit face au but. « Il a déjà frappé à la porte depuis longtemps, comme je l’ai dit à plusieurs reprises. (…) Je crois en lui, mais il est en concurrence avec Falcao et Van Persie » , confiait à MUTV en novembre « le Pélican » , ce qui, dans sa bouche, ressemble à un compliment. Une confiance accompagnée d’actes, puisque son poulain a d’abord grignoté quelques minutes de jeu. Avant de, carrément, parfois, démarrer titulaire, devant un Radamel Falcao méconnaissable.
Contre Stoke City (2-1) et Liverpool (3-0) cette saison, LvG a ainsi préféré l’aligner au détriment du Colombien. Face à Southampton (0-1), il y a un mois, ce dernier ne figurait même pas sur la feuille de match, alors que son homologue britannique, oui. Pourquoi ? Officiellement, pour sa « rapidité » , selon le Néerlandais. D’aucuns susurrent que Wilson a plus apporté dans le jeu lors de ses courtes apparitions (322 minutes en championnat dont 2 titularisations, 1 but) qu’ « El Tigre » (862 minutes dont 10 titularisations, 4 buts). Van Gaal entend toutefois le préserver et lui donner le temps nécessaire avant de véritablement briguer une place de titulaire. En attendant, le gamin, qui cristallise beaucoup d’attentes après l’échec de la génération Welbeck-Cleverley, peut s’appuyer sur des professeurs expérimentés. Avec un Van Persie aux jambes plus lourdes, mais à la technique toujours aussi sûre et un Wayne Rooney encensé pour son sens du sacrifice. Conscient des qualités du joyau, le board mancunien envisagerait, d’après la presse anglaise, d’étendre son bail de quatre ans et de multiplier par quatre son salaire hebdomadaire. Le talent a un prix. Et avec le spectre Paul Pogba qui hante toujours le Théâtre des Rêves, les Red Devils ne veulent pas commettre la même erreur. Pas deux fois.
Par Romain Duchâteau